Red Hat : « OpenShift Virtualization est prêt pour les clients de VMware »

Dans cette interview, le DG et le directeur technique de Red Hat France annoncent que le système, jusqu’ici cantonné à la migration des VM en containers, s’est enfin paré d’outils pour remplacer vSphere.

C’est officiel : Red Hat se positionne pour prendre la relève de VMware auprès des entreprises. Cette annonce, qui ressort de l’interview que sa filiale française a accordé en exclusivité au MagIT, était plus qu’attendue.

Depuis que le projet de rachat de VMware par Broadcom était connu, les analystes prédisaient des difficultés avec le nouvel acquéreur, déjà connu pour privilégier les très grands comptes au détriment des clients de taille moyenne ou petite.

Pour eux, l’après serait fait de vastes campagnes de migration, vers Nutanix, le challenger historique de VMware dans la virtualisation, mais surtout vers Red Hat, le numéro 1 d’une technologie, la containerisation, qui, justement, a ringardisé la virtualisation. Pour autant, l’éditeur d’OpenShift et de RHEL, filiale à succès d’IBM, tardait à dérouler son programme.

En face, Nutanix n’a eu de cesse de prendre la parole depuis la fin de l’année dernière – au moment où le rachat s’est conclu – pour annoncer des plans de migrations, des tarifs attractifs, des partenariats stratégiques, ou encore de profondes mises à jour qui rendent sa solution toujours plus séduisante.

Red Hat, en revanche, se cantonnait à son format de containers, qui complique la migration des machines virtuelles, et à ses outils DevOps qui ne sont pas bien adaptés aux attentes des DSI. Au mieux, l’éditeur au chapeau rouge s’invitait dans les événements de Nutanix pour dire combien cette virtualisation-là se conjuguait bien avec ses containers. Les deux éditeurs ont même conçu un bundle avec leurs produits respectifs : Red Hat OpenShift on Nutanix AHV.

En réalité, Red Hat n’était pas prêt. Focalisant ses efforts sur des environnements adaptés à la mise en production d’applications depuis ces dernières années, le plus célèbre éditeur de Linux n’avait pas spécialement cherché à rivaliser avec les trousses à outils que VMware publiait pour les administrateurs système, stockage et réseau. Dans cette interview, Rémy Mandon, le directeur général de Red Hat France (à droite sur la photo), et David Szegedi, le directeur technique de la filiale (à gauche sur la photo), expliquent que cette époque est désormais révolue.

LeMagIT : Qu’avez-vous à proposer aux clients de VMware qui ne se retrouvent plus dans la stratégie commerciale de Broadcom ?

Rémy Mandon : OpenShift Virtualization. C’est un produit qui existe depuis deux ans et qui avait vocation jusqu’ici à exécuter les machines virtuelles des clients qui souhaitaient passer leurs applications au format container.

« Nous avions OpenShift Virtualization comme socle technique, il nous restait à muscler la solution en termes d’outillage. »
Rémy MandonDirecteur général, Red Hat France

Jusque-là, Red Hat se positionnait sur la modernisation des applications, sur les containers. OpenShift Virtualization exécutait des VM avec une approche façon Git. Mais la réalité chez les clients est qu’il y a toujours une vraie attente sur la virtualisation. Oui, ils veulent à terme aller vers les containers et ont déjà converti 300 VM. Mais dans l’immédiat, ils ont une problématique de désengagement vis-à-vis de Broadcom. Ils ont 10 000, 20 000 VM en production sur une plateforme A et ils veulent les exécuter tout de suite sur une plateforme B. Donc, nous avons changé notre fusil d’épaule. Nous avions OpenShift Virtualization comme socle technique, il nous restait à muscler la solution en termes d’outillage, à la faire cohabiter avec des solutions de supervision, de sauvegarde, de réseau, à développer notre accompagnement dans la migration, dans la validation des configurations. Et c’est ce que nous avons fait pendant toute l’année passée.

À date, OpenShift Virtualization n’a pas encore un écosystème aussi riche que vSphere, mais nous avons des solutions qui fonctionnent sur tous les aspects. Et nous avons déjà rempli l’objectif de migrer sur OpenShift Virtualization des grands clients de la zone Moyen-Orient. Désormais, nous attaquons les projets de migration en Europe.

LeMagIT : Mais pourquoi migrer ses VMs sur OpenShift Virtualization plutôt que sur une autre solution, comme celle de Nutanix, ou même sur ces plateformes que les hyperscalers proposent d’installer sur site (AWS Outpost, Azure Stack…) ?

David Szegedi : Notre client est celui qui, de toute façon, finira par convertir ses applications au format container et, donc, travaillera avec nous. Dans ce contexte, pourquoi introduire dans son projet un acteur supplémentaire juste pour la phase de transition ?

Alors, on pourrait se dire qu’ils pourraient aussi faire du Kubernetes avec les hyperscalers. Mais si les entreprises préfèrent utiliser aujourd’hui OpenShift pour leurs containers, c’est parce que notre solution leur permet de maîtriser les mises à jour, là où un hyperscaler change du jour au lendemain les versions de ses modules. Cette pratique rend impossible la gestion du cycle de vie des applications.

