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Étude : les clouds publics 100 % européens meilleurs en performance/prix

Le bureau d’études Cloud Mercato vient de livrer son palmarès annuel des offres de cloud public IaaS disponible en Europe. Mis à part Oracle, les meilleurs rapports performance/prix sont chez les acteurs français et allemands.

En Europe, ce sont les clouds publics locaux qui offrent le meilleur rapport prix/performance. Telle est en substance l’idée qui ressort du dernier baromètre très détaillé du cabinet Cloud Mercato. Menée du second trimestre de cette année jusqu’à cet été, son étude consiste à mesurer les performances des ressources en ligne de 29 fournisseurs de cloud public, présents en Europe, quelle que soit leur nationalité, et à dresser un palmarès des puissances processeur, RAM, stockage, réseau selon leurs tarifs publics. L’étude tient compte des tarifs dégressifs.

« Par rapport à notre baromètre de 2021, les machines virtuelles proposées en ligne ont beaucoup gagné en performances, la plupart des fournisseurs ayant modernisé leurs serveurs avec des modèles équipés des tout derniers processeurs. Concernant les tarifs, sur la période observée, seuls ceux des fournisseurs américains ont augmenté, et uniquement en Europe. La raison ? Tout simplement la conversion dollar-euro qui, dans un contexte d’euro faible, augmente localement le prix des produits américains », résume Anthony Monthe, analyste et fondateur de Cloud Mercato.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’euro demeure en dessous du dollar, ce qui était loin d’être le cas en 2021. Selon Cloud Mercato, la chute de la valeur de l’euro a mécaniquement augmenté en Europe les tarifs des fournisseurs américains de 7 à 10 %, alors que leurs tarifs en dollars sont globalement restés stables d’une année sur l’autre.

Les tests de performances évaluent quatre configurations de VM x86 à 16 vCPUs : applications génériques avec 64 Go de RAM, dédiées au calcul pur avec 32 Go de RAM, nécessitant de la mémoire avec 128 Go de RAM et travaillant principalement en mémoire avec 256 Go de RAM. Chaque VM évaluée dispose d’un disque virtuel en mode bloc de 800 Go (Cloud Mercato considère qu’il est d’usage de compter 50 Go par vCPU).

« Seul un quart des fournisseurs proposent des machines virtuelles avec 256 Go de RAM. Dans nos tests, AWS en est exclu, car ses VMs avec autant de mémoire sont exclusivement des configurations ARM », précise Anthony Monthe. Autre problème, le Chinois Tencent ne propose qu’un maximum de 8 vCPU par VM. Cloud Mercato a donc dû faire un prorata pour calculer ses scores.

Clouds publics en Europe : beaucoup d’Américains et de Français

Tous les clouds publics évalués sont ceux qui ont une présence physique en Europe, dans des datacenters en propre ou en colocation. Parmi eux, un tiers sont américains : il y a bien entendu les géants mondiaux du cloud public (AWS, Azure, GCP, ainsi qu’Oracle OCI et IBM cloud), mais aussi des acteurs plus confidentiels qui misent sur des tarifs agressifs ou des configurations spécialisées (Linode, CloudSigma, DigitalOcean, Vultr ou encore le Québécois Vexxhost).

« La France est une bonne locomotive en termes de cloud public IaaS 100 % européen. »
Anthony MontheAnalyste et fondateur de Cloud Mercato

Alibaba Cloud et Tencent Cloud sont les deux seuls Chinois.

Le reste se divise en trois tiers. Ce sont de petits hébergeurs venus d’un peu partout en Europe (UpCloud en Finlande, CloudFerro en Pologne, Fuga Cloud aux Pays-Bas, G-Core Labs au Luxembourg, Infomaniak et Exoscale en Suisse), plus un basé en Israël (Kamatera). Ce sont des Allemands : principalement T-Systems OTC et Ionos (1&1), mais aussi les moins connus Hetzner et Gridscale. Mais, les plus importants fournisseurs de cloud public 100 % européens, en nombre d’utilisateurs, ce sont surtout les Français : OVHcloud, OBS, Scaleway, 3DS Outscale, pour les principaux, suivis de Nua.ge (La Poste) et Hopla.cloud.

« Clairement, la France est une bonne locomotive en termes de cloud public IaaS 100 % européen. Les Allemands ont aussi des hébergeurs d’importance, mais leur activité principale est plutôt la commercialisation de clouds privés », explique Anthony Monthe.

« La différence entre les acteurs importants et les autres se lit surtout à la manière de commercialiser les offres. Les hyperscalers proposent des contrats annuels, tandis que les petits et moyens acteurs descendent jusqu’à des tarifs à l’heure, avec des remises sur le mois. Oracle OCI et le Suisse Infomaniak sont ceux qui cassent les prix, respectivement dans chaque catégorie », résume notre interlocuteur. Il donne un exemple : pour une performance similaire, on paiera 90 centimes de l’heure chez AWS, contre 0,08 centime chez Infomaniak.

