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Auchan valorise ses données grâce à une architecture « data centric »

Afin de libérer les données pour ses collaborateurs et mieux valoriser ce patrimoine, Auchan Retail s’est doté d’une architecture « orientée data ». Elle repose sur des référentiels opérationnels et une base NoSQL.

Auchan Retail est une marque historique du secteur de la distribution avec plus de 55 ans d’existence, 644 points de vente en France et 4 000 sous enseigne, dans 17 pays du monde. Mais en matière de systèmes d’information, une longue histoire est aussi synonyme de complexitĂ©.

Le poids de l’existant peut en effet freiner les initiatives en matière de transformation numérique et de données. C’est pour y remédier que l’entreprise française a décidé quatre ans plus tôt de faire évoluer son IT. Sa nouvelle architecture doit reposer sur les grands piliers technologiques que sont les API, le cloud, la cybersécurité et la Data.

Des données mutualisées pour les opérations

En matière de données, Auchan Retail disposait ainsi de systèmes orientés analytique, comprenant notamment un entrepôt de données. Ils permettaient à l’entreprise de développer des outils de pilotage. Ce qui est bien, mais pas suffisant, en particulier pour adopter des modes projet agiles.

« Pourquoi se restreindre ? Pourquoi ne pourrions-nous pas adopter les mĂŞmes mĂ©thodes pour d’autres types d’applications ? Mais pour cela, il nous fallait faire Ă©voluer nos technologies et ĂŞtre au niveau de service des applications opĂ©rationnelles Â», explique Eric de Wilde, directeur Data Centric de l’enseigne en France.

Cela passait par une transformation des socles de donnĂ©es, plutĂ´t analytiques donc, en des socles opĂ©rationnels avec la conception de rĂ©fĂ©rentiels de donnĂ©es opĂ©rationnels â€“ ou RDO (prix, produits, tickets, sites…). Ces rĂ©fĂ©rentiels, qui doivent permettre le dĂ©veloppement rapide de nouvelles applications, font office de « points de vĂ©ritĂ© Â».

« C’est vĂ©ritablement la vitesse de ces projets qui a Ă©tĂ© notre moteur Â», insiste l’expert d’Auchan Retail. Auparavant, l’information Ă©tait dissĂ©minĂ©e en divers endroits du SI, recopiĂ©e au travers de flux batch, dupliquĂ©e, etc. Cela n’était pas sans poser des problèmes, notamment de qualitĂ© des donnĂ©es.

L’entreprise fait alors trois constats principaux : un virage incontournable vers le cross-canal, nĂ©cessitant une mutualisation accrue ; l’ambition d’être data centric comme source de valeur, malgrĂ© une très grande richesse en termes de patrimoine Data ; enfin un système principalement orientĂ© batch, pĂ©nalisant la rĂ©activitĂ©. Si l’activitĂ© Web Ă©tait plus orientĂ©e API, il n’en allait pas de mĂŞme du reste du SI.

Libérer les données via une approche data-as-a-service

Par ailleurs, le distributeur se donnait comme objectif d’adopter plus largement le cloud (privĂ© et public selon les cas d’usage), mais sans remettre en cause les exigences en matière de sĂ©curitĂ©. Ces diffĂ©rents aspects constituaient les « fondements d’une architecture data centric Â».

La technique n’est cependant pas le seul volet d’un tel chantier.

« Que ce soit l’opĂ©rationnel ou l’analytics, l’objectif Ă©tait de libĂ©rer les donnĂ©es au travers d’une approche dite data-as-a-service. Â»
Hans BootArchitecte IT, Auchan Retail France

Celui-ci nĂ©cessite en parallèle de dĂ©finir les donnĂ©es, leur valeur, mais Ă©galement leur gouvernance, ainsi que d’amĂ©liorer qualitĂ© et accessibilitĂ©. Ce qui a par ailleurs amenĂ© l’entreprise Ă  sĂ©parer l’analytique (basĂ©e sur un système hybride Teradata/Google Cloud Platform) de l’opĂ©rationnel. « Nous avons concentrĂ© nos efforts sur les donnĂ©es opĂ©rationnelles. Mais que ce soit l’opĂ©rationnel ou l’analytics, l’objectif Ă©tait de libĂ©rer les donnĂ©es au travers d’une approche dite data-as-a-service Â», dĂ©taille Hans Boot, architecte IT pour Auchan Retail France.

Mais pour basculer sur une telle approche, un composant majeur faisait dĂ©faut : le RDO. Il s’agit d’un point de vĂ©ritĂ© qui permet Ă  chacun dans l’entreprise de consommer une donnĂ©e prĂ©cise, par exemple la donnĂ©e « produit Â». Ces objets mĂ©tier communs Ă  l’ensemble du groupe sont, grâce aux rĂ©fĂ©rentiels, accessibles Ă  tous.

Un RDO peut prendre la forme d’une base de données totalement indépendante ou d’un cache d’exposition pour des MDM (Master Data Management), qui ne permettent pas directement l’accessibilité aux données. C’est pour un tel cache qu’a opté l’équipe architecture transverse du groupe.

Pour cela, elle a fait le choix d’une technologie NoSQL de l’éditeur Couchbase. Une dĂ©cision justifiĂ©e par un besoin de mise Ă  disposition d’une forte volumĂ©trie de donnĂ©es, en temps rĂ©el, et en haute disponibilitĂ©. « La raison principale, c’est que le NoSQL permet de gĂ©rer la modĂ©lisation Ă  un plus haut niveau d’abstraction. Ainsi, il est possible de concevoir des bases de donnĂ©es plus gĂ©nĂ©riques s’adaptant facilement Ă  nos besoins et Ă  leurs changements Â», prĂ©cise l’architecte, acteur dĂ©cisif de ce choix.

30 rĂ©fĂ©rentiels et 3 milliards de documents rĂ©fĂ©rencĂ©s

Les propriétés de Couchbase répondaient donc aux exigences techniques du distributeur. La grande majorité des RDO réside dans le cloud privé, même si l’entreprise exploite aussi du cloud public. Grâce à des conteneurs (Docker), la DSI s’est cependant assurée que ces systèmes en termes d’infrastructure étaient agnostiques.

Grâce en outre Ă  une dĂ©marche DevOps, Auchan a pu industrialiser le processus de dĂ©ploiement d’un nouvel RDO. Celui-ci peut ĂŞtre mis en production en l’espace de moins d’une semaine. Aujourd’hui, ce sont ainsi plus de 30 rĂ©fĂ©rentiels de donnĂ©es opĂ©rationnels qui sont Ă  disposition des mĂ©tiers. Ils rĂ©fĂ©rencent plus de 3 milliards de documents.

PrĂ©cisons que cette architecture Data Centric est encore en construction et en Ă©volution permanente. « Beaucoup de chemin a Ă©tĂ© fait, et il reste encore beaucoup de RDO et de cas d'usage mĂ©tier Ă  dĂ©ployer Â», prĂ©cisent les membres de la DSI.

Et la complexitĂ© et les obstacles ne sont de plus pas seulement d’ordre technologique. Il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire de conduire une vĂ©ritablement politique de changement, en particulier en ce qui concerne la « propriĂ©tĂ© Â» des donnĂ©es. L’existant et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© du SI constituent aussi une barrière Ă  surmonter. Ce qui a obligĂ© les diffĂ©rentes DSI Ă  rendre les RDO « multi-protocoles Â», mais Ă©galement Ă  se transformer elles-mĂŞmes de l’intĂ©rieur.

Eric de Wilde parle ainsi de « changement de mindset [N.D.R. : mentalitĂ©] Â» et mĂŞme de « rĂ©volution Â». Historiquement, les DSI du groupe Ă©taient « assez silotĂ©es Â», avec pour chacune leurs traitements, leurs domaines ou leurs donnĂ©es et utilisateurs. Place donc Ă  une approche plus collective, les rĂ©fĂ©rentiels se destinant aux besoins de l’entreprise Ă©tendue.

Une architecture, mais aussi une organisation data centric

« Les mĂ©tiers perçoivent les rĂ©fĂ©rentiels opĂ©rationnels comme un moyen d’accĂ©lĂ©rer leurs projets. Ils règlent une bonne fois pour toutes notre problĂ©matique d’accès simplifiĂ© Ă  la donnĂ©e avec des niveaux de service importants. Â»
Eric de WildeDirecteur Data Centric, Auchan

Mais le changement ne se dĂ©crète pas, rappelle l’expert Data. Il passe aussi par la construction de pĂ´les de compĂ©tences et l’instauration d’un haut niveau de confiance. Outre les centres d’expertise, Auchan s’appuie Ă  cette fin sur des facilitateurs, dont une Ă©quipe architecture transverse et des « data owners Â» (responsables de donnĂ©es).

Cette organisation bĂ©nĂ©ficie plus largement aux projets numĂ©riques du groupe. Les RDO participent Ă  cette mutualisation. « Les mĂ©tiers perçoivent les rĂ©fĂ©rentiels opĂ©rationnels comme un moyen d’accĂ©lĂ©rer leurs projets. Ils règlent une bonne fois pour toutes notre problĂ©matique d’accès simplifiĂ© Ă  la donnĂ©e avec des niveaux de service importants Â», se fĂ©licite Eric de Wilde.

L’architecture n’est nĂ©anmoins qu’une première Ă©tape et un volet qui se double d’une organisation elle aussi « data centric Â» qui vise Ă  mettre au plus proche du terrain la responsabilitĂ© d’alimenter et de consommer les donnĂ©es. La finalitĂ© ? Prendre de meilleures dĂ©cisions. Pour y parvenir, une grande partie des compĂ©tences Data sera Ă  terme dĂ©centralisĂ©e auprès des mĂ©tiers.

« Nous avions un grand capital de donnĂ©es très concentrĂ©. Nous avons travaillĂ© pour crĂ©er ces points de vĂ©ritĂ© et disposer d’un accès facilitĂ©. Ă€ prĂ©sent, c’est en forte proximitĂ© des utilisateurs que nous allons pouvoir dĂ©gager de la valeur Â», conclut le responsable Data. Ce projet prĂ©pare aussi l’étape d’après. Le dĂ©veloppement d’usages de l’intelligence artificielle.

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