HP / EDS : la grogne monte à l’heure de convaincre les actionnaires

Des marchés circonspects, une concurrence qui n’attend pas pour agir, une restructuration géante attendue, des syndicats vigilants et un contexte hexagonal délicat : la fusion HP / EDS entre dans son heure de vérité, alors que Mark Hurd, le patron du premier groupe d'informatique mondial, doit rencontrer les analystes et que le plan d’action doit être dévoilé ce mois-ci, notamment concernant les activités européennes.

Quinzaine de tout les dangers pour HP qui s’apprête à dévoiler publiquement ses plans concernant la SSII EDS, rachetée 14 milliards de dollars en mai dernier et censée permettre à HP de s’imposer dans les services. Là où l’on désespérait de le voir réussir un jour. Même si, de fait, le nouvel ensemble apparaît comme le numéro deux mondial du secteur - derrière IBM qui avait lui-même réalisé sa mue vers les services au tournant des années 2000 –, des doutes sont très rapidement apparus sur les capacités d’intégration du nouvel ensemble. Et sur la capacité du groupe à dégager des synergies de cette fusion.

Dans ce contexte, les quinze jours à venir sont clef. Tout d’abord, ce soir, Mark Hurd, le Pdg de HP, doit rencontrer les analystes financiers de la place new-yorkaise. L’occasion de rassurer alors que, depuis l’annonce du rachat, le cours de l’action s’est érodé (- 3 %) peu à peu au fur et à mesure que la méfiance grandissait sur le montage imaginé et en dépit d’une réaction initiale plutôt positive.

Sur le Vieux Continent, un CE Européen extraordinaire HP-EDS est prévu les 24 et 25 septembre, à Londres. Normalement, le plan de fusion devrait y être présenté. Enfin, en France, les manœuvres ont d’ores et déjà débuté avec une succession d’annonces depuis le mois de juin : du départ du patron d’EDS à la cession d’activités annexes, en passant par l’annonce de la fermeture ou de la concentration de sites.

Ce soir, rassurer les investisseurs

Côté investisseurs, Mark Hurd joue donc gros ce soir. Après une embellie du titre fin juin, des doutes sont apparus sur la capacité du groupe à mener à bien la fusion. Surtout, peu de choses ayant réellement filtré, nombre d’analystes se sont demandés si HP n’était pas parti sans plan réel. Surtout qu’en face, IBM continue de progresser et d’asseoir son leadership et qu’en Inde, Wipro et Infosys sont décidés à jouer les acteurs majeurs à l’international, notamment en Europe.

HP aura donc fort à faire pour être compétitif, en témoigne le contrat d’infogérance de la Philippine Savings Bank, grosse institution financière philippine, récemment perdu au profit d’IBM. Utilisé dans la communication externe de Big Blue, ce contrat servirait aussi à conforter les troupes en interne. Dans une note, la société expliquerait à ses employés qu’il s’agit d’une grosse claque infligée à l’adversaire. 

Des précisions en terme de modèle de développement devraient donc être apportées, au-delà de ce qui est déjà connu, à savoir que l’activité infogérance de HP – qui pèse 8 milliards de dollars – intégrera EDS qui continuera d’opérer sous son propre nom. Le tout représentant près du quart du périmètre total de HP.

Selon Ann Livermore, qui dirige l’activité externalisation et a joué un rôle important dans le rachat, 1 000 salariés clés de l’ensemble ont déjà reçu une feuille de route très précise qui devrait rapidement circuler en interne. Reste que, côté financier, c’est sur les synergies dégagées par la fusion que Hurd est attendu, notamment sur les activités de conseil en externalisation. Les analystes estiment à près d’un milliard les économies potentielles sur les deux premières années. Ce qui – si les chiffres devaient être confirmés – ne laisse guère de doute sur la charrette qui s’ensuivra. Une perspective que dénoncent clairement les syndicats européens.

Les syndicats européens se préparent au combat

Réunis la semaine passée sous l’égide de la Fédération européenne des métallurgistes et d'Uni Europa (fédération des services), une quarantaine de représentants syndicaux issus de neuf pays européens ont débattu des conséquences de la fusion HP/EDS. En ligne de mire, le manque d’information sur ce qui va se passer et surtout le refus de toute vague de licenciements, alors même que les deux entités sont profitables. Conscients que les annonces de ce soir pourraient être brutales, ils ont d’ores et déjà pris date pour la réunion du CE Européen extraordinaire HP-EDS. Et alerté HP sur la nécessité de mettre en place rapidement un plan de réattribution des compétences en cas de redondance sur certains postes.

En France, les manœuvres ont débuté

Dans l’Hexagone, une restructuration des activités qui ne dirait pas son nom se dessine déjà. En juillet, la direction d’HP France a annoncé en comité d’entreprise son projet de fermer d’ici à janvier 2009 les agences d’Aix-en-Provence, Bordeaux, Rennes, Rouen, Villepinte, et de promouvoir le télétravail sur ces zones. Pas nécessairement liées à la fusion, ces fermetures donnent cependant le ton sur la tendance à la réduction des coûts à tous les niveaux. Fin août - à peine le rachat d'EDS par HP entériné -, le patron de la filiale française de Electronic Data Systems - Francis Meston - s'en est allé, remercié par HP. Un départ sur fond de délitement d’une partie des activité d’EDS en France, qui avait provoqué des manifestations en mai dernier. Il y a quelques jours, c’était au tour d’EDS Consulting France d’être cédé à un cabinet spécialisé dans le conseil en management, SIA Conseil.

Le tout dans une ambiance particulière, qui a vu au printemps une multitude de fronts sociaux s’ouvrir dans les SSII - et non parmi les moindres - sur fond de grogne sur le pouvoir d’achat. Alors même que le secteur tend à profiter de la crise ou tout du moins à ne pas vraiment la subir pour l'instant. Un contexte hexagonal qui rendrait d’autant plus difficilement acceptable tout plan massif de licenciement.

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