VeeamON 2024 : la sauvegarde devient un outil pour quitter VMware

Veeam dévoile une stratégie appelée Data Freedom censée favoriser l’utilisation de son logiciel Backup & Replication pour migrer les VM de vSphere vers un autre hyperviseur.

Veeam a une nouvelle stratégie : la Data Freedom, ou libération de la donnée. Annoncée en grande pompe lors de l’événement VeeamON 2024 qui se tient cette semaine près de Miami, elle repose sur la capacité du logiciel de sauvegarde Veeam Backup & Replication (VBR) de restaurer les machines virtuelles d’un hyperviseur au format d’un autre hyperviseur.

Cette fonction, mise en avant dans le cadre du lancement prochain de la version 13 du logiciel de Veeam, n’est pas nouvelle. Mais elle prend un intérêt inédit dans un contexte particulier : l’actuelle désertion des clients de VMware pour une solution de virtualisation alternative. Elle résulte de la crainte par les entreprises de conditions commerciales défavorables depuis que Broadcom a racheté le numéro un des fournisseurs de virtualisation.

Désormais, Veeam démultiplie les compatibilités avec des hyperviseurs. Hier, VBK permettait de restaurer ses VMs vSphere au format Microsoft Hyper-V, Nutanix AHV, AWS ECS, Azure ou encore Google Engine. À présent, Red Hat Virtualization, Oracle oVirt sont supportés et même l’Open source Proxmox VE le sera dans le courant de l’été.

Pour autant, Veeam se garde bien de dire qu’il joue les pompiers dans l’abandon de VMware. L’éditeur a une explication plus alambiquée : il serait plutôt une bouée de secours insubmersible dans le flot des technologies qui se succèdent. Pour lui, restaurer les VMs de vSphere vers les actuellement très populaires formats de Nutanix et Red Hat ne serait pas plus opportuniste qu’accompagner les entreprises dans la migration au ralenti de leurs applications en containers, ou en services SaaS.

Pour mieux comprendre, LeMagIT est allé à la rencontre de Patrick Rohrbasser (en photo), qui dirige les filiales de l’Europe du Sud-ouest de Veeam et qui aura, de fait, la charge de mettre en œuvre cette nouvelle stratégie Data Freedom. Interview.

LeMagIT : Peut-on résumer la stratégie Data Freedom à la volonté de Veeam d’accompagner les entreprises dans leur migration de VMware vers un autre hyperviseur ?

Patrick Rohrbasser : Non. Nos solutions offrent la faculté d’être agnostique vis-à-vis des plateformes sur lesquelles sont restaurées les applications et les données. Il est vrai que l’on pense spontanément que nous proposons d’être agnostique vis-à-vis de VMware, mais c’est parce que notre base installée historique est sur VMware, puisque nous avons commencé sur ce marché-là.

« Nos clients se posent des questions sur leur futur technologique. Tout ce qui a trait aux containers, aux infrastructures Kubernetes, aux applications cloud-natives ou SaaS prend le relais de la virtualisation. »
Patrick RohrbasserV-P régional South EMEA, Veeam Software

La réalité est que tous nos clients se posent des questions sur leur futur technologique. La virtualisation est arrivée à un plateau, ils cherchent les nouvelles vagues technologiques. Tout ce qui a trait aux containers, aux infrastructures Kubernetes, aux applications cloud-natives ou SaaS prend le relais de la virtualisation ; c’est en tout cas ce que nous voyons dans nos chiffres de vente.

Les entreprises savent qu’elles vont devoir développer demain des solutions qui seront différentes. C’est une transformation qui va leur coûter un certain prix. En attendant, le marché dit que VMware devient actuellement un problème de coûts. La réflexion de nos clients est donc de savoir si, pour limiter les coûts de la migration vers les containers, ils n’ont pas intérêt pour le moment à changer d’hyperviseur.

Cette faculté de changer d’hyperviseur en restaurant les VM à un autre format, c’est une fonction que nous offrons depuis des lustres ! La seule nouveauté est que nous l’étendons pour supporter encore plus de formats, que nous l’intégrons encore mieux dans notre console.

LeMagIT : Mais… s’il s’agit juste d’une mise à jour, pourquoi en faire toute une nouvelle stratégie ? D’autant que vos fonctions de portabilité font doublon avec les fonctions de portabilité que Nutanix et consorts proposent déjà eux-mêmes.

Patrick Rohrbasser : Détrompez-vous. Nous sommes les seuls à offrir la possibilité d’être agnostiques.

Si une entreprise veut migrer de VMware à Nutanix, elle aura raison de prendre les outils de portabilité offerts par Nutanix. Ils fonctionnent très bien. Il n’y a pas de débat là-dessus.

Mais la réalité est que les entreprises veulent profiter de ce moment pour homogénéiser leurs traitements qui s’exécutent sur plusieurs hyperviseurs différents vers un seul hyperviseur. Ou, au contraire, pour sortir d’un déploiement où tout s’exécutait sur le même hyperviseur pour porter telles applications sur tel hyperviseur et telles autres sur tel autre hyperviseur. Et cette souplesse, il n’y a que dans nos outils qu’ils vont la trouver.

Notre métier fondamental reste le même depuis la nuit des temps : aider les entreprises à mieux se protéger en ayant des temps de réponse qui sont rapides et une capacité à restaurer rapidement les activités. Et le sens de la stratégie Data Freedom, c’est de dire que, quelle que soit la plateforme que vous choisissiez, nous sommes au milieu.