« La différence entre OpenShift Virtualization et les autres alternatives est que notre solution est agnostique. »
David SzegediDirecteur technique, Red Hat France

Ensuite, techniquement, la différence entre OpenShift Virtualization et les autres alternatives est que notre solution est agnostique. Nutanix vient avec son système de stockage, nous travaillons avec les stockages de Dell, de Pure Storage, de NetApp, d’Hitachi Vantara, etc. C’est-à-dire que nous n’avons pas une approche hyperconvergée. Et nous pensons que c’est ce qu’il faut faire dans le contexte actuel où l’IA arrive dans toutes les entreprises avec de fortes exigences sur le stockage.

Accessoirement, ces migrations vont poser une problématique économique. Il va falloir acheter de nouveaux logiciels, de nouveaux équipements. Si nous permettons au client de continuer à exploiter le stockage qu’il a déjà en place, c’est quelque chose de positif. Les clients de la zone Moyen-Orient, que nous avons évoqués, ont apprécié que notre solution soit compatible avec les PowerMax dans lesquels ils avaient beaucoup investi, du temps de leurs déploiements VMware.

Et nous sommes agnostiques aussi sur les sujets de la sauvegarde, du monitoring. C’est une leçon que nous avons apprise lorsque nous avons lancé OpenShift. À ce moment, nous avions nos propres outils pour RHEL et notre cible était de faire migrer vers OpenShift les gens qui utilisaient du JBoss sur VMware. Mais nous avons été confrontés à la problématique de devoir récupérer, sur OpenShift, des sauvegardes JBoss faites avec l’écosystème d’outils autour de VMware : Veeam, etc. Nous avons compris que nous devions être compatibles avec ces sauvegardes.

Et il en va de même pour les outils de monitoring. OpenShift Virtualization est compatible avec les standards du marché, comme Dynatrace, etc.

Le point où nous ne sommes pas encore iso-fonctionnels avec VMware est sur les réseaux. Mais nous travaillons en ce moment avec des partenaires, notamment la branche Isovalent chez Cisco, pour proposer, d’ici à la fin de l’année, des fonctions de routage, de répartition de charge qui soient du niveau de NSX, avec une approche moderne basée sur de l’eBPF plutôt qu’avec des méthodes historiques. C’est le sujet qui me mobilise en ce moment.

LeMagIT : In fine, qui va assembler la solution prête à l’emploi ?

Rémy Mandon : Nous n’avons pas encore la maturité suffisante pour que vous puissiez acheter chez un Dell (ou équivalent) une solution OpenShift Virtualization taillée sur mesure. Nous allons donc beaucoup nous appuyer sur les intégrateurs. Il y aura bien des configurations que vous pourrez acheter préinstallées chez les revendeurs de serveurs, comme ce que nous faisons par exemple avec Dell, dans le monde des telcos. Mais les intégrateurs, des partenaires s’occuperont du dernier kilomètre.

« Les intégrateurs, des partenaires s’occuperont du dernier kilomètre. »
Rémy MandonDirecteur général, Red Hat France

À notre connaissance, beaucoup sont intéressés par l’opportunité de mener ces projets de migration depuis VMware. Ils avaient pour habitude de migrer des VMs uniquement vers le cloud public. Mais les entreprises leur demandent de plus en plus de conserver des applications et des données sur site. À cause de l’IA, à cause de l’inflation des prix en cloud.

Les intégrateurs vont nous aider à standardiser de bonnes pratiques, des architectures de référence. Ils vont nous aider à afficher un prix, un délai, pour un nombre donné de VM à migrer.

LeMagIT : Si OpenShift Virtualization exécute des machines virtuelles, en quoi facilite-t-il, plus qu’une autre solution de virtualisation, la transformation à terme des applications en containers ?

David Szegedi : Parce qu’OpenShift Virtualization traite les machines virtuelles comme de gros containers. Techniquement, sur notre système, une VM est un container qui embarque son propre hyperviseur. Alors que nos concurrents embarquent les containers dans une VM.

« Les sauvegardes de l’application en VM seront restaurables pour l’application en container. »
David SzegediDirecteur technique, Red Hat France

Cela signifie que tout ce qui est mis en œuvre aujourd’hui pour administrer, orchestrer une VM sur OpenShift Virtualization restera utilisable le jour où l’application hébergée dans la VM sera directement exécutée au format container. Les sauvegardes de l’application en VM seront restaurables pour l’application en container. Les règles d’accès au stockage fonctionneront toujours. Les procédures de monitoring et d’exploitation fonctionneront toujours. Encore une fois, notre solution évite à nos clients la problématique de la double migration.

La seule différence que l’entreprise pourra constater, sur les serveurs où elle exécutait 80 VM, c’est qu’elle pourra exécuter 200, 300, voire 500 containers.

C’est d’ailleurs sur ce même modèle technique que nous avons converti nos clients telcos d’OpenStack à OpenShift. OpenShift leur permet de convertir de manière transparente et en douceur, dans les délais qu’ils veulent, leurs équipements virtualisés VNF en équipements containerisés CNF. Nous avons des cas similaires chez les industriels.

Et nous pouvons garantir qu’il n’y a pas de chute des performances à exécuter une VM en container.

Rémy Mandon : J’ajoute qu’OpenShift et OpenShift Virtualization ayant le même socle technique, les extensions – que nous appelons opérateurs – de l’un profitent à l’autre. Il en va ainsi d’OpenShift AI qui permet aux data scientists d’utiliser une IA prédictive, mais aussi de RHEL AI. Ce dernier est un système Linux que nous venons de lancer pour une utilisation clé en main de l’IA générative, avec l’intégration des LLM Granite d’IBM. RHEL AI fonctionne directement sur OpenShift et OpenShift Virtualization.

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