« L’IA générative va bouleverser les comportements d’achat » (Romain Fouache, Akeneo)

L’IA générative serait en train de remplacer les moteurs de recherche. Selon Akeneo, c’est un véritable changement de paradigme auquel l’e-commerce va devoir faire face dans les deux-trois prochaines années, en améliorant grandement la qualité des données présentes dans les fiches produit.

La conférence utilisateur de l’éditeur Akeneo fut l’occasion de constater l’impact de l’IA générative dans le domaine du PIM. La plateforme Akeneo Product Cloud est en effet truffée de fonctions IA. Force est de constater que celles-ci ouvrent de nouveaux horizons aux clients de l’éditeur. Ainsi, la traduction automatique a permis à la Maison Karl Lagerfeld de proposer son catalogue dans de nouveaux pays. Cela lui a permis d’accroître de 16 % le taux d’ajout de produits dans le panier d’achats. Des distributeurs comme Intersport ou Courir améliorent la qualité des données de leurs catalogues, notamment pour les proposer aux places de marché.

L’IA générative permet de générer des descriptifs de meilleure qualité que ceux fournis par les fabricants. De produire un texte correspondant au ton et au positionnement de l’enseigne. Enfin, d’autres modèles Vision Transformer peuvent détourer automatiquement les images, mais aussi vérifier que la robe présentée sur l’image est bien la robe rouge du descriptif et non pas une robe bleue.

« Chez Salesforce, tous les briefs client, toutes les données stockées dans Salesforce ainsi que les échanges menés sur Slack à propos d’un client sont accessibles à notre IA générative », explique Jean-David Benassouli, senior vice-président en charge des ventes chez Salesforce, à propos des usages internes du géant du CRM. « Le commercial qui démarre son année sur Salesforce cloud dispose d’un synopsis sur l’année en cours et d’un agent conversationnel pour poser des questions additionnelles sur chaque client », poursuit-il.

Au lieu de consulter de multiples documents et remonter tout l’historique des relations avec tel ou tel client, le commercial va travailler sur un mode conversationnel avec l’IA et obtenir des informations issues des bases de données et de données non structurées. « C’est une nouvelle façon de travailler qui est extrêmement puissante », ajoute le responsable.

Un changement des usages pour les professionnels comme pour les clients

Familles de produits, attributs, mots clés pour le SEO, descriptifs et images, l’IA générative est déjà massivement mise en œuvre dans la plateforme Akeneo Product Cloud. Toutefois, son impact ira bien au-delà de ces seuls outils de productivité, estime Romain Fouache, ancien dirigeant de Dataiku et nouveau CEO d’Akeneo.

Romain FouacheRomain Fouache, CEO, Akeneo

« Il va y avoir de vrais changements des usages chez les marques et les distributeurs », anticipe-t-il. Ceux-ci utilisent l’IA pour assurer le support aux clients, assurer la traduction des données produit et accéder à de nouveaux marchés, avance le dirigeant. « L’IA générative permet par exemple de traduire des fiches produit d’un clic, en respectant le ton et les modes de communication de la marque. »

Pour le CEO, le changement le plus radical que l’on peut attendre de l’IA générative portera sur le comportement des clients. « ChatGPT paraît être un chatbot classique, mais cela change complètement la façon dont on interagit avec un système informatique et des données », insiste-t-il. « Dans un parcours d’achat, lorsque l’internaute va sur un site d’e-commerce, il traduit en mots clés la solution qu’il recherche. Avec un agent conversationnel, il ne part plus de la solution dont il a besoin, mais du problème qu’il veut résoudre. Il décrit le problème à l’agent et se fait proposer une solution complète avec l’intégralité des produits qui lui seront nécessaires. »

Le mode d’interaction avec le marchand est radicalement différent. Le CEO s’appuie notamment sur une étude Capgemini de janvier 2025, estimant que 71 % des consommateurs souhaitent disposer d’une IA générative dans leur expérience d’achat. « C’est un vrai raz de marée qui transforme la manière dont on interagit avec les produits que l’on va acheter », commente Romain Fouache.