« OVHcloud a une approche hybride entre tous les calculs de tarifs, avec des rabais importants au fur et à mesure que l’on reste chez eux. Quant aux petits hébergeurs américains, ils offrent systématiquement un peu plus de capacité de stockage pour le même prix. »

Performances brutes : les Français en tête

Au palmarès des performances pures pour le tout venant des applications, les machines virtuelles les plus puissantes du marché sont celles d’OBS et T-Systems OTC, dont les clouds publics IaaS sont basés sur OpenStack. « Ces hébergeurs bénéficient de processeurs Intel tous spécialement conçus pour eux. Il n’est pas étonnant qu’ils aient des résultats similaires, car ils font partie d’une alliance dans laquelle ils déploient exactement les mêmes matériels et les mêmes systèmes d’exploitation », commente Anthony Monthe.

On notera que cette alliance, dans laquelle se trouve également le Chinois Huawei, est ce qui permet à OBS et T-System d’être considérés comme des hyperscalers avec un très grand nombre de points de présence en Europe et en Asie. Ces points de présence ayant été a priori déployés en commun.

« Mais il faut aussi saluer les résultats des machines virtuelles de Scaleway et Nua.ge. Les raisons de leurs bons scores sont, pour le premier, qu’il a déployé les tout derniers processeurs Epyc d’AMD, lesquels offrent une densité de cœurs maximale. Et, pour le second, l’utilisation d’un réseau très haut de gamme qui alimente les machines virtuelles en données avec très peu de latence. »

Anthony Monthe fait remarquer qu’OVHcloud a un score dans la moyenne, ce qui est une prouesse, car, selon les outils de mesure de Cloud Mercato, il est l’un de ceux qui, au moment du test, utilisaient les processeurs les plus anciens. « OVHcloud a mis en place une stratégie de R&D pour faire durer au maximum ses serveurs. Force est de constater que c’est très efficace, car ses serveurs ont des processeurs Xeon Broadwell (14 nm) et même Haswell (22 nm) qui datent de cinq ans et qui affichent des performances modernes. »

Il insiste sur la vertu écoresponsable de cette stratégie : « ces anciens processeurs-là ne consomment pas plus d’énergie que les plus récents. »

Quant aux hyperscalers américains, les tests de Cloud Mercato montrent qu’ils tirent leur épingle du jeu sur les traitements mono-threads, c’est-à-dire ceux qui utilisent un seul vCPU au maximum de sa vitesse.

Les plus rentables : OVHcloud, OBS et T-Systems OTC

« Ces tableaux se basent sur le prix à l’heure que chaque fournisseur propose dans son catalogue. »
Anthony MontheAnalyste et fondateur de Cloud Mercato

Viennent ensuite des graphiques qui comparent les VMs de chacun selon leur rapport prix/performance. C’est parmi eux, dans la catégorie des VMs génériques à 64 Go de RAM, que le petit hébergeur suisse Infomaniak démontre une efficacité dix fois supérieure à celle d’AWS. Sur les VMs avec peu de RAM, le champion est l’Allemand Hetzner. Sur les VMs avec 128 et 256 Go de RAM, Oracle OCI arrive bon premier. Il est talonné par Nua.ge.

« Ces tableaux se basent sur le prix à l’heure que chaque fournisseur propose dans son catalogue. Cependant, si l’on compare sur la durée, en tenant compte de ce que coûte une VM au mois ou à l’année et en se limitant aux clouds de premier plan qui ont une présence internationale, les fournisseurs les plus rentables sont OVHcloud, puis OBS (ex æquo avec T-Systems), du fait de leurs tarifs fortement dégressifs et de leurs multiples points de présence », observe Anthony Monthe.

Reste que cette comparaison nécessite, pour être complète, d’évaluer la richesse de l’offre autour de la seule machine virtuelle. « Si vous ne souhaitez que des machines virtuelles nues à l’échelle purement locale, l’offre la moins chère en Europe est finalement celle de Nua.ge », estime l’analyste.

« Si vous comptez surtout mettre en ligne des charges applicatives Kubernetes, alors il vaut mieux aller chez Scaleway. Scaleway ne peut pas vraiment prétendre au statut d’hyperscaler du fait de son faible nombre de points de présence en dehors de la France. En revanche, il a l’offre Kubernetes, sa solution Kapsule, la plus riche ; il est par exemple le seul à proposer une console qui permette de chapeauter des déploiements Kubernetes dans les clouds de ses concurrents. »

Évidemment, les offres les plus complètes restent celles des hyperscalers américains. AWS totalise ainsi près de 300 services en IaaS, dont certains sont uniquement destinés aux grands comptes. Ce sont aussi eux qui ont la meilleure présence internationale et peuvent garantir, par exemple, la fourniture d’une VM identique à Paris et à Sydney.

Bases de données : Exoscale et Kamatera battent des records d’IOPS

Cloud Mercato a ensuite évalué les performances en termes d’IOPS, c’est-à-dire la vitesse du stockage, particulièrement importante dans les applications avec bases de données. « Sur le plan physique, un SSD NVMe offre normalement 200 000 IOPS à son serveur. Mais, sans surprise, la majorité des fournisseurs de cloud est très en dessous de ce résultat puisque leurs disques sont plutôt partagés dans des pools de stockage externes », dit Anthony Monthe.

Seules exceptions à cette règle, le Suisse Exoscale, qui a véritablement installé ses SSD dans les serveurs pour atteindre 189 000 IOPS, et l’Israélien Kamatera qui atteint 190 000 IOPS grâce à une connexion réseau fortement optimisée.

« Concernant Kamatera, je parlerais plus précisément de connexion non bridée. En effet, au-delà de l’aspect connectique et de sa latence, ce sont surtout les fournisseurs qui limitent volontairement les IOPS pour éviter que leurs réseaux ne s’engorgent. »

« La performance basique est de 40 000 IOPS pour une base de données, c’est le score qu’atteint OBS. En revanche, les machines virtuelles d’AWS ou d’OVHcloud, qui atteignent péniblement 18 000 IOPS, sont disqualifiées pour exécuter des bases de données », ajoute l’analyste. Il précise que l’étude a testé les stockages en mode bloc de base conçus pour des VM. Par exemple, AWS propose lui-même des services de base de données dédiés qui n’entrent pas dans le cadre de l’IaaS, et il est possible de souscrire à des services de stockage auprès de tiers (StorPool, par exemple) qui fonctionnent depuis les VMs d’AWS.

En termes de prix, la moyenne pour du stockage bloc est de 10 centimes par Go et par mois. L’américain Oracle OCI et l’Allemand Hetzner proposent les tarifs les moins élevés, aux alentours de 40 euros par mois pour 1 To. Scaleway (61,4 €) OVHcloud (82 €) et OBS (134 €) sont dans la moyenne que propose AWS (97,5 €), Azure étant le plus cher, avec 200 € pour 1 To.

Réseau : l’export des données gratuit chez OVHcloud et Scaleway

Dans la même veine, Cloud mercato a évalué la vitesse du réseau entre deux machines virtuelles identiques (toutes deux dotées de 16 vCPU et d’autant de RAM). Dans ce domaine, le leader incontesté est l’Américain GCP avec son record de 28 Gbit/s. Il est talonné par l’Américain IBM Cloud, l’Israélien Kamatera et le Français Nua.ge qui parviennent tous les trois à grimper jusqu’à 20 Gbit/s.

« Globalement, si l’on cherche la performance au meilleur prix, alors Oracle OCI et OVHcloud sont ceux qui sortent du lot des fournisseurs de cloud disponibles en Europe. »
Anthony MontheAnalyste et fondateur de Cloud Mercato

La bande passante réseau consommée entre ressources du même hébergeur est gratuite. Cloud Mercato s’est donc intéressé au prix du transfert de données depuis un cloud vers l’extérieur, le fameux « trafic egress » qui est réputé ajouter des coûts inattendus sur la facture mensuelle des entreprises clientes chez les grands clouds publics. AWS fait ici figure de modèle, en facturant 9 centimes par Go après le premier Go transféré, puis 8,5 cts/Go à partir de 10 To, 7 cts/Go au-delà de 40 To et 5 cts/Go au-delà de 150 To transférés.

Les Américains Google GCP, IBM Cloud et Vexxhost sont globalement plus chers qu’AWS. Tout comme l’Allemand Ionos et le Chinois Tencent. Azure est similaire. OBS est un peu moins cher : gratuit jusqu’à 10 To transférés dans le mois, puis 6,7 cts/Go jusqu’à 150 To transférés et 4 cts/Go au-delà.

En revanche, chez OVHcloud, Scaleway, Infomaniak, G-Core et CloudFerro, la récupération de données depuis le cloud n’est tout simplement pas facturée. Et c’est tout comme pour Hetzner qui propose 0,11 cts/Go par Go au-delà de 20 To transférés par mois.

« Globalement, si l’on cherche la performance au meilleur prix, alors Oracle OCI et OVHcloud sont ceux qui sortent du lot des fournisseurs de cloud disponibles en Europe. Et ils sont talonnés par OBS, Scaleway, OTC et Nua.ge. Bref, dans un contexte de cloud souverain, il est tout à fait possible de faire l’impasse sur les fournisseurs de clouds américains en Europe », conclut Anthony Monthe.

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