OVHcloud : objectif 3Â milliards
La probable introduction en bourse d’OVH devrait lui procurer 400 millions d’euros pour « accélérer sa croissance », continuer à construire son PaaS et s’imposer à l’international comme un véritable acteur européen.
OVHcloud n’est pas encore coté. Mais une des étapes majeures vers son entrée en bourse (son « IPO ») vient d’être franchie par le champion français du cloud et de l’hébergement web, avec la validation par l’AMF de son Document d’Enregistrement.
À cette occasion, OVH a publié ses premiers chiffres officiels et partagé sa stratégie par la voix de trois de ses dirigeants les plus importants : Octave Klaba (le fondateur et président du conseil d’administration), Michel Paulin (le Directeur général) et Yann Leca (le Directeur financier).
OVH : l’industriel du cloud
La bourse est avant tout une affaire de gros sous. Pour y entrer, il faut jouer la carte de la transparence. OVH a donc dévoilé ce lundi de nombreux chiffres, riches d’enseignements.
En 2020, OVHcloud a donc réalisé un chiffre d’affaires de 632 millions €, confie Yann Leca. L’excédent brut d’exploitation (équivalent de l’EBITDA) s’élève à 263 millions (soit environ 42 %). Sur la décennie 2010 – 2020, la croissance annuelle moyenne (CAGR) a été de 20 %.
« Et nous avons été profitables dès notre première année », aime à rappeler Octave Klaba, dans un contrepoint cinglant aux modèles économiques de startups qui brûlent le cash.
Il faut dire qu’OVH est plus proche d’un acteur industriel que d’un éditeur. Même s’il se dirige aussi vers cette activité avec le PaaS (lire ci-après).
Michel PaulinDG d'OVHcloud
Son modèle intégré – « une particularité unique sur le marché », insiste Michel Paulin – fait qu’il fabrique lui-même ses serveurs. Il possède même deux usines dédiées à cette tâche. Sur les cinq années passées, OVH a investi, en tout, un milliard d’euros. Dans les cinq ans qui viennent, l’entreprise prévoit d’en investir deux autres.
« On l’oublie souvent, mais c’est une vraie industrie », insiste Octave Klaba. « Très rapidement, nous avons construit nos propres serveurs. [Nos] usines nous permettent aujourd’hui d’avoir plus d’agilité, puisque l’on peut s’adapter aux différents aléas […]. Elles nous permettent d’assurer la qualité et la sécurité, puisqu’on […] sait ce que l’on met à l’intérieur de nos serveurs. Nous avons aussi le contrôle total sur le coût des composants [et] on réduit le time to market puisque l’ensemble de gestion de stock est centralisé ».
Après l’incendie de Strasbourg, ce modèle intégré a, selon Yann Leca, montré toute sa pertinence. « Nous avons pu fabriquer instantanément 16 000 serveurs en doublant la production en quelques heures », se félicite-t-il. « Et nous avons également montré notre faible dépendance à nos fournisseurs ».
C’est aussi ce modèle intégré qui permettrait de réduire la consommation d’énergie (water cooling dès 2003) et de faire des économies d’échelle substantielle au fil des ans.
OVH passe au PaaS
Cela étant, OVH – qu’il faut désormais appeler OVHcloud – lorgne de plus en plus sur le PaaS. Car c’est là que se trouverait une des plus grosses parts du marché du cloud (40 milliards sur un marché global évalué par IDC entre 102 et 117 milliards € – chiffres communiqués par OVH) et une des plus fortes croissances (+27 %) avec le IaaS public (55 milliards, +30 %).
« Historiquement, OVHcloud est un acteur du IaaS. Mais nous avons, depuis de nombreux semestres, investi pour évoluer vers le PaaS », retrace Michel Paulin, arrivé en 2018 avec pour mission de restructurer l’entreprise, simplifier sa gamme, accompagner sa transformation vers le cloud, et l’amener à l’IPO. « Nous aurons plus de 40 suites de logiciels, et 80 services avant la fin 2022 », promet-il.
Michel PaulinDG d’OVHcloud
Yann Leca renchérit en expliquant que le PaaS participera pour un tiers à l’accélération de la croissance d’OVH. Car l’entrée en bourse vise bien à accélérer (lire ci-après). Les trois autres leviers d’accélération étant la montée en puissance des offres Hosted Private Cloud (cloud privé) et de cloud public (pour un quart), la croissance internationale (pour un tiers), et la souveraineté des données (un sixième de l’accélération).
