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L’IA générative menace-t-elle les plateformes low-code/no-code ?

Outre les risques en matière de sécurité et de droit, l’IA générative complète, mais ne remplace pas (tout du moins pour l’instant) les plateformes low-code/no-code.

Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour tomber sur des prédictions concernant la fin certaine de métiers, produits et technologies que l’IA générative est censée détruire. Qu’en est-il des plateformes de développement de logiciels low-code/no-code ?

Le low-code/no-code doit permettre aux développeurs de logiciels et aux « citizen developers » de créer des applications, indépendamment de leur expertise en matière de programmation. Ces plateformes sont nombreuses. Chacune d’entre elles offre un éventail de fonctions pour la conception et le développement d’applications plus ou moins complexes.

La capacité des IA génératives à générer du code à la demande – comme le fait GitHub Copilot, Amazon CodeWhisperer, Code Llama, Tabnine ou encore ChatGPT – pourrait remettre en question l’utilité de ces plateformes.

D’un côté, les développeurs professionnels peuvent (en principe) se faire assister par ces outils capables de comprendre leurs intentions exprimées en langage naturel et compléter des portions de code qu’ils auraient déjà rédigé. De l’autre, les citizen developers pourraient se passer d’une plateforme pour créer leurs applications.

Clairement, ces outils propulsés à l’IA générative, dans leur état actuel, ne remplacent pas les plateformes low-code/no-code. Il y a trop de caractéristiques que les modèles de fondation ne savent pas encore reproduire fidèlement.

Parmi les choses que ChatGPT et consorts peinent à réaliser, citons la conception d’architecture applicative, l’intégration du code, la sécurité et la gestion des licences.

Conception d’architecture applicative

De fait, ces outils peuvent générer du code pour mettre en œuvre une partie spécifique d’une application. Ils n’aident pas beaucoup à sélectionner les éléments fonctionnels à inclure ou à les organiser pour former une architecture cohérente.

Les interfaces visuelles des outils « low-code » exposent les composants que les développeurs peuvent mettre en œuvre dans leur application. Contrairement à ChatGPT, les plateformes low-code aident les utilisateurs à envisager les livrables dans un écosystème métier et SI. Elles permettent d’explorer plusieurs pistes afin d’échafauder une architecture satisfaisante.

Aussi, l’imbrication d’une logique métier dans n’importe quel projet de développement réclame une expertise humaine. Les modèles d’IA générative n’ont pas la connaissance d’un métier ou d’un consultant, souvent spécialisé dans un domaine d’activité.

Intégration du code

Les plateformes low-code/no-code assemblent des composants pour former une application. Les utilisateurs choisissent les fonctionnalités qu’ils veulent implémenter et les outils les produisent et les intègrent automatiquement.

À l’inverse, les outils d’IA générative ne permettent d’écrire que des bribes de code. Il est bien possible de leur réclamer de concevoir des fonctions, mais ils ne proposent pas de moyens pour les relier entre elles. Un novice en matière de développement ne pourrait donc pas le faire par ses propres moyens. Les développeurs professionnels savent réaliser ces intégrations, mais faire appel à leurs services coûte plus cher et amoindrit l’intérêt d’une telle technologie.

Sécurité

Le code inclus dans les modules de développement « low-code » est sûr, selon Appian, Outsystems ou encore PegaSystems. Tout du moins, ces éditeurs intègrent des fonctions de sécurité dans leurs applications afin de détecter les risques ou les potentiels « exploits » de leurs modules.

Si les concepteurs de modèles d’IA générative tentent de maîtriser leur propension à produire du code sensible à certains types d’attaques, les modèles eux-mêmes ne sont pas conscients des erreurs qui exposeraient une application.

Ils peuvent donc ne pas tenir compte de la manière dont, par exemple, l’entrée utilisateur collectée par une fonction sera transmise à une autre fonction ; ils ne voient pas comment l’entrée pourrait potentiellement injecter des commandes malveillantes dans l’application.

Gestion des licences

ChatGPT et d’autres technologies similaires sont entraînées, en partie, à partir de portions de code accessibles depuis le Web. Les contributeurs n’ont toutefois pas donné leur accord explicite au processus d’entraînement. Des plaintes ont été déposées selon lesquelles ces outils d’IA – et, potentiellement, les lignes de code qu’ils produisent – violeraient les licences open source et propriétaires. Ces plaintes commencent à donner lieu à des actions en justice contre GitHub Copilot et d’autres.

Désormais, les outils tels CodeWhisperer et GitHub Copilot peuvent citer leurs sources. En outre, de plus en plus d’outils propulsés à l’IA sont conçus pour éviter aux développeurs d’exploiter du code propriétaire ou dont la licence serait mal attribuée.

Il est encore trop tôt pour dire si les organisations qui utilisent de tels assistants pour écrire des logiciels s’exposent à des poursuites en justice. Ce risque semble beaucoup plus faible pour les clients d’une plateforme de développement low-code/no-code.

L’IA générative s’immisce dans les plateformes low-code/no-code

En clair, il est peu réaliste que les plateformes low-code/no-code soient remplacées du jour au lendemain par l’IA générative.

« Au contraire, les deux approches coexisteront probablement et se compléteront », estime Stéphane Kamga, Senior Appian Architect chez Appian. « L’IA générative est plus susceptible d’être intégrée dans le paysage de développement existant, travaillant aux côtés des plateformes low-code pour offrir une gamme d’outils et d’options aux développeurs de tous niveaux de compétence. Chaque approche aura ses propres atouts et applications, et le choix entre elles dépendra de facteurs tels que les exigences du projet, l’expertise de l’équipe et le niveau de personnalisation souhaité », envisage-t-il.

Pour Outsystems, c’est une certitude. 

« Nous pensons que les plateformes de low-code alimentées par l’IA générative représentent l’avenir ».
Fabien PetiauCountry Lead France, Outsystems

« Nous pensons que les plateformes de low-code alimentées par l’IA générative représentent l’avenir et la prochaine grande avancée [dans le domaine] », répond Fabien Petiau, Country Lead France chez Outsystems. « C’est pourquoi nous avons investi de façon conséquente dans notre plateforme basée sur l’IA, qui intègre la gouvernance et le contrôle strict de ce qui est généré, afin de garantir que chaque application réponde aux normes des industries les plus exigeantes ».

Plusieurs approches d’implémentation

Il faut toutefois distinguer des approches différentes entre les éditeurs. Outsystems défend son projet Morpheus.

«  Nous avons éduqué une IA Générative avec les modèles visuels OutSystems [en provenance] des dizaines de milliers d’applications créées par nos clients », relate Alexandre Cozette, lead solution architect chez OutSystems. « Désormais, à partir d’un simple prompt, Project Morpheus va créer la première version de l’application (écrans, interactions, logique, modèle de données). Ensuite, l’outil va suggérer des améliorations. Puis, il sera possible de décrire sous forme de “prompt” ce que l’on souhaite ajouter à une application », décrit-il.

Appian et Pegasystems comptent d’abord sur les technologies disponibles sur le marché.

« Dans un premier temps, nous avons commencé à intégrer différents fournisseurs de services d’IA et avons créé une intégration transparente et des connecteurs Appian entre ces plateformes », relate Stéphane Kemga. « Cependant, ces derniers temps, Appian travaille activement sur des capacités d’IA privées ou natives pour répondre aux cas d’usage en forte croissance ».

« Ces derniers temps, Appian travaille activement sur des capacités d’IA privées ou natives pour répondre aux cas d’usage en forte croissance ».
Stéphane KemgaSenior Appian Architect, Appian

Appian a également présenté Appian AI Copilot, « une fonctionnalité qui peut générer des composants d’interface utilisateur Appian en lisant automatiquement certains types de formulaires PDF », selon l’architecte.

Pegasystems, lui, imagine l’architecture Pega GenAI qu’il compte infuser dans l’ensemble des capacités de ses solutions : Pega Platform, Decision Hub, Sales Automation, Robot Studio Customer Service et Knowledge. Celle-ci correspond à une couche d’abstraction des modèles NLG sous-jacents. L’éditeur fait en sorte que les entreprises puissent choisir leur modèle, peu importe s’il est hébergé dans le cloud ou sur site, mais souhaite conserver la maîtrise des interactions possibles dans sa plateforme. Pega estime qu’il doit mettre à disposition des assets qui embarquent les prompts déclenchant le comportement désiré de la part du modèle d’IA générative.

« Il y a besoin d’une couche entre les prompts et les générations [du code] de manière que leur exécution soit pilotée par un système sûr, visible et ajustable ».
Alan TreflerPDG, Pegasystems

« Il y a besoin d’une couche entre les prompts et les générations [du code], de manière que leur exécution soit pilotée par un système sûr, visible et ajustable », théorisait Alan Trefler, PDG de Pegasystems, lors d’un point presse en juin. « Pour cela, il y a besoin de templates certifiés qui peuvent être appelés par cette couche d’intermédiation suivant les cas d’usage ».

Pour l’instant, l’IA générative automatise les tâches les plus simples

Les pure-players du low-code/no-code ne sont pas les seuls à infuser l’IA générative dans leurs solutions. Salesforce a déjà réalisé plusieurs annonces en ce sens qui devraient se matérialiser lors de son événement Dreamforce. Lors de son événement Next’23, Google a détaillé ses projets d’infusion de Duet AI, la marque ombrelle pour désigner les algorithmes et les technologies d’IA générative utilisés par le fournisseur cloud, dans l’ensemble de sa plateforme.

AppSheet, la plateforme no-code de GCP, intègre Dialogflow, un agent conversationnel propulsé par un LLM qui permet de décrire les grands principes d’une application en langage naturel pour en générer un prototype éditable manuellement ou en continuant à interroger l’agent. Il s’agit de connecter Appsheet à Dialogflow, puis d’utiliser un LLM fourni par GCP ou d’exécuter un modèle maison à l’aide de Vertex AI, une plateforme d’entraînement et de déploiement consacrée à l’IA.

« Duet AI peut aider à créer une application bien conçue sans code, en particulier une application qui implique des formulaires, un chat et des flux de travail liés aux outils Google », juge Andy Thurai, analyste chez Constellation Research auprès de Search Software Quality, une publication sœur du MagIT. « Pour l’instant, il est surtout utilisé pour créer des applications simples, mais j’espère qu’il évoluera avec le temps ».

Au-delà des approches d’implémentations permissives ou non, c’est bien ce point qu’il faut retenir pour le moment : l’IA générative n’est – actuellement – qu’un outil de prototypage. Un assistant à la génération de données synthétiques ou d’écrans.

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