Comment Michelin reprend en main son IT avec ITIL

La DSI Michelin sort de la culture d'externalisation totale pour reprendre en interne la gestion de l'intégration des systèmes. Une démarche qui passe avant tout par ITIL et une CMDB.

Tous les DSI français ont encore en tête cette vague de grands projets d’externalisation initiés au début des années 2000. Les entreprises du CAC40 donnaient les clés de leur informatique à des SSII dans le cadre de mégacontrats d'outsourcing total. Le contrat signé par Michelin avec IBM en décembre 2003 est sans doute l’un des plus emblématiques. Ce contrat de près d'un milliard d’euros pour 8 années devait permettre au Clermontois de maitriser ses coûts informatiques tout en gagnant en réactivité.

Depuis la signature de ce mégacontrat, le géant français a quelque peu fait machine arrière et revu son approche vis-à-vis de l’externalisation totale. En 2008, précipitant la fin de son contrat avec IBM, Michelin a tronçonné son contrat d’infogérance globale en 10 lots que l’industriel s’est appliqué à distribuer à différentes SSII. Logica a alors raflé 4 lots, Wipro 2, tout comme IBM-Sopra et Atos-Accenture. Chacun ont remporté 2 lots pour des contrats ne dépassant pas 3 années.

ITIL dans un environnement multifournisseur

Depuis, la transformation numérique est passée par là. L'informatique n'est plus considérée par Michelin comme un simple support à l'activité industrielle ou commerciale de l'entreprise, mais comme une véritable composante de la stratégie d'entreprise. Plateformes de services Web a destination des centres auto et des garages, applications mobiles de gestion de flotte, pneus connectés et même impression 3D dans les ateliers, le numérique devient omniprésent chez Michelin.

C'est d’ailleurs la raison pour laquelle l'informatique de Michelin a souhaité reprendre en interne un contrôle plus étroit de ses projets informatiques. La société a décidé de mettre en place un programme qui consiste à déployer un système de gestion de gestion des configurations (CMS - Configuration Management System), couplé à les processus ITIL qui permettront à la DSI de gérer ses multiples fournisseurs IT travaillant pour la DSI de Michelin.

"Dans les années 2000, nous avons fait le choix stratégique de pousser notre informatique vers un seul partenaire qui a pris à son compte la totalité de la mise à disposition de nos systèmes et infrastructures, ainsi que l’intégration de nos services", a rappelé Olivier Sarrat, responsable du programme MSI (Multi‑Supplier Service Intégration), présent à la conférence NowForum Paris.

 "Le contrat arrivant à son terme, nous nous sommes dit que nous devions changer d’approche. La stratégie de l’IT a été d’aller vers une approche multifournisseurs et multipartenaires, mais aussi de monter en expertise dans certains domaines. Nous nous sommes alors heurtés au fait que c’était notre partenaire qui réalisait l’intégration de nos services et qu’il nous fallait reprendre en interne cette compétence. Nous avons transformé ce défi en opportunité afin de nous lancer dans l’intégration de services pour nous réapproprier nos processus et nos services, et donner une nouvelle orientation « end user » à nos services."

Un projet mené au pas de charge

Le rôle de la DSI centrale de Michelin à Clermont-Ferrand est clé dans le fonctionnement du géant industriel car si celui-ci compte entre 170 et 180 sites dans le monde, dont 68 sites de production. Les services IT  sont très centralisés sur Clermont-Ferrand. La DSI centrale devait donc se remettre en capacité de gérer en interne ses projets d'intégration informatique et sa gestion de services. "Notre première tâche n’a pas été de mettre en place l’ITSM, mais plutôt de négocier ce Big Bang du changement de modèle qui nous faisait passer du mode mono-fournisseur à multifournisseur et il fallait mettre en place une solution rapidement", explique le responsable Michelin.

C'est vers une solution Saas que le Clermontois s'est tourné, avec la solution ITSM de ServiceNow dont l'intégration est menée avec Accenture en parallèle à l'élaboration des processus ITIL. "Nous avons structuré une équipe très technique qui bénéficiait de l’assistance de ServiceNow et de notre partenaire Accenture, une équipe très technique qui s’est attachée à mettre en place les fondations, l’intégration des métadonnées, les interfaces et la configuration de la plateforme, toute la partie technique. Au-dessus de cela, nous avons mis en place des binômes Michelin/Accenture afin de piloter la mise en place des processus. Nous en sommes à 14 processus implémentés aujourd’hui."

Véritablement lancé en juillet 2016, le projet est mené "au rythme d'un 800 m", souligne Olivier Sarrat puisque l'instance ServiceNow Michelin est officiellement en production depuis le 6 décembre 2016. "Le driver du projet, c’était le timing et nous avons couru pendant quelques mois."

Pour lui, en dépit de cette pression sur les délais, la mise en place de ServiceNow fut un projet exemplaire : "J’ai 38 ans d’ancienneté chez Michelin, mené de multiples projets d’intégration d’autres solutions et en général, lorsqu’on déploie un tel système, on constate beaucoup de bugs au début. On a beaucoup de travail à réaliser, beaucoup de priorité « une » sur l’outil en général, or nous n’avons pas constaté cela sur ServiceNow. Ma surprise : le démarrage de ServiceNow fut un non événement chez nous, tant sur la solution technique que sur les processus. »

De l'importance de bien définir le rôle d'une CMDB

Parmi les fonctionnalités de la plateforme ServiceNow particulièrement appréciées par l'équipe MSI, les capacités de gestion des priorités des incidents apportée par l'outil. "Nous avons près de 2 000 applications et nous devions savoir où placer nos ressources, et avec quelles priorités. Nous avons toujours eu du mal à le faire et c’est ce qui nous a poussés à implémenter un processus qui bénéficie des capacités de ServiceNow. La Priority Matrix par exemple hiérarchise les priorités, ainsi que la CMDB. Nous avons implémenté une CMDB, aligné nos partenaires ainsi que les équipes techniques de Michelin afin de sortir enfin de la « P1 », la priorité « une » systématique."

Sur ce plan, l'outil mis en œuvre a pu démontrer son efficacité puisqu'en 6 mois le nombre de priorités « une » a été réduit d’un facteur 4 à 5. Cela a permis aux équipes informatiques de concentrer leurs efforts sur les demandes réellement les plus importantes.

En parallèle, l'équipe d'Olivier Sarrat a démarré le module HR de ServiceNow sur un périmètre limité à la France mais dont l'usage doit rapidement être étendu à toute l’Europe. Les demandes d'évolutions et de nouveaux processus se multiplient auprès de l'équipe MSI, mais le responsable garde la tête froide : "Nous sommes engagés dans une vraie réflexion quant à notre CMDB et ce que voulons en faire. Nous avons des ambitions, mais nous devons établir une roadmap pour l’élaboration d’une CMDB qui réponde véritablement à nos ambitions. C’est compliqué : les gens de la sécurité ont des ambitions, les gens des finances ont d’autres ambitions. Il faut mettre un peu de liant à toutes ses demandes pour structurer tout cela. Avec Accenture, nous essayons d’établir une roadmap de ce que deviendra notre CMDB", conclut Olivier Sarrat.

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