Stockage : Quantum accélère malgré un ralentissement des bandes LTO

Le fabricant de bibliothèques de bandes renoue avec le succès, grâce à la diversification de son catalogue, tandis que le marché se plaint du peu d’avancées du consortium LTO.

L’archivage sur bande, qui demeure le type de stockage de données le moins cher, traverse-t-il une crise ? C’est ce que laisse entendre Jamie Lerner, le PDG de Quantum (en photo), l’un des principaux fabricants de lecteurs et de bibliothèques de bandes LTO. Selon lui, le segment de marché le plus important aujourd’hui pour les infrastructures de stockage est celui des hyperscalers. Mais le consortium LTO peine de plus en plus à combler les attentes de ce secteur.

« En mars de cette année, nous avons lancé la bibliothèque i6H qui répond aux besoins des géants du cloud dans le sens où il s’agit de la seule bibliothèque élastique : vous pouvez enchaîner les racks à l’envi pour augmenter la capacité d’archivage et pour démultiplier les accès en parallèle. C’est un produit qui a connu un succès rapide auprès des hyperscalers, notamment chez les sept plus importants d’entre eux », explique-t-il, lors d’une visite de ses centres logistiques dans la Silicon Valley, organisée dans le cadre d’un événement IT Press Tour.

« Mais la problématique est désormais de densifier cette capacité de stockage. Or, le calendrier du consortium LTO, concernant la croissance des capacités par cassette, n’est pas assez rapide », ajoute-t-il.

Quantum redoute de voir les hyperscalers finir par développer leur propre infrastructure de bande, tout comme ils construisent à présent leurs propres serveurs et même leurs propres processeurs. « Les hyperscalers n’ont que faire d’un standard comme le LTO. Ils veulent juste une solution qui fonctionne comme ils l’entendent », dit le PDG du constructeur.

Des bandes LTO qui peinent à maintenir leur capacité record

Dans les faits, 2022 restera comme l’année où les cassettes LTO ont commencé à offrir moins de capacité brute que les disques durs. La dernière génération LTO-9, lancée en septembre de l’année dernière, consiste en des cassettes de 18 To de capacité, commercialisées aux alentours de 150 €. Entretemps, Western Digital et Seagate ont commencé à commercialiser des disques durs de 20 To pour environ 600 €. Toshiba devrait faire de même dans les prochains jours.

Considérant les coûts d’achat et de maintenance d’une bibliothèque de bandes, les entreprises pourraient basculer leurs archives sur des disques durs qui se branchent directement sur des serveurs, surtout s’ils sont plus capacitifs.

Dopée par de nouvelles techniques à base d’écriture assistée par la chaleur (ePMR), puis par laser (HAMR), mais aussi par superposition des pistes (SMR), l’industrie du disque dur devrait attendre les 30 To en 2023 et pourrait s’envoler rapidement vers les 50 To d’ici à 2026. Seagate prévoit d’atteindre 100 To en 2030.

D’ordinaire, les bandes LTO doublent de capacité tous les deux ou trois ans. La génération LTO-9 n’a non seulement pas doublé la capacité de la génération LTO-8 (qui offrait 12 To par cassette), mais elle a également mis quatre ans à arriver sur le marché. Dans le meilleur des cas, la génération LTO-10 devrait arriver d’ici à 2024 avec 36 To de capacité, si le consortium ne change pas encore ses plans.

Selon Jamie Lerner, le problème de fond des bandes LTO est le peu d’acteurs impliqués dans leur développement. IBM est le seul à fabriquer les têtes de lecture/écriture pour l’ensemble des lecteurs et bibliothèques de bandes sur le marché. Les observateurs le pressent d’ajouter à ses dispositifs les innovations qui augmentent la densité d’écriture sur les disques durs. Mais comme IBM ne construit plus de disques durs depuis des années, l’économie d’échelle n’est pas réalisable facilement.

Concernant les cassettes LTO, toutes les marques dépendent des bandes que seuls Fujifilm et Sony fabriquent. Le fait qu’ils soient deux concurrents présente l’avantage d’une guerre des prix qui maintient les cassettes à un tarif raisonnable. En revanche, le fait qu’ils ne soient que deux pose le risque d’un blocage quelconque du marché pour cause de dispute autour des licences. C’est ce qui est arrivé entre 2016 et 2019 et c’est ce qui a conduit à un gel des ventes de cassettes LTO-8, puis à une révision du calendrier et des capacités pour la génération LTO-9.

Quantum renoue avec les profits, au-delà des bandes

Dans ce contexte, Jamie Lerner peut néanmoins se féliciter d’avoir fait redécoller l’activité de Quantum. Alors que le fournisseur déclinait depuis de nombreuses années, faute de se renouveler sur un marché de la sauvegarde de plus en plus séduit par les disques durs peu chers, l’arrivée de ce nouveau PDG en 2018 a résonné avec une diversification éclairée du catalogue. Comprendre : au-delà des bandes.

Sous sa direction, Quantum est devenu un fournisseur de stockage pour le marché de la vidéo (qu’il s’agisse de vidéosurveillance, comme des studios de production) avec des baies SAN très rapides, un NAS élastique reposant sur le SDS StorNext et, toujours, des solutions de stockage massif basées à la fois sur des bibliothèques de bandes Scalar et, désormais, sur le stockage objet d’ActiveScale.

Au moment où LeMagIT l’a rencontré, Quantum affichait un chiffre d’affaires trimestriel de 95,2 millions de dollars, soit 3 % de mieux en un an, et un CA annuel de 372,8 millions de dollars, soit une progression de 6,7 %.

Selon Jamie Lerner, la bande reste un fleuron du catalogue de Quantum. En l’occurrence, ce type de produit connaît actuellement un regain d’intérêt. D’abord parce que les cassettes déconnectées du réseau offrent la protection physique la plus efficace contre les cyberattaques, lesquelles ont connu ces dernières années une forte progression. Ensuite, parce qu’elles ne consomment aucune énergie quand on ne s’en sert pas, contrairement aux disques durs allumés en permanence.

Chez les hyperscalers, les infrastructures de bandes sont utilisées pour les services de stockage sur le long terme, à la manière de S3 Glacier chez AWS.

En fin de compte, le problème est moins dans l’intérêt des bandes que dans les efforts discutables du consortium LTO.

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