« Pour les spécialistes de l’e-commerce, c’est radical, car les mots clés et le SEO sur Google sont les piliers du marketing aujourd’hui et ces piliers sont amenés à disparaître rapidement », prédit-il. De fait, les pratiques évoluent. Le géant du Web a toujours le projet d’abandonner les cookies. Et certains donnent déjà des conseils pour faire référencer leurs contenus par ChatGPT, Gemini ou Perplexity. « Le responsable e-commerce d’une grande marque de luxe m’expliquait, il y a quelques jours, qu’ils envisagent désormais le scénario selon lequel leur site Web n’existerait plus d’ici à deux ans », poursuit le CEO d’Akeneo. « Tout l’e-commerce passera par des agents conversationnels et le stack e-commerce actuel sera bouleversé par ce changement de comportement des consommateurs. C’est une évolution potentiellement vertigineuse pour notre industrie. »

« Pour l’instant, les agents représentent moins de 5 % de notre trafic, mais nous nous attendons à ce que ce trafic augmente de manière exponentielle à l’avenir ».
Anthony DettoriGroup Head of Data Products, Martin Belaysoud Group

Cette révolution ne devrait pas se limiter au B2C. Ainsi, Anthony Dettori – group head of data products chez Martin Belaysoud Group (un distributeur B2B spécialisé dans le secteur du BTP et de l’industrie) – en est convaincu. « Pour l’instant, notre approche est très Web 2.0 : le client clique sur les produits et nous lui proposons des produits additionnels pour faire des ventes croisées », explique-t-il. « Nous allons devoir franchir ce cap pour défendre nos positions face au changement de comportement des acheteurs. Pour l’instant, les agents représentent moins de 5 % de notre trafic, mais nous nous attendons à ce que ce trafic augmente de manière exponentielle à l’avenir », prévoit-il. « L’enjeu sera de tracer ce trafic généré par des agents. Le multicanal de demain, ce sera le Web, mais aussi les bots de nos clients ».

Travailler la qualité des données pour se préparer au tsunami GenAI

L’essor des agents rendrait les infrastructures d’e-commerce obsolètes, et s’y préparer va impliquer un gros travail sur la qualité des données, la matière première des IA. « Si la qualité des données n’est pas bonne, l’IA ne sera pas bonne », résume Anthony Dettori. « C’est la raison pour laquelle nous nous concentrons aujourd’hui sur l’amélioration de la qualité de nos données avec l’IA. Nous avons lancé les premiers cas d’usage de l’IA sur notre projet Data Product, les données de notre intranet et demain sur les ventes croisées, les stocks, etc. ».

« Un des freins à l’essor des IA est lié à la qualité des données », confirme Jean-David Benassouli de Salesforce. « Si l’on considère les données de front-office, entre 70 et 80 % des données client sont disponibles sur Salesforce.com, mais les IA génératives vont très souvent avoir besoin de données qui ne sont pas dans Salesforce. Or, créer des data lakes et leurs interfaces coûte des millions d’euros ».

« Pour les distributeurs, il ne s’agit pas d’inventer de nouveaux LLM, mais de préparer ses données pour que celles-ci représentent bien les produits ».
Romain FouacheCEO, Akeneo

L’éditeur pousse désormais son approche Zero Copy Network, un lot de connecteurs natifs et bidirectionnels sur son lac Data Cloud vers Snowflake, Databricks, AWS et Azure prochainement. « L’approche permet de ne plus avoir d’interfaces pour extraire les données, de garantir la fraîcheur des données avec des accès temps réels, et, enfin, une donnée alignée entre toutes les sources », promet le porte-parole de Salesforce.

Romain Fouache surenchérit. « Pour les distributeurs, il ne s’agit pas d’inventer de nouveaux LLM, mais de préparer ses données pour que celles-ci représentent bien les produits », prévient-il. « C’est la donnée elle-même qui va devenir l’actif différenciant principal des entreprises. La donnée produit n’est pas seulement un descriptif, mais va devoir capturer l’ensemble des facettes d’intention possibles pour alimenter ces IA et faire en sorte que les clients puissent retrouver les informations pertinentes pour eux via ces agents. »  Pour l’éditeur, il est plus que jamais urgent de s’atteler au chantier de la qualité de la donnée, sachant que cette transformation des usages est attendue dans les 12 à 18 mois à venir.

En haut d’article : photo de Benoît Jacquemont, CTO chez Akeneo.
Crédit images : Alain Clapaud.

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