
Irina Sokolovskaya - stock.adobe
Adobe vend Firefly au marketing des distributeurs
Lors de la NRF 2025, l’éditeur Adobe a fait la promotion de son IA générative Firefly pour accélérer la création et la déclinaison de contenus. Des nouveautés qui séduiront surtout les grands groupes, soulignent les analystes. Adobe se lance également dans les clones vidéo, des outils – proches des Deepfake – déjà explorés par le e-commerce en Chine.
Adobe a présenté Firefly Bulk Create lors de la NRF 2025, la grand-messe mondiale la plus importante du secteur de la distribution. Bulk Create permet d’automatiser des tâches répétitives, sur plusieurs images en même temps, dans le cycle de production de contenu. L’outil s’appuie sur l’IA générative de l’éditeur (baptisée Firefly).
L’outil peut redimensionner ou modifier des ressources pour des campagnes marketing, par exemple en changeant des arrière-plans avec des images générées par Firefly. Il fait pour cela appel à des services maison d’Adobe comme Generative Fill (qui complète une partie d’une image en générant un élément – comme mettre une grenouille bleue sur une photo de feuille verte – ou qui génère des variations d’un élément) et comme Generative Expand (qui « imagine » ce qu’il y a à l’extérieur du cadre pour agrandir l’image – alias le « uncrop »).
Firefly Bulk Create séduira les équipes créatives et les agences qui ont déjà investi dans les modèles d’Adobe, estime Liz Miller, analyste chez Constellation Research. Nombreuses sont celles qui recherchent des outils pour accélérer leurs processus créatifs, constate-t-elle. « [Cela] permet de faire sortir une idée, de l’explorer et de l’itérer plus rapidement [jusqu’à] son exploitation à grande échelle », explique l’analyste.
« Ce qui ressort ici, c’est le côté pratique de cette approche de l’IA », poursuit Liz Miller. Pour elle, Adobe a bien pris en compte les défis des différents rôles au sein des distributeurs (créatifs, marketing, communication/pub, etc.) notamment en facilitant la production de différentes tailles d’une image, par exemple lors d’un lancement de produit (newsletter, carrousel, catalogue, etc.).
« Bulk Create répond à la réalité d’un workflow qui va des créatifs aux annonceurs, mais qui va aussi bien au-delà dans l’entreprise », résume-t-elle.
Un outil pour les grandes enseignes
L’outil séduira certainement les grands distributeurs, mais peut-être moins les enseignes de taille plus modeste. C’est ce qu’avance Keith Kirkpatrick, analyste du groupe Futurum.
« La question est de savoir si cela représente une valeur suffisante pour les petits distributeurs qui n’ont peut-être jamais envisagé de faire ce genre de chose », questionne Keith Kirkpatrick.
Les groupes de taille moyenne (ou plus petite) préféreront faire appel à une alternative moins puissante, mais moins coûteuse, comme Canva, pour créer leurs contenus marketing, anticipe l’analyste.
L’atout Stock
Adobe a cependant un atout majeur dans sa manche : celui de respecter les droits d’auteurs. L’éditeur assure en effet contractuellement à ses clients que les images générées par Firefly ont été faites à partir de sources identifiées, avec l’accord et une rémunération de l’auteur.
Dans ce contexte, le rachat de la base d’images Fotolia en 2014 pour 800 millions de dollars prend toute sa valeur, soulignait début janvier au MagIT Lionel Lemoine, senior director, Solution Consulting pour l’Europe de l’Ouest et du Sud chez Adobe.
« En fin de compte, cela dépend vraiment du niveau de risque qu’une organisation est prête à prendre, et peut-être que pour les petites entreprises, cela ne les préoccupe pas autant », resitue Keith Kirkpatrick.
La délicate question de la transparence
L’analyste du Gartner, Andrew Frank souligne un autre point délicat – qui dépasse le seul Adobe – sur l’usage de l’IA dans le marketing et dans la grande distribution : la transparence vis-à-vis du client final.
« Une des questions qui revient est celle de savoir si l’on veut dire aux consommateurs comment l’IA a été utilisée dans la création du contenu », rappelle Andrew Frank.
« Plus l’IA est utilisée de manière subtile pour combiner des éléments, et pas simplement pour générer entièrement une image, plus il devient compliqué d’expliquer quel a été le rôle de l’IA dans le processus de création du contenu », poursuit-il.
Avatar, doublage et traduction
Adobe a également présenté plusieurs nouveaux services.
L’API Avatar permet, comme son nom l’indique, de faire des « avatars », en particulier pour le service client. Deux autres API Dubbing et Lip Sync) permettent de faire de la traduction de vidéo et du doublage, c’est-à-dire de faire dire le nouveau texte avec la voix originale de la personne qui parle et de resynchroniser ses lèvres.
Ces deux fonctionnalités restent cependant en avance de phase pour une mise en production dans le CX et le retail, comme le montre la partie de cette vidéo de présentation où l’interlocuteur parle en français (à 41 secondes).
Elles vont cependant dans le sens de l’histoire. Des services comme ElevenLabs (synthèse vocale) et Hygen (synthèse vidéo) permettent, quand on les cumule – comme l’a fait le spécialiste de l’IA, de l’automatisation et du no code Shubham Sharma – d’aboutir à un résultat similaire.
Preuves que les outils pour « cloner » un contenu vidéo original se multiplient. Même s’ils sont sulfureux, car très proches des deepfakes, certains acteurs du e-commerce et du v-commerce en Chine ont déjà commencé à montrer leur intérêt.
Avec Esther Shittu