zorandim75 - Fotolia

Comment la GenAI peut aider à diffuser la culture IA dans l’industrie

Avec l’émergence de l’IA générative, les industriels observent une accélération de la diffusion de la culture et des usages de l’IA. Mais ce mouvement doit être accompagné méthodiquement. Illustration chez Orano (Areva) et SLB (Schlumberger).

C’est devenu un poncif. L’IA générative a accéléré la sensibilisation et la compréhension des collaborateurs à l’égard de l’intelligence artificielle. Cette tendance à la démocratisation, des industriels l’observent eux aussi, comme en témoignaient Orano et SLB lors d’AI for Industry organisé par Artefact.

Chez Orano (ex-Areva), les déploiements de l’IA ont cependant précédé la sortie de ChatGPT. « C’était fastidieux », reconnaît toutefois Stéphane Puydarrieux, directeur IA et Data Science du groupe.

Des Data Scientists traducteurs auprès des métiers

Les développements en IA ont démarré quelques années auparavant avec une « poignée » de data scientists. L’entreprise en compte désormais une trentaine. « Le rôle des data scientists a été pendant longtemps (et l’est toujours d’ailleurs) celui d’interprète [pour des sujets complexes] ».

La fonction des data scientists consiste ainsi à traduire « en langage mathématique, en équations et en solutions, un problème de corrosion, de génie chimique, de métrologie, de mécanique ou autre ». Jusqu’en 2022, la traduction s’appuyait sur du machine learning ou du deep learning. Désormais, la GenAI représente près de 50 % du portefeuille de projets d’Orano (80 cas d’usage). « L’IA générative nous apporte d’autres sujets, d’autres perspectives, et d’autres craintes. Elle constitue un virage en matière d’IA », analyse l’AI Officer.

Ce pivot, il l’observe aussi sur la culture de l’IA. « L’IA générative a tout changé depuis deux ans. [L’IA] n’est plus un sujet réservé à des experts. » Cette démocratisation est favorisée encore plus avec le low-code no code.

« Toutes les fonctions dans l’organisation veulent une solution d’IA générative pour les aider dans leur quotidien au travail », constate Stéphane Puydarrieux, qui compte par ailleurs sur une direction générale « convaincue » (sic).

Le labo IA pensé dès l’origine pour l’accélération IA

Chez SLB (anciennement Schlumberger), entreprise française de services et équipements pour l’énergie, la GenAI est également synonyme « d’accélération ». En matière d’adoption et d’acculturation, le mouvement a été initié en amont avec la création d’un laboratoire interne.

Sa création s’est accompagnée de plusieurs initiatives d’éducation et formations internes pour « expliquer ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire avec l’IA », explique Josselin Kherroubi, AI Director et Scientific Advisor, « et aussi pour gérer les attentes des collaborateurs ».

« Avec l’IA générative, il y a eu une accélération. Tout le monde voulait en faire. »
Josselin KherroubiSLB

« Avec l’IA générative, il y a véritablement eu une accélération », justifie-t-il. « C’est comme si on mettait à l’échelle ce qu’on avait déjà fait sur le labo. Tout le monde voulait en faire. Pourquoi ? Parce que ça fait partie du quotidien et touche toutes les fonctions ».

En matière d’usage, la GenAI au sein de SLB est abordée sous l’angle de l’accès à la connaissance élargi à un plus grand nombre. Cet accès facilité constitue un moyen de compléter les savoirs détenus par les experts – en nombre limité – en interne.

Pour Orano aussi, l’utilisation et l’exploitation de bases de connaissances techniques sont au cœur des usages des technologies génératives. Cette application concerne « tous les domaines, tous les métiers : process industriels, brevets, réglementation, RH, etc. », confirme Stéphane Puydarrieux.

L’IA « nous permet d’aller chercher dans des documents ou dans des plans – qui peuvent avoir 30 ou 40 ans – des informations sur la possible corrosion, la pérennité ou la fragilité d’un équipement », illustre Stéphane Puydarrieux

L’aide au coding figure également parmi les applications de l’IA générative déployées dans le nucléaire comme chez SLB. Le directeur de l’IA d’Orano évalue les gains de temps pour le développement logiciel à 20-25 %.

