Avec l'OTAN, Dataiku se fait un nom dans la défense et la sécurité

Fort du soutien de l’OTAN, Dataiku veut promouvoir sa plateforme de data science auprès des acteurs gouvernementaux, du renseignement et de la défense.

Cet article est extrait d'un de nos magazines. Téléchargez gratuitement ce numéro de : Applications & Données: Processus : les bons candidats pour le RPA

L’Intelligence Artificielle (IA) est perçue comme une opportunité par les entreprises pour moderniser leurs processus. Les acteurs de la défense, de la sécurité et du renseignement espèrent eux aussi en tirer les mêmes bénéfices dans le cadre de leurs opérations.

Le Français Dataiku s’est d’ailleurs rapidement ouvert à ce marché. Dès 2017, la startup qui a levé 146 millions de dollars participe à l’initiative « Intelligence Campus » du ministère de la Défense. C’est à la même période qu’elle recrute Rémi Meunier – ancien COO de Recast.AI, racheté par SAP – en tant que Practice Manager pour son secteur défense et sécurité EMEA.

« À l’époque, on parlait déjà beaucoup des besoins des services régaliens et de renseignement », se souvient-il. « Ils souhaitaient utiliser des solutions de gestion de données et d’analyse Big Data, mais avec un certain nombre de contraintes liées à la souveraineté ».

« La plateforme DSS me semblait très adaptée aux besoins des services de cette communauté défense sécurité. »
Rémi Meunier, DataikuPractice Manager, Dataiku

« La plateforme DSS me semblait très adaptée aux besoins des services de cette communauté défense sécurité », continue-t-il. Encore fallait-il la faire connaître à ces acteurs très exigeants. L’occasion va se présenter en 2018. 

Cette année-là, le Commandement Allié Transformation (ACT ou Allied Command Transformation) de l’OTAN organise un « challenge innovation » à l’École Militaire de Paris, en collaboration avec l’état-major des armées françaises et le ministère allemand de la Défense. Le défi en question portait sur la fusion de données, l’analytique et la visualisation. 

Dataiku a participé à l’événement. L’exercice consiste à analyser « un scénario fictif de déploiement de forces dans un théâtre d’opérations reculé de type Kosovo où nous devions mettre au point une solution de planification des opérations », relate Rémi Meunier. Dataiku réalise alors un démonstrateur qui fait appel à la détection d’objets – via la computer vision et le deep learning – sur une imagerie aérienne pour y détecter automatiquement des éléments comme des véhicules.

Le démonstrateur de détection automatique d’objets sur imagerie aérienne de Dataiku.
Le démonstrateur de détection automatique d’objets sur imagerie aérienne de Dataiku.

Dataiku gagne un concours de l’OTAN (et un contrat)

« Nous avons gagné le prix de l’ACT et de l’état-major des armées », se réjouit aujourd’hui Dataiku qui a été invité à une conférence annuelle de l’OTAN et a reçu un prix de 25 000 euros de l’état-major des armées.

« Nous avons élaboré, petit à petit, un accord qui a été officialisé en février 2020. »
Rémi MeunierDataiku

« Pendant la conférence de l’OTAN, nous avons rediscuté avec les décideurs d’ACT – des cadres et des officiels. Par la suite, nous avons élaboré, petit à petit, un accord qui a été officialisé en février 2020 », résume le Practice Manager. 

Ce contrat d’un an entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et Dataiku est non exclusif. La division ACT de l’OTAN veut utiliser la plateforme Data Science Studio (DSS) pour « déployer des projets d’intelligence artificielle » dans le but d’appliquer des services d’analytique avancée, avec différents pays membres de l’organisation transatlantique en Europe et en Amérique du Nord. Confidentialité oblige, le communiqué de presse publié en février se cantonne à évoquer de manière vague des « cas d’utilisation sur le terrain ». 

« Nous voulions élargir l’utilisation de la data science, du machine learning et de l’IA au sein de l’organisation atlantique », y expliquait le général André Lanata, commandant suprême allié Transformation (SACT). Difficile d’en savoir davantage sur les usages de la plateforme. L’OTAN maîtrise logiquement et fermement sa communication.