Ces nouveaux services PaaS viendront de la R&D d’OVH, mais aussi de partenariats – comme ceux récents avec MongoDB, Google sur Anthos, et Aiven pour des DBaaS open sources. « Mais ce sont des partenariats dans lesquels nous ne faisons aucun compromis avec la souveraineté, l’ouverture, la réversibilité et la transparence », insiste Michel Paulin dans un échange avec LeMagIT.
Autre piste pour renforcer ce PaaS : des rachats. Comme celui de OpenIO en France, ou ceux de Exten Technology et de BuyDRM aux États-Unis. « [Avec] l’argent qui sera levé, […] nous allons continuer. Nous avons un programme où l’on a déjà un certain nombre de cibles identifiées [pour] accélérer nos roadmaps technologiques et offrir de plus en plus de services à nos clients », confie le DG.
OVH : vers les 3 milliards d’euros de revenus
Yann LecaDAF d’OVHcloud
Revenons aux chiffres. En 2021 (année fiscale qui vient de se clôturer chez OVH), la société d’Octave Klaba a réalisé 655 à 665 millions d’euros de chiffre d’affaires – auxquels il faut ajouter 28 millions d’euros de bons d’achat distribués en tant que gestes commerciaux à l’issue de l’incident de Strasbourg.
Pour l’année prochaine, « nous prévoyons une croissance de 10 à 15 % », avance le DAF d’OVH. Mais l’objectif à moyen terme est beaucoup plus ambitieux. L’entrée en bourse devrait permettre de lever « jusqu’à » 400 millions d’euros pour « accélérer la croissance », martèlent les trois dirigeants. Concrètement, pour passer à des taux de progression organique de +25 % par an à partir de 2025 (en activant les quatre leviers cités ci-dessus).
Un rapide calcul met en perspective l’ambition du groupe. Dès 2024, OVH pourrait ainsi dépasser le milliard de chiffre d’affaires. En 2028 la barre des deux milliards pourrait être franchie. Et en 2030, l’entreprise pourrait tutoyer les 3 milliards, voire les dépasser (rappelons que ce ne sont, aujourd’hui, que des perspectives).
OVH à la conquête de l’international… et de l’Europe
Les 400 millions de l’IPO nourriront également l’appétit d’international d’OVHcloud.
« Nous sommes déjà une société internationale », rappelle Yann Leca. « Nous réalisons près de 50 % de notre chiffre d’affaires [hors de France]. Nous allons continuer à nous développer en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Asie, où nous avons des parts de marché à prendre », promet-il.
Octave KlabaFondateur d’OVHcloud
Le positionnement d’OVH séduirait en effet au-delà des frontières de l’Europe. « On voit apparaître de manière très intéressante en Asie, et même aux États-Unis, des clients qui sont inquiets des mécanismes de locking [N.D.R. : verrou fournisseur ou client captif] », confie Michel Paulin au MagIT. « Vous avez certainement eu l’occasion de lire le Gartner sur ce sujet. Notre positionnement de cloud ouvert, réversible et transparent, a beaucoup d’écho dans des régions comme l’Asie – en Indonésie, au Vietnam, au Japon, en Corée – mais également aux États-Unis, au Canada, où certains sont inquiets des monopoles de fait ».
L’ambition en Europe est encore plus forte. Octave Klaba veut clairement devenir la référence sur le Vieux Continent.
« L’introduction de la Bourse, c’est [aussi] pour accélérer la génération de la confiance et notre visibilité, plus spécifiquement en dehors de France », explique le fondateur d’OVHcloud au MagIT. « Notre vraie problématique, c’est de faire connaître OVH de manière massive à l’international. À commencer pour l’Europe, afin que les politiques et les entreprises connaissent OVH et qu’ils sachent [que] “Ça y est, c’est bon, il y a quelqu’un capable d’être une alternative aux hyperscalers”. »
En étant coté à la bourse, en s’engageant sur des publications financières chaque trimestre (en plus d’une roadmap technique), Octave Klaba veut « montrer que [OVH] est solide, qu’on est là sur le long terme, qu’on peut nous faire confiance pour héberger les data et qu’on peut bâtir cette nouvelle Europe numérique en s’appuyant sur OVH. C’est vraiment ça l’enjeu international ».
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