LeMagIT : Pourriez-vous expliquer plus clairement l’opportunité commerciale que représente pour vous cette stratégie Data Freedom ? Ne sert-elle pas juste à limiter le risque que des entreprises qui quittent VMware quittent aussi Veeam ?

Patrick Rohrbasser : Sur cette histoire de risque, il faudrait plutôt poser la question à nos clients. Je ne suis pas en mesure d’estimer ce risque. Nous nous sommes toujours bien gardés d’être dépendants d’une technologie ou d’une autre.

L’opportunité commerciale existe pour nous à partir du moment où il y a du mouvement, car le mouvement crée de nouvelles activités. Nous avons la chance d’être sur un marché qui bouge sans cesse, qui innove sans cesse, où les technologies, les politiques sont sans cesse renouvelées. Dans ce contexte, la stratégie Data Freedom prend tout son sens. Nous montrons que nous accompagnons le mouvement.

Et puis, je dois préciser quelques points techniques. Quand une entreprise nous sollicite pour remplacer une autre solution de sauvegarde, elle nous demande systématiquement comment récupérer ses sauvegardes passées. Car ces sauvegardes sont dans un format propriétaire. Nos sauvegardes sont dans un format ouvert.

« Si une entreprise voulait nous quitter parce que nous ne serions pas au niveau – ce qui n’arrive pas –, elle n’aurait pas besoin de continuer à payer des licences Veeam pour récupérer ses sauvegardes. »
Patrick RohrbasserV-P régional South EMEA, Veeam Software

Si une entreprise voulait nous quitter parce que nous ne serions pas au niveau – ce qui n’arrive pas –, elle n’aurait pas besoin de continuer à payer des licences Veeam pour récupérer ses sauvegardes. C’est aussi ça, la Freedom Data. C’est une stratégie qui consiste à proposer à nos clients d’être libres dans les solutions qu’ils veulent implémenter et que nous appliquons à nous-mêmes.

En face, nos concurrents historiques vont proposer de faire des scripts pour s’adapter à un cas d’usage spécifique. Mais lorsque vous commencez à utiliser des scripts, vous ancrez une technologie sur une autre. Nos technologies sont basées sur des API, ce qui signifie que, quel que soit l’hyperviseur que vous choisissez, les règles que vous définissez fonctionneront toujours.

Donc notre opportunité commerciale, finalement, se trouve chez ces clients qui utilisaient VMware, mais pas Veeam et qui se retrouveront à ne plus pouvoir utiliser leur outil de sauvegarde ancré s’ils quittent VMware. Ces clients vont évaluer l’opportunité de passer à Veeam.

LeMagIT : Y a-t-il un profil type d’entreprises qui utilisent vos fonctions de portabilité pour changer d’hyperviseur ?

Patrick Rohrbasser : Non. Déjà, ces fonctions étant livrées de base dans VBR, les entreprises les utilisent sans nécessairement nous en informer. Mais, à notre connaissance, le besoin touche tous les secteurs et des entreprises de toutes tailles, des très grandes comme des PME.

Disons que la question de changer d’hyperviseur concerne essentiellement les entreprises qui ont beaucoup de machines virtuelles. Les PME qui n’ont que quelques machines virtuelles vont plutôt abandonner la virtualisation au profit d’autre chose, des applications web-natives ou en SaaS.

LeMagIT : Est-ce à dire que l’évolution de la Data Freedom, ce sera de restaurer des VM, non pas au format d’un autre hyperviseur, mais sous la forme de containers Kubernetes ?

« Restaurer une VM sur un container fonctionne très bien. Ce n’est pas une fonction que nous mettons encore beaucoup en avant, car c’est prématuré. »
Patrick RohrbasserV-P régional South EMEA, Veeam Software

Patrick Rohrbasser : Mais nous savons déjà le faire ! Et nous ne sommes pas les seuls : Red Hat propose aussi cette fonction de migration vers OpenShift. Restaurer une VM sur un container fonctionne très bien. Ce n’est pas une fonction que nous mettons encore beaucoup en avant, car c’est prématuré.

En tout cas, Kasten, notre logiciel de sauvegarde pour containers, fonctionne ensuite avec des containers qui portent une application de la même manière qu’avec des containers qui portent une VM, avec le même jeu de fonctionnalités dans tous les cas.

LeMagIT : Les intégrateurs qui revendaient historiquement vos logiciels de sauvegarde avec des licences VMware proposent-ils plus souvent aujourd’hui de conjuguer vos produits avec Red Hat OpenShift ?

Patrick Rohrbasser : Non. Nous voyons certes de plus en plus Red Hat sur le marché, parce que les containers sont une vague colossale. Red Hat ou d’autres fournisseurs de plateformes de containerisation, d’ailleurs. Mais il faut attendre. À partir du moment où il y aura un marché pour restaurer des VMs en containers, il y aura des offres qui s’industrialiseront.

Pour être franc, une grosse partie de nos ventes se fait toujours avec du VMware.

LeMagIT : dans votre prochaine version 13 de VBR, vous proposerez enfin d’exécuter le serveur Veeam sur une machine Linux. Cela a-t-il un rapport avec la stratégie Data Freedom ?

Patrick Rohrbasser : Il s’agit d’une demande du marché. Notre métier est de répondre aux demandes du marché. La philosophie de Data Freedom est que nous ne pouvons pas dire non à une telle demande de liberté technologique.

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