La GenAI un levier de démocratisation, mais d’une grande complexité

Les progrès accomplis en IA ne se cantonnent pas au génératif. « Désormais, on arrive très facilement à réentraîner des modèles et à les spécialiser dans un domaine. Il n’est plus impératif de disposer d’énormément de données pour réentraîner. Avec un peu d’annotations, on peut arriver à un modèle spécialisé performant », assure Josselin Kherroubi.

Mais l’IA demeure un domaine de complexité. « Nous travaillons sur des données qui sont compliquées, multigénérationnelles, certaines ont plus de 30 ans. Les données sont parfois hautement sensibles ».

L’étanchéité des réseaux est un autre frein à la circulation des données et à leur exploitation par l’IA.

Éducation sur les capacités de l’IA et ses risques

Pour Stéphane Puydarrieux, l’IA générative n’est pas synonyme de grand chamboulement, en particulier sur la méthodologie. « Comme pour l’IA classique, nous travaillons avec les métiers, main dans la main. Et comme pour l’IA classique, nous avons également un rôle à jouer en matière d’exploration, de foisonnement, d’innovation et d’industrialisation des cas d’usage. »

La facilité apparente de prise en main de la GenAI ne dispense pas non plus d’actions d’acculturation. « Pour tout ce qui est IA génératif, nous avons commencé par des conférences, une partie éducative pour expliquer ce que c’était, ce que ça pouvait faire, mais aussi les risques », indique Josselin Kherroubi.

Pour SLB, il s’agit aussi de protéger sa propriété intellectuelle. En termes d’outillage, l’industriel a déployé un ChatGPT interne et GitHub Copilot pour ses ingénieurs logiciel. En complément, afin de « favoriser l’innovation », l’entreprise a aussi mis en place une organisation. Celle-ci permet « de soumettre des projets, de vérifier la partie légale, de mettre à disposition une API Azure pour utiliser et développer ses propres produits ou ses propres concepts », liste le directeur du labo IA.

Des workshops pour toutes les divisions, pour toutes les unités business, ont été organisés dans le but d’éduquer et de capturer l’ensemble des cas d’usage. Environ une centaine ont été identifiés. Ils sont filtrés par la valeur afin d’établir les priorités à inclure dans le portefeuille de projets pour 2025.

Rester vigilants, et sensibiliser sur la protection des données

Du côté d’Orano, l’approche consiste également dans le fait de « concentrer un maximum d’énergie, de ressources, d’efforts et de compétences sur quelques sujets majeurs avec une forte valeur ajoutée. » S’y ajoutent « quelques sujets à fort enjeu et particulièrement complexes. »

« N’oublions pas que quoique l’IA puisse faire […] l’humain reste le seul et l’unique responsable de ce qu’il a écrit, de ce qu’il a publié et de ce qu’il produit. »
Stéphane PuydarrieuxOrano

Cet accent mis sur la valeur n’interdit pas d’autres initiatives. Stéphane Puydarrieux encourage à « continuer d’explorer les possibles, d’innover, de faire de la veille technologique, des PoC, de continuer à foisonner et à imaginer des idées. »

L’entreprise du nucléaire travaille également à la construction d’une plateforme dédiée. Elle devra répondre à certains critères : être « la plus agile, la plus flexible, la plus agnostique possible pour nous permettre de développer rapidement des solutions industrielles viables. »

« N’attendons pas que les solutions d’IA générative soient parfaites, ni totalement matures et complètes. Nous en sommes encore très loin. Il y a des gains et de la valeur à prendre dès maintenant », plaide le cadre d’Orano.

Mais ces exhortations ne négligent pas les risques. « Nous devons aussi rester vigilants en matière de protection de nos données, en particulier dans un domaine sensible. »

Enfin, Stéphane Puydarrieux rappelle que le collaborateur joue un rôle fondamental, ce qui plaide en faveur de sa formation. « N’oublions pas que quoi que l’IA puisse faire […] l’humain reste toujours le seul et l’unique responsable de ce qu’il a écrit, de ce qu’il a publié, de ce qu’il produit. »

L’adoption repose aussi sur la preuve de valeur. « Il faut créer des succès, montrer que l’IA ne se résume pas à des concepts, que nous sommes capables de mettre des solutions fonctionnelles, robustes avec des boucles de sécurité, à disposition d’un grand nombre de personnes », complète Josselin Kherroubi.

Pour approfondir sur IA appliquée, GenAI, IA infusée