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NetSuite : les RH en ligne de mire et des ambitions à la hausse

Dans un entretien exclusif, Evan Goldberg, fondateur et PDG de NetSuite, revient sur la stratégie et le développement, depuis son acquisition par Oracle en 2016, de son ERP SaaS destiné aux PME et ETI. Un des axes clefs est de gérer toutes les fonctions, y compris commerce et RH, de ses clients.

« Made in Oracle ». Dès le départ, NetSuite était marqué du sceau d'Oracle. Le fondateur de « Big Red », Larry Ellison, en était en effet un des tous premiers actionnaires, et un mentor pour Evan Goldberg. Il l'est resté.

Pour Evan Goldberg, la participation très active d'Ellison à tous les aspects technologiques a surpris certains employés de NetSuite. Mais pas lui. « Peu de temps après l'acquisition, Larry est venu parler à l'ensemble de notre équipe produits et R&D », se souvient-il. « Il savait exactement ce que nous faisions, comment nous le faisions et quelle était notre proposition de valeur. Comme il est là depuis le début, il comprend tout ».

Un peu d'histoire

NetSuite était d'autant plus proche d'Oracle, qu'Evan Goldberg est un vrai « Oraclien ». Dès son diplôme d'Harvard en poche, en 1987, il rejoint l'éditeur qui ne comptait alors que 900 employés environ.

Dix ans plus tard, avec l'appui de Larry Ellison, il fonde ce qui deviendra NetSuite et qui est à l'époque un éditeur cloud baptisé NetLedger. Evan Golberg se souvient : « Nous avons commencé quelques mois avant Salesforce. Nous avons travaillé sur une suite complète de gestion pour les petites et moyennes entreprises en croissance. Nous avons gravi les échelons au fur et à mesure que nous avons développé le produit [...] Pendant 18 ans, nous sommes restés indépendants, et nous avons presque atteint le milliard de dollars de revenus annuels ».

« Un élément clé de notre stratégie est de fournir une application unique pour le coeur de l'ERP (finance, comptabilité), mais aussi pour le commerce et pour les RH »
Evan Goldberg, Oracle NetSuite

Intéressé par cet acteur en plein boom, peu positionné sur le midmarket, et aussi parce qu'il était un peu en retard dans le SaaS (l'unification de Fusion était un gros chantier), Oracle décide alors de racheter NetSuite pour compléter son portefeuille.

Evan Goldberg y voit une complémentarité logique. « Oracle n'était pas aussi centré sur les entreprises qui vont de la startup dans un garage à la PME qui s'introduit en bourse, alors que nous c'était notre cible. Oracle et nous avons toujours été des sociétés cousines. Et puis pour moi, c'est un retour aux sourcex : j'ai passé les huit premières années de ma carrière chez Oracle ».

Où en est NetSuite aujourd'hui ? Quels sont ses plans de croissance ? Et ses projets pour ses clients ? Evan Goldberg répond à ces questions dans cet entretien - édité pour le confort de lecture - réalisé en début d'année par téléphone.

Le MagIT / Groupe TechTarget (propriétaire du MagIT) : En quoi les choses ont-elles changé pour NetSuite depuis le rachat par Oracle ?

Evan Goldberg : Oracle investit très fortement pour s'assurer que NetSuite fonctionne bien partout, quel que soit le lieu, en le traduisant et en l'adaptant localement aux taxes et aux formalités de douanes, aux différents impôts, aux options de paiement, en personnalisant les options d'expédition, etc.

Cela renforce notre R&D mais aussi notre développement à l'international. Nous sommes désormais présents dans les pays nordiques, au Benelux, en France - alors qu'auparavant, nous nous concentrions essentiellement sur le Royaume-Uni.

Sous le capot, nous allons avoir un tout nouveau moteur analytique, avec des données en temps réel. C'est le genre de choses que nous pouvons maintenant faire. L'une des raisons pour lesquelles je suis resté était d'ailleurs de voir les effets de ces investissements dans la plate-forme pour rendre NetSuite plus flexible, plus verticalisé, et plus adapté à chaque entreprise particulière.

NetSuite et la France

ERP Cloud : NetSuite en ordre de bataille pour conquérir la France

Avec une offre traduite et presque entièrement localisée pour la France, avec un nouveau datacenter en Europe à venir et avec un bureau ouvert depuis un an, l'ERP 100 % SaaS a organisé son premier évènement clients à Paris. Il affiche clairement ses ambitions sur le marché français.

