Comment Huawei va tenter d’imposer son cloud en Europe

Huawei Cloud se veut un cloud public avec des services plus originaux que ceux des hyperscalers américains concernant l’IA. Mais le fournisseur chinois semble surtout chercher à le vendre sous la forme d’instances privées, sur site, aux entreprises.

Le fournisseur chinois Huawei a manifestement la ferme intention d’exister en Europe en tant que fournisseur de cloud. La stratégie peut de prime abord paraître jonchée d’obstacles, tant les géants américains du secteur – AWS, Azure, GCP et, dans une moindre mesure, OCI – semblent avoir déjà conquis tout ce qui pouvait l’être, dans une Union européenne qui veut désormais en finir avec ces clouds étrangers qui mettent à mal sa souveraineté.

« Il ne s’agit pas de proposer aux Européens un énième hyperscaler étranger similaire à ce qui existe déjà. D’une part, notre cloud, en Europe, est spécifique à l’Europe, avec des contrats et des services conçus pour la législation européenne. D’autre part, il s’agit de proposer des services originaux, qui n’existent dans aucun autre cloud, en particulier en ce qui concerne l’IA », argumente un commercial du fournisseur, rencontré lors du récent salon MWC 2025, et qui ne souhaite pas que son nom soit cité tant qu’il n’a pas obtenu son titre de porte-parole officiel pour Huawei.

Sur son stand, il fait la démonstration de services d’IA packagés qui semblent, en effet, inédits. En vedette, de nombreux avatars – des « humains synthétiques » – interagissent avec les utilisateurs de manière bien plus efficace que les habituels chatbots en mode texte.

Selon notre interlocuteur, ces avatars feraient un véritable carton en Asie. Toutes les entreprises commerciales auraient adopté ces robots au visage abondamment expressif en remplacement de leurs habituelles hotlines, voire sous la forme de kiosques dans les points de vente. Ils parlent et comprennent parfaitement la langue de l’utilisateur, et ils se connectent en temps réel à une multitude d’autres IA pour résoudre les problématiques qu’on leur présente.

Plus loin, un service en ligne sert à piloter des véhicules autonomes sur un chantier. On programme leurs tâches comme on le ferait dans un jeu vidéo et la console rend compte de leurs parcours en temps réel. « Nous avons développé ainsi plus de 120 services spécifiques pour une cinquantaine de secteurs d’activité », assure le commercial de Huawei.

Deux objectifs : les opérateurs et les clouds privés

Selon lui, il y aurait surtout deux raisons fondamentales qui pourraient appuyer le succès de ce nouveau Huawei Cloud européen.

La première est que tous les opérateurs télécoms qui utilisent des équipements Huawei sont de fait déjà des clients de l’offre. C’est en effet sur ce Huawei Cloud que fonctionnent tous les cœurs de réseau et les services de haut niveau qui vont de pair avec les antennes, les RAN et autres points de raccordement. Huawei imagine que les opérateurs vont vouloir bâtir sur ces ressources de base des services de plus haut niveau, son cloud leur fournissant la boîte à outils complète pour y parvenir.

On se souvient que Flexible Engine, le cloud IaaS public d’Orange, était par exemple entièrement basé sur une infrastructure Huawei, tant du point des baies matérielles que des services logiciels qui découlaient d’une implémentation d’OpenStack par Huawei. Notre interlocuteur ignore si Orange entend lancer une nouvelle version de Flexible Engine basée sur ce nouveau Huawei Cloud.

« Les trois scénarios d’utilisation que nous mettons en avant sont l’utilisation d’un Huawei Cloud 100 % privé et étanche, un mode hybride où l’instance privée peut interagir avec des ressources supplémentaires en ligne, ainsi qu’un mode Edge. »
Un commercial sur le stand de Huawei

La seconde raison est qu’il s’agit moins d’héberger des applications et des données en mode cloud public que de vendre aux entreprises des instances privées de Huawei Cloud, qu’elles peuvent déployer dans la confidentialité de leurs murs. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait Orange avec Flexible Engine. Baptisée Huawei Cloud Stack, la solution prend la forme d’une armoire rack avec des serveurs, du stockage et du réseau, tous de marque Huawei et qui exécutent localement les services de Huawei Cloud.

« Nous sommes bien plus orientés cloud privé et cloud hybride que les hyperscalers américains. Les trois scénarios d’utilisation que nous mettons en avant sont l’utilisation d’un Huawei Cloud 100 % privé et étanche, un mode hybride où l’instance privée peut interagir avec des ressources supplémentaires en ligne, ainsi qu’un mode Edge. »

« Dans ce dernier scénario, la baie Huawei Cloud Stack sera typiquement déployée dans un entrepôt ou une usine pour un fonctionnement autonome. Et, de temps en temps, elle se connectera à notre cloud public (pour nourrir la console de supervision) auquel notre client aura souscrit », détaille le commercial de Huawei.

Du IaaS et du PaaS

Au-delà des services prêts à l’emploi, Huawei Cloud reste une solution d’IaaS, avec ses machines virtuelles, ses services de stockage et ses liens réseau que l’utilisateur peut configurer à l’envi. Si l’architecture emprunte beaucoup à OpenStack, avec lequel Huawei Cloud reste compatible – notamment en ce qui concerne les règles d’administration –, notre interlocuteur assure que le système a profondément été repensé.

« Nous avons notamment entièrement revu l’hyperviseur pour l’adapter aux charges de travail de l’IA qui nécessitent plus de communication sur le réseau qu’auparavant. Également, nous revendiquons être précurseurs sur certaines technologies Kubernetes qui sont essentielles pour exécuter les applications modernes en containers avec un maximum de performances. Cependant, toutes les technologies sous-jacentes de Huawei Cloud sont entièrement Open source », dit-il.

« C’est du cloud. C’est-à-dire que l’administrateur peut la plupart du temps se contenter de cliquer sur une icône pour déployer des ressources préconfigurées selon des cas d’usage. »
Un commercial sur le stand de Huawei

Sans qu’il soit possible de vérifier les performances vantées par notre interlocuteur, celui-ci indique néanmoins que l’avantage palpable du Kubernetes et de l’hyperviseur de Huawei Cloud serait qu’ils soulagent l’administrateur système des tâches de bas niveau auxquