Selon les analystes, les entreprises vont passer les prochains mois à faire l’inventaire de leurs besoins en virtualisation pour déterminer si une alternative à VMware pourrait mieux leur correspondre. La frénésie semble surtout de mise chez les fournisseurs.
Cette année, de nombreux fournisseurs de solutions de virtualisation vont redoubler de rivalité pour récupérer une clientèle d’entreprises lésées par la prise de pouvoir de Broadcom sur VMware. Les analystes s’accordent à dire que les éditeurs de solutions alternatives, tout comme les intégrateurs de projets Open source similaires, considèrent qu’il y a en 2025, une année révolue après l’annonce des nouveaux tarifs, une occasion unique de s’implanter dans les datacenters de nombreuses entreprises.
« Les concurrents de VMware n’ont jamais eu autant d’opportunités avec les clients, et les clients n’ont jamais ressenti une telle sollicitation de la part d’un si grand nombre de fournisseurs », constate Roy Illsley, analyste chez Omdia.
« Tous les fournisseurs, y compris VMware, vont s’efforcer d’aider les acheteurs à comprendre ce dont ils auront besoin, pour les faire rester ou partir vers d’autres technologies. »
Roy IllseyAnalyste, Omdia
Selon lui, après la stupeur qui les aurait tétanisées en 2024, les entreprises seraient enfin décidées à évaluer leurs besoins en virtualisation pour déterminer si des offres alternatives, moins chères, ne leur correspondraient pas mieux. « Tous les fournisseurs, y compris VMware, vont s’efforcer d’aider les acheteurs à comprendre ce dont ils auront besoin, pour les faire rester ou partir vers d’autres technologies. Ce sera une année cruciale », lance-t-il.
Parmi ces fournisseurs, Bruce Kornfeld, directeur des produits chez StorMagic, veut y croire. Il estime que, même si des entreprises vont réclamer à VMware des prolongations de leurs contrats de support, leurs administrateurs IT se mettront significativement en quête d’alternatives tout au long de l’année 2025.
« Cela fait un peu plus d’un an que Broadcom a lancé sa grenade sur le marché », explique Bruce Kornfeld. « Les gros clients que nous rencontrons ne peuvent pas se débarrasser rapidement de VMware. Mais je prédis que 2025 sera l’année où beaucoup d’entre eux enclencheront le projet de migration ! »
Une frénésie des offres alternatives
StorMagic fait partie de ces fournisseurs qui ont lancé une offre de virtualisation l’année dernière, une fois que les écueils du rachat de VMware par Broadcom étaient connus et que proposer une solution alternative devenait une opportunité à saisir. On trouve également dans cette catégorie le géant HPE et des acteurs plus modestes comme VergeIO.
« Il y a désormais une frénésie de marques alternatives à VMware sur le marché, ce qui devrait attirer l’attention des entreprises. Les projets Open source tels que OpenStack, Proxmox ou OpenNebula sont également en train de devenir des options d’entreprise tout à fait viables », observe Marc Staimer, analyste chez Dragon Slayer Consulting.
« Les entreprises de taille plus importante voudront en revanche des contrôles plus granulaires et des connexions plus nombreuses avec l’écosystème des applications. »
Naveen ChhabraAnalyste, Forester
Pour Naveen Chhabra, analyste chez Forrester, les projets Open source exacerbent les sujets qui occupent les déçus de VMware : ils constituent une alternative économiquement plus rentable aux hyperviseurs commerciaux, mais encore faut-il que les administrateurs IT s’accaparent leurs technologies.
« Les PME et les petites entreprises peuvent probablement se contenter d’offres Open source qu’elles compléteront avec des services de support tiers. Les entreprises de taille plus importante voudront en revanche des contrôles plus granulaires et des connexions plus nombreuses avec l’écosystème des applications. Il est hors de question qu’elles se retrouvent à devoir les développer elles-mêmes et cela va engendrer des discussions avec les fournisseurs », dit-il. Il précise que la remarque vaut autant pour Proxmox, qui se dit taillé pour des clusters de virtualisation d’appoint, que pour OpenStack, qui s’aligne davantage sur les ambitions d’infrastructure de cloud privé promues par VMware et Nutanix.
Naveen Chhabra estime que les fournisseurs sont mobilisés pour répondre à tous les questionnements des entreprises. D’abord pour occuper le terrain. « Nutanix, par exemple, domine sans doute la plupart des discussions actuelles sur la concurrence de VMware, mais il le doit beaucoup à son marketing très efficace. En 2025, d’autres fournisseurs vont tenter de s’accaparer une part significative du marché de la virtualisation, sans doute avec une énergie similaire », estime l’analyste.
Il en va ainsi de HPE, qui a lancé VM Essentials en décembre, offrant une alternative à l’hyperviseur de VMware sur la base d’un noyau Linux intégrable à la plateforme HPE GreenLake, ou utilisable sous la forme d’une plateforme de virtualisation autonome. Cette solution est basée sur la technologie de Morpheus Data, rachetée par HPE en août dernier.
Même si VMware reste un partenaire de premier ordre pour HPE, avec des offres combinées qui comprennent le système du premier et les serveurs du second, le constructeur met en avant un catalogue de services avantageux, censé concrétiser une transition vers le cloud ou de nouvelles façons d’exécuter les applications. « Les entreprises ont vu le catalogue de services de HPE comme un avantage par rapport aux offres autonomes ou Open source », vante Bryan Thompson, le directeur des produits cloud dans la division HPE GreenLake.
L’avenir est toutefois incertain
Naveen Chhabra est plus dubitatif quant à la capacité des fournisseurs à se mobiliser sur le développement de solutions qu’ils prétendent pouvoir vendre. « HPE répond peut-être aux demandes du marché, mais le fournisseur est resté discret dans sa commercialisation du service, probablement pour maintenir une relation amicale avec Broadcom. Cette approche fait courir le risque que HPE soit négligé en tant qu’alternative à VMware, au bénéfice de maintenir un partenariat matériel avec Broadcom si VMware reste la plateforme de choix des entreprises. » Comme si prétendre remplacer VMware était plus un ticket d’entrée dans les discussions commerciales qu’une véritable stratégie technologique.
Côté entreprises, opter pour un nouveau fournisseur signifie aussi devoir aligner les objectifs internes sur les produits et les services de ce fournisseur, estime Naveen Chhabra. Proxmox veut une orientation Open source, VergeIO fait le choix de l’hyperconvergence, Nutanix propose le remplacement complet de la pile de virtualisation. Tant d’options, tant de stratégies radicalement différentes à appliquer.
Or, résoudre ces questions est sans fin. « Décider d’un changement de technologie de virtualisation et de son adoption restent des processus longs. Ce sont des discussions qui prendront du temps, probablement encore des années », abonde Marc Staimer.
« Les plus gros clients de VMware le sont toujours, pour la stabilité, pour le support technique et pour les liens techniques étroits entre la plateforme de VMware et leurs applications. »
Roy IllseyAnalyste, Omdia
« En l’état, la plupart des clients historiques de VMware restent avec VMware by Broadcom, malgré les protestations relayées par les médias », constate Roy Illsley, analyste chez Omdia. « Bien qu’une poignée de fournisseurs de solutions de virtualisation et d’hyperscalers puissent se vanter d’avoir converti des entreprises, les plus gros clients de VMware le sont toujours, pour la stabilité, pour le support technique et pour les liens techniques étroits entre la plateforme de VMware et leurs applications », estime-t-il.
Roy Illsley est d’accord pour dire que cette situation va durer encore un moment avant la bascule générale des entreprises vers une alternative. Sauf que, pour lui, il ne s’agira pas d’une alternative à VMware, mais d’une alternative à la virtualisation.
« La virtualisation va s’éteindre très lentement au cours des cinq à dix prochaines années », prédit-il. « D’une part, parce que les clients de VMware ne sont pas éternels. D’autre part, parce qu’il y a un essor du cloud et des technologies en containers, comme Kubernetes, qui constituent des plateformes plus populaires pour les nouvelles entreprises et applications », conclut-il.