Forum 5G Techritory : les fournisseurs d’énergie veulent mettre la 5G sur écoute

Les Américains préconisent que les Européens utilisent la 5G pour lire les relevés des objets connectés afin de mieux anticiper les consommations d’énergie. Le retour du concept de Smart grids.

Troisième partie des cas d’usage professionnel de la 5G débattus par les pouvoirs publics, les entreprises et les fournisseurs de l’UE, lors du sommet 5G Techritory qui vient de se tenir à Riga, en Lettonie. Après les transports où rien n’est prêt et les villes qui veulent juste déployer des drones policiers, LeMagIT rapporte ici les échanges consacrés au sujet de l’amélioration du rendement des centrales électriques. Le sujet est en l’occurrence celui de la 5G au service des producteurs d’énergie. Ou, dit autrement, la possibilité de relancer le concept des Smart grids, à savoir des réseaux électriques dont le rendement est optimisé grâce à la collecte d’informations au plus proche des consommateurs.

« Pour le dire simplement, pendant les 20 dernières années, les producteurs d’énergie ont fait du marché de gros. Mais maintenant que l’électricité est liée à la décarbonation, maintenant qu’elle est liée à l’autonomie des voitures, maintenant qu’il y a tous ces petits appareils à charger chez les clients, maintenant qu’il y a des énergies renouvelables, nous passons à un modèle de marché logistique, tiré par la distribution, la répartition et la transmission d’électricité de pair à pair », commence Alex Papalexopoulos, le PDG du cabinet de consulting américain Ecco, spécialisé dans les marchés de l’électricité.

« L’Internet de l’énergie »

« Il faut se servir des données pour savoir quoi acheminer, où, au bon moment », insiste-t-il, face à Birbas Alexios, un docteur en génie des énergies de l’université de Patras, en Grèce. Lorsque ce dernier lui demande des détails, Alex Papalexopoulos répond : « Vous parlez lors de ce sommet de l’Internet des objets. Je vous parle ici de l’Internet de l’énergie ! »

« À la périphérie du réseau électrique, vous avez donc tous ces objets connectés qui peuvent envoyer des bips réguliers pour indiquer combien ils vont consommer dans les minutes suivantes. Il faut que les utilisateurs, les citoyens, les entreprises, les industriels, acceptent de partager ces informations. Avec une meilleure anticipation des besoins, les fournisseurs d’énergie auront le temps d’aller chercher l’électricité la moins chère à produire », explique-t-il.

Des data centers sans ordinateurs, juste remplis de batteries

Est-il possible de piloter la fourniture d’énergie, excessivement réglementée en Europe, depuis des appareils connectés en 5G qui ne sont absolument pas réglementés, s’enquiert Birbas Alexios ? Alex Papalexopoulos en convient : ça ne peut pas fonctionner en l’état. « Il est indispensable que les fournisseurs et les pouvoirs publics se coordonnent pour créer une nouvelle réglementation de… la centrale électrique virtuelle ! »

En pratique, il s’agirait pour les fournisseurs de pouvoir bâtir des centres remplis de batteries, proches de zones urbaines, dans lesquelles ils stockeraient l’électricité achetée à plusieurs centrales. Le surcoût de ces centres serait aboli par les économies réalisées grâce à des commandes mieux anticipées.

Un modèle qui fait furieusement penser à celui des data centers : ceux-ci gèrent les variations de leur consommation en stockant une énergie achetée longtemps à l’avance dans les batteries de leurs onduleurs. En somme il s’agirait de construire des datacenters dépourvus d’ordinateurs, juste remplis d’onduleurs et de batteries.

Vers un modèle de marché… spéculatif ?

Alex Papalexopoulos rappelle qu’une certaine quantité d’électricité produite par les centrales nucléaires peut s’acheter très en amont pour un prix quasiment nul, de même que pour une quantité aléatoire d’énergie verte (solaire, éolienne). En revanche, seules les centrales au gaz – ou au charbon – sont capables de fournir de l’électricité au dernier moment. Et ce sont elles qui coûtent très cher. L’enjeu est donc de minimiser les besoins d’énergie au dernier moment.

Birbas Alexios se demande néanmoins si ce modèle ne risque pas de créer une dérive spéculative sur le prix de l’énergie.

« Dans l’UE, vous ne faites pas payer la transmission d’électricité, vous fixez des tarifs idéologiques, par zones, qui ne correspondent pas à la réalité de l’énergie disponible. Aux USA, nous avons des milliers de tarifs différents et cela nous rend plus réactifs en cas de pénurie ou de cyberattaque », répond son interlocuteur américain.

Birbas Alexios conclut que, oui, il est certainement urgent que l’UE pose des règles claires. Pour éviter les dérives.

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