Quant à Rémi Meunier chez Dataiku, il n’en dira pas plus. A priori pas parce qu’il ne veut pas, mais parce qu’il ne peut pas. « Le fait que je ne puisse pas vous vous répondre est de mon point de vue positif pour Dataiku. Cela signifie que nous laissons à nos clients la maîtrise totale de la plateforme [et de leur IA]. C’est une garantie essentielle pour la souveraineté et pour la confiance que nous portent ce genre de clients ». 

« Nous travaillons avec les équipes de l’OTAN de manière intensive. Nous étudions leur demande sur certains sujets… et il se pourrait que ce premier contrat enclenche d’autres développements », se réjouit Rémi Meunier. « Un acteur institutionnel comme l’OTAN qui affiche publiquement sa confiance dans Dataiku, c’est un sésame pour nous. Cela envoie un très bon signal pour nos prospects et nos clients de ce secteur-là ».

Intérieur, DGA, TracFin aussi

L’OTAN n’est pas le seul acteur de la défense et de la sécurité à faire appel au service du spécialiste français de la data science. « Clairement, Dataiku a largement ciblé ce secteur parce que nous avons des capacités techniques qui rassurent ces acteurs. Par exemple, DSS peut être installé sur site et sans connexion à internet », indique Rémi Meunier. 

Dataiku œuvre aujourd’hui auprès de plusieurs administrations françaises. L’éditeur a déployé sa solution au sein du ministère de l’Intérieur avec l’aide d’un consultant technologique : Saegus. Ensemble, les deux sociétés ont aidé à la conception d’une solution dédiée à la détection de fraude aux titres nationaux (permis de conduire, carte d’identité, passeport, carte grise). 

DSS est également utilisée par TracFin, l’organisme de renseignement rattaché au ministère de l’Économie et des Finances qui lutte contre le blanchiment d’argent, la fraude et le financement du terrorisme. Autre exemple, la Direction générale de l’armement (DGA) se sert également de la solution de Dataiku à des fins de cybersécurité.

P3 Innovation et Lockheed Martin C130J

L’éditeur s’est aussi mis au service de P3 Innovation, un groupe de réflexion et d’échanges prospectifs sur l’utilisation de l’IA pour la prise de décision entre les majors généraux de l’armée française, anglaise et américaine. 

« Nous avons été conseil de l’état-major des armées dans le cadre d’un projet lié à la maintenance prédictive d’un avion de l’armée de l’air », détaille Rémi Meunier. 

Le projet en question vise à assurer la maintenance prédictive du ravitailleur militaire Lockheed Martin C130J et de ses variantes. La France en possède quatre, le Royaume-Uni trente-huit et les États-Unis deux cent treize. P3 Innovation veut faciliter le partage de données et des modèles d’algorithmes pour prédire les pannes et faciliter les remplacements de pièces. Le projet est d’autant plus important que la flotte française de C130J est vouée à devenir franco-allemande en 2024. 

Citizen Data Scientists

« Nous sommes capables avec Dataiku de répondre à des cas d’usage très variés. Cette approche horizontale est recherchée par le secteur de la sécurité et de la défense » vante Rémi Meunier.

L’éditeur français adapte d’ailleurs quelque peu sa feuille de route technologique pour ces acteurs qui peuvent avoir des demandes particulières. « Il y a clairement une tendance qui se dégage aujourd’hui : [il y a une demande] pour des interfaces qui facilitent le Big Data et qui le rendent utilisable par des enquêteurs, des fonctionnaires ou des personnes sur le terrain qui n’ont pas forcément de connaissances IT. Mais ces experts métiers ont besoin d’outils adaptés via des interfaces visuelles ». 

Un autre défi. Car, de fait, DSS s’adresse principalement aux data scientists et aux statisticiens. Des profils qui ne sont pas plus nombreux dans le secteur de la défense que dans des marchés plus classiques.

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