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Intégration de données : Qlik veut mettre la main sur Talend

Qlik annonce son intention de racheter Talend, officiellement pour compléter sa gamme de solutions d’intégration de données. Un dénouement logique au vu de l’état du marché, suivant les analystes.

Le 5 janvier 2023, le spécialiste américain de la BI Qlik a annoncé son intention d’acquérir Talend, un acteur majeur de l’intégration de données né en France. Pour l’instant, les deux éditeurs n’ont pas divulgué le montant et les conditions de la transaction. L’intention de rachat a été proposée au comité d’entreprise de Talend. Si ce dernier accepte l’offre, les deux entités devraient clore l’opération au cours du premier semestre 2023, « après les approbations réglementaires habituelles ».

Depuis le rachat de Talend par Thoma Bravo en 2021, les deux entreprises figurent au portfolio du même investisseur. Pour rappel, Thoma Bravo est présent au capital d’une soixante d’éditeurs de logiciels. Il avait acquis Qlik pour 3 milliards de dollars en 2016.

Dans la veine de la fusion TIBCO-Citrix, il n’aurait pas été surprenant que la société de capital-investissement veuille rapprocher Qlik et Talend. Pour autant, cette intention de rachat émane officiellement de Qlik. Thoma Bravo ne fait que soutenir la décision.

« Nous sommes enthousiastes quant à cette proposition de voir deux des principales entreprises de notre portefeuille unir leurs forces […] », déclare Seth Boro, un directeur associé chez Thoma bravo, dans un communiqué de presse.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule option envisagée pour assurer l’avenir de Qlik. Pour rappel, le 6 janvier 2022, Qlik avait annoncé sa volonté de retourner en bourse en déposant de manière confidentielle un projet d’enregistrement à la SEC. Le scénario d’une introduction en bourse imaginé par Thoma Bravo intimait à terme le retrait de l’investisseur, après la vente de ses actions. Un an plus tard, Qlik demeure une entreprise privée.

Thoma Bravo a-t-il décidé de pousser Qlik et Talend à la fusion avant l’IPO ? Rien ne permet de l’affirmer. Tout comme Qlik et son investisseur principal prennent leur temps pour mettre en œuvre cette IPO, ils font preuve de prudence dans leur manière de communiquer sur l’éventuel rachat de Talend.

 « La fusion envisagée de ces deux entreprises en croissance et rentables, sous la direction de Mike Capone, aurait une ampleur significative et [permettrait de rassembler] un portefeuille de produits inégalé », poursuit Seth Boro.

« Le rapprochement de Qlik et de Talend changerait la donne », ajoute Mike Capone, CEO de Qlik. « Les deux entreprises ont différencié leurs offres pour aider les clients à tirer davantage de valeur commerciale des données ».

Que l’intention de rachat de Talend par Qlik soit liée à ce projet d’introduction en bourse ou non, l’éditeur et la société de capital-investissement savent très bien que Qlik a besoin de se différencier pour rester dans la compétition BI menée par Tableau et son propriétaire Salesforce d’un côté, et de faire face aux spécialistes de l’intégration tels Informatica ou le « conglomérat » TIBCO-Citrix, de l’autre.

Qlik investit massivement dans l’intégration de données

Pour ce faire, au rythme de deux acquisitions par an depuis 2019, Qlik a renforcé ses capacités d’intégration et de gestion de données. Il a notamment racheté Attunity en 2019, Blendr.io, un fournisseur d’une iPaaS en octobre 2020, puis Nodegraph, un spécialiste suédois du data lineage en 2021.

Néanmoins, Qlik est avant tout reconnu pour sa plateforme analytique. Dans son Magic Quadrant 2022 consacré aux outils d’intégration de données publié en août, Gartner le présentait comme un challenger dans cette catégorie, quand Talend en est un des leaders. Qlik s’est concentré sur l’automatisation des intégrations avec les entrepôts de données du marché, mais le cabinet d’analystes notait une plus faible prise en charge des données opérationnelles, des défis d’optimisation des performances et de gestion des jobs de réplication, ainsi qu’un support limité des cas d’usage de virtualisation de données.

Le rachat de Talend permettrait également de s’attaquer à ces problèmes. L’éditeur d’origine française est réputé pour son ingénierie et sa connaissance des technologies open source.

Sur le réseau social professionnel LinkedIn, les spécialistes de l’intégration et les partenaires des deux éditeurs se sont montrés très attentifs à l’annonce.

De fait, le nerf de la guerre n’est autre que la modernisation et l’intégration des systèmes existants hétérogènes des clients communs des deux groupes. Il s’agit « d’aider les clients à répondre à leurs besoins les plus pressants en matière d’intégration, de transformation et de gouvernance des données », selon le communiqué de presse de Qlik.

« À long terme, Qlik devra réconcilier ou consolider certains des produits d’intégration, de mouvement et de catalogage de données qui se chevauchent. »
Boris EvelsonVP et analyste, Forrester

Dans un billet de blog, Boris Evelson, vice-président et analyste chez Forrester, anticipe d’ores et déjà les impacts de la fusion. « Il n’y a pas d’implication négative immédiate pour les utilisateurs de Qlik ou de Talend. Qlik n’a tendance à coupler ou intégrer que vaguement les produits qu’elle acquiert ; ainsi le risque à court et moyen terme que Qlik et Talend cessent de supporter les solutions autonomes est très faible », avance-t-il. « À long terme, Qlik devra réconcilier ou consolider certains des produits d’intégration, de mouvement et de catalogage de données qui se chevauchent ».

La confirmation de deux tendances de fond, selon Forrester

Surtout, Boris Evelson assure que cette annonce « confirme deux tendances importantes que Forrester a observées dans le monde des données et de l’analytique ».

Premièrement, la plupart des éditeurs s’orienteraient vers la proposition d’une stack unique, reposant sur un seul hébergeur cloud pour traiter les données des entreprises. En réaction, Qlik « se positionne en alternative pour des acheteurs […] qui continueront à utiliser des environnements de cloud hybride », affirme-t-il. L’éditeur se dit lui-même « indépendant du cloud ».

Ces organisations chercheraient « à déployer des solutions analytiques à l’échelle de l’entreprise, et non par département » et voudraient pouvoir à la fois utiliser des plateformes unifiées et « remplacer des composants par des solutions partenaires ».

Deuxièmement, la banalisation des fonctionnalités de BI et la concurrence accrue dans ce domaine obligeraient les grands éditeurs à se doter d’un data fabric. « Forrester s’attend à ce que davantage d’éditeurs de solutions de BI acquièrent (ou construisent nativement) des composants tels que des catalogues de données d’entreprise, de virtualisation des données, des pipelines de données, de gouvernance des données, des graphes de connaissances et d’autres éléments de la structure de données », écrit-il.

Dans un commentaire de l’annonce publié sur LinkedIn, Merv Adrian, analyste chez Gartner partage cette analyse. « D’autres acquisitions dans le domaine des données et de l’analytique sont à venir. […] Nous en verrons davantage ce mois-ci », prédit-il, sûr de lui.

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