Le MagIT / Groupe TechTarget : Quelle est votre cible aujourd'hui ? Visez-vous toujours les TPE et les PME à forte croissance - par opposition aux ETI qui forment la partie basse du pré-carré d'Oracle ?

Evan Goldberg : Nous visons les entreprises du midmarket, qui peuvent être en croissance rapide effectivement, mais il s'agit généralement d'entreprises qui sont présentes géographiquement dans plusieurs pays.

Je dirais que notre cible principale, ce sont les entreprises qui - parce que leur activité est devenue plus complexe - ont dépassé leurs besoins initiaux en outils de gestion financière, que ce soit QuickBooks (Intuit) aux États-Unis ou Sage en Europe.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai fait NetSuite au tout début. C'est parce que j'ai pu constater, dans une autre start-up, qu'il n'y avait rien qui puisse me donner une vision d'ensemble de mon activité, dans un tableau de bord unique, et rien non plus qui puisse faire le lien entre toutes les parties internes de l'entreprise.

Mais, ce ne sont pas notre seule cible. Par exemple, American Express a filialisé sa société de voyages d'affaires GBT (Global Business Travel). GBT tourne sur NetSuite. Nous avons aussi des entreprises clientes qui ont grandi avec nous et qui sont passées d'une centaine de millions de dollars de chiffre d'affaires à plus d'un milliard. Maintenant, il peut y avoir des cas où la complexité atteint un tel degré qu'Oracle Cloud apparait comme une suite logique, mais c'est assez rare. Nous avons été en mesure de bien scaler.

Le MagIT / Groupe TechTarget : Dans le contexte d'un virage plus général vers le cloud, quelle est selon vous l'atout de NetSuite ?

Evan Goldberg : Au début, nous mettions surtout en avant l'aspect « n'importe quand, n'importe où » du cloud - même si, à l'époque, cela ne s'appelait pas encore « cloud » mais « ASP » [Application Service Provider] ou « applications Web ». Et au début, il faut le dire, nous avons rencontré une certaine forme de résistance de la part des clients.

Marc Benioff (NDR : fondateur de Salesforce) vendait du SaaS aux vendeurs. Mais les gens de la finance sont, par nature, plus conservateurs. Et nous avons dû leur dire. « Vous êtes réticent à mettre vos informations financières dans le cloud, mais toutes vos données commerciales y sont déjà ! ». Je ne nierai pas que l'effet de mode Salesforce.com a créé un appel d'air pour nous.

« Nous ne voyons pas SAP [sur le marché des PME et des ETI] »
Evan Goldberg, Oracle NetSuite

Et puis tout s'est inversé. Maintenant, ce serait plutôt « Mais pourquoi est-ce que j'aurais mes informations sur mes ordis ? ». Nous en sommes donc arrivés, aujourd'hui, à l'autre élément clé de notre stratégie qui consiste à fournir une application unique, pas que pour le coeur de l'ERP (finance, comptabilité), mais aussi pour le commerce et pour les RH avec SuitePeople.

Notre promesse ultime est que toutes vos informations soient regroupées en un seul et même endroit, avec une seule interface utilisateur, pour tous vos utilisateurs. C'est là-dessus que nous travaillons d'arrache-pied, et pour que cela soit adapté à divers types d'entreprises.

Le MagIT / Groupe TechTarget : Quels sont les bénéfices pour NetSuite de la base de données autonome et du cloud d'Oracle ?

Evan Goldberg : Nous migrons effectivement NetSuite sur Oracle Cloud Infrastructure (OCI). Par exemple, nous servirons les clients allemands à partir du centre de données d'OCI dans le pays. Oracle Cloud a pour nous les mêmes avantages que pour n'importe quelle entreprise. Nous pouvons nous concentrer sur notre produit et les laisser s'occuper des détails de l'infrastructure et de l'aspect réseau.

Le MagIT / Groupe TechTarget : Comment voyez-vous l'évolution des applications pour les grosses PME ? SAP semble courtiser ce segment de marché, Microsoft Dynamics est un entrant très sérieux, et des pure players comme Anaplan (planification financière) arrivent également sur certaines fonctions. Comment voyez-vous tout cela ?

Evan Goldberg : Vous savez, ce segment de marché reste assez statique. L'option « Ne rien décider. Ne rien changer » chez les entreprises reste notre plus grand concurrent.

Pour répondre à votre question, nous ne voyons pas SAP. Quant à Microsoft, il a mis beaucoup de temps à développer des versions SaaS d'applications métiers pour les PME/ETI.

Il s'agit d'une terre encore vierge, avec une ribambelle de solutions locales. Mais nous, nous fournissons un outil qui est identique partout dans le monde.

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