Stockage : Seagate dévoile une baie 4U avec 106 disques de 30 To

Le disque dur n’est donc pas mort. Seagate commercialisera au mois d’août une nouvelle version de son tiroir Exos Corvault avec des disques durs 50 % plus capacitifs pour moins de 60 000 €.

Cet article est extrait d'un de nos magazines. Téléchargez gratuitement ce numéro de : STORAGE: Storage 37 – Le retour en grâce des sauvegardes

Les disques durs HAMR, que Seagate promet depuis des années, seront enfin disponibles dès cet été. On pourra notamment les retrouver dans le tiroir de disques SAS Exos Corvault de Seagate, qui peut en contenir 106. L’avantage des disques durs HAMR est qu’ils disposent d’un laser sur leur tête d’écriture qui permet de stocker les informations de manière plus dense. En l’occurrence, les premiers disques durs HAMR offriront 30 To de capacité au lieu de 22 To sur les disques durs actuels.

Disque dur oblige, les configurations sont peu chères : un Exos Corvault 4U, profond de 1,14 mètre et rempli d’unités HAMR, devrait coûter aux entreprises moins de 60 000 € pour 3,18 Po de capacité brute. Cela reste un peu meilleur marché que les 20 centimes par Go annoncés encore la semaine dernière par Pure Storage, lequel prétend abolir l’intérêt économique des disques durs avec ses nouvelles baies FlashArray//E (SAN) et FlashBlade//E (NAS) uniquement composées de NAND. 

« D’autant que le tarif annoncé par Pure Storage est virtuel : eux ne proposent leurs baies qu’à la location. Chez nous, il s’agit d’un véritable prix d’achat, que vous amortissez au fil des ans. Par ailleurs, sur les usages visés par de telles configurations – le stockage de données froides – une connectique SAS en 12 Gbit/s avec les serveurs est amplement suffisante et coûte bien moins cher en infrastructure que les liens FC ou NVMe-over-Fabrics des baies SAN 100 % Flash », argumente Scherif Sidibé, responsable des ventes Systems pour la France, chez Seagate.

Il précise que les données froides en question ne sont pas uniquement des archives dormantes. Il s’agit, dans le jargon de Seagate, de données qui ont précédemment été générées par une application éventuellement intensive et qui sont entreposées sur des disques durs pour des requêtes d’appoint. En l’occurrence, Seagate aurait vendu de grandes quantités d’Exos Corvault aux centres de recherche – dont le CNRS – pour stocker les résultats de leurs supercalculateurs que les scientifiques interrogent dans un second temps pour leurs recherches.  

Une autre grande clientèle de Seagate, que Pure Storage convoite, est celle des hébergeurs de cloud, lesquels représentent de nos jours la grande majorité des acheteurs de disques durs.

Un laser pour percer un trou là où l’information doit être écrite

L’Exos Corvault qui sera mis sur le marché d’ici au mois d’août portera sans doute la numérotation « 2 » pour sa prise en charge des disques durs HAMR. Seagate promet que le fonctionnement du laser n’aura aucun impact sur la consommation électrique du tiroir.

« Notre innovation consiste à recouvrir chaque plateau d’une couche de verre qui isole la surface du champ magnétique de la tête d’écriture, sauf à l’endroit précis qui est [...] fondu par le laser. »
Philippe VaillantDirecteur technique, Seagate

« Hormis l'addition du laser la conception de la tête d’écriture de cette première génération de disques HAMR est similaire à celle des disques durs actuels de 22 To. Le problème est qu’il devient très compliqué, non pas de la réduire, mais de réduire son faisceau magnétique pour que, lorsqu’elle écrit une information, cela ne magnétise pas les cristaux d'aluminium adjacents qui contiennent aussi des informations », explique Philippe Vaillant, le directeur technique de Seagate.

« Notre innovation consiste à recouvrir chaque plateau d’une couche de verre qui isole la surface du champ magnétique de la tête d’écriture, sauf à l’endroit précis qui est, pendant une fraction de seconde, fondu par le laser », détaille-t-il.

Selon lui, Seagate sera en mesure de proposer des disques durs de 50 To de capacité d’ici à 2026, à raison de 2,5 To de capacité sur chacune des deux surfaces de chacun des dix plateaux. « Nous pensons raisonnablement pouvoir grimper au-delà, sans nécessairement réduire la tête ni la distance qui la sépare de la surface du plateau. Cependant, nous n’annonçons pas encore ce chiffre officiellement, car nous n’avons pas encore terminé nos tests », conclut-il.

Seagate n’est pas le seul à mettre au point des technologies qui repoussent les limites des disques durs. Son concurrent Western Digital travaille, lui, sur une technologie à base de micro-ondes.

Exos Corvault, le tiroir de stockage qui remet les disques au niveau des SSDs

Le tiroir de disques Exos Corvault – ou JBOD, pour « Just a bunch of disks » – a été conçu pour battre en brèche toutes les critiques habituellement faites aux solutions à base de disques durs.

Ainsi, on oppose généralement la brisure mécanique et aléatoire d’une tête ou d’un plateau sur un disque dur à l’usure irrémédiable des cellules NAND, au fil des écritures sur un SSD. Sur ce sujet, la baie de Seagate est dotée d’une fonction ADR (Autonomous Drive Regeneration) qui identifie quelle partie d’un disque dur est cassée, la décommissionne et maintient le disque en opération au prix d’une simple perte de capacité.

« Dès lors, vous n’êtes plus pris par l’urgence de remplacer un disque dur. Sur un HAMR de 30 To, vous perdriez dans ce genre d’incident 1,5 To de capacité, soit l’équivalent d’une face de l’un des dix plateaux internes. Cela n’arrête pas votre production, 95 % du disque reste disponible pour continuer le travail », commente Laco Hudec, l’ingénieur système en chef de Seagate pour la région EMEA.

Selon lui, les pannes mécaniques des disques durs sont dues à l’intensité des vibrations, qui se démultiplient en irradiant de proche en proche dans un châssis. Seagate se vante d’avoir conçu dans l’Exos Corvault des boucliers acoustiques. Le design tient à des disques durs placés verticalement (connecteur en bas), et un ingénieux système de ventilateurs placés à l’arrière et sur un seul côté. Manifestement, cela élimine tout effet de turbulence dans le châssis et contribue – du moins sur les Exos Corvault jusqu’ici vendus avec des disques durs classiques – à une réduction des pannes de l’ordre de 90 %.

De l’erasure coding interne pour 40 fois plus de disques sous ZFS et Ceph

Autre critique, le RAID, qui consiste à éparpiller les données sur plusieurs disques pour des questions de performances ou de redondance, pose la contrainte d’une reconstruction logique des données qui peut durer des heures, voire des jours, lorsqu’un disque dur est remplacé. Ici, point de RAID, mais un système d’erasure Coding baptisé ADAPT, qui réduirait de 95 % le temps de reconstruction, c’est-à-dire sans aucune pénalité par rapport à des tiroirs de SSD.

« ADAPT permet par ex. de réduire drastiquement la puissance de calcul nécessaire dans les serveurs, quand vous contrôlez un cluster de stockage avec des systèmes tels que Ceph ou ZFS. »
Laco HudecIngénieur système en chef EMEA, Seagate

« Dans un JBOD classique, le RAID est en fin de compte géré par le serveur auquel est attaché le tiroir de disques. ADAPT est directement piloté par le double contrôleur de l’Exos Corvault de sorte à gérer les redondances non plus au niveau des disques, mais au niveau des plateaux et non plus par grappe comportant chacune un maximum de 16 disques durs, mais sur l’ensemble de 106 disques durs en même temps » détaille Laco Hudec, qui précise que le contrôleur embarqué dans l’Exos Corvault est capable de présenter plusieurs disques comme s’il ne s’agissait que d’un seul.

« ADAPT permet par exemple de réduire drastiquement la puissance de calcul nécessaire dans les serveurs quand vous contrôlez un cluster de stockage avec des systèmes tels que Ceph ou ZFS. D’ordinaire, vous avez besoin de réunir 720 cœurs et 7,68 To de RAM pour que vos serveurs pilotent 20 Po de stockage brut. Si vous constituez ces 20 Po avec uniquement des tiroirs Exos Corvault, vous n’avez plus besoin que de 256 cœurs et 4 To de RAM », ajoute-t-il. Il fait ici référence à une configuration déjà existante de Corvault, dotée de disques de 20 To actuellement disponibles et avec seize tiroirs (et non dix) pour stocker les données redondantes.

De la même façon, un serveur ZFS gère normalement un maximum de 40 disques durs, soit 40 fois des disques de 22 To, la capacité maximale actuelle, par volume VDEV. Grâce à ADAPT, un volume VDEV de ZFS peut regrouper 40 disques virtuels de 800 To chacun. « ZFS dispose de son propre système d’Erasure Coding, dont les performances chutent avec le nombre de disques. Comme ADAPT gère lui-même un erasure coding, les performances ne baissent pas alors que vous avez 40 fois plus de disques durs dans votre stockage », dit-il encore.

De la marque blanche à une baie vendue exclusivement sous le nom Seagate

Chacun des deux contrôleurs de l’Exos Corvault dispose d’un processeur x86 d’entrée de gamme et d’un ASIC baptisé VelosCT spécialement développé par Seagate pour exécuter les fonctions ADR et ADAPT. L’ensemble coûterait bien moins cher que le processeur Intel Xeon qui équipe généralement les contrôleurs de baies de stockage.

Ici, les contrôleurs fournissent quatre connecteurs Mini-SAS de 12 Gbit/s chacun, soit un débit d’environ 1 Go/s par serveur. Les contrôleurs en eux-mêmes gèrent une bande passante totale de 14 Go/s sur l’ensemble des disques durs, avec une vitesse d’accès de 17 680 IOPS.

Historiquement, Seagate, numéro 1 des vendeurs de disques durs, fabriquait des tiroirs JBOD en marque blanche pour les baies de stockage de HPE, Dell et d’autres. Il compte en revanche vendre les JBOD Exos Corvault sous sa propre marque. « Les fabricants de baies SAN ou NAS veulent pouvoir se fournir chez deux ou trois fabricants quand ils mettent leur marque sur un tiroir de disques. Cependant, les prochaines versions des fonctions ADAPT et ADR ne seront compatibles désormais qu’avec nos disques durs HAMR », conclut-il.

On notera ainsi que les contrôleurs de l’Exos Corvault disposent de leur propre console d’administration. Celle-ci sert à configurer les grappes de disques à présenter comme un seul disque virtuel SAS au serveur – plus exactement comme une seule LUN – et tous les paramètres de l’erasure coding. Cette console dispose néanmoins d’une API qui doit à terme lui permettre d’intégrer ses fonctions dans les consoles d’administration des systèmes basés sur Ceph, NFS, ou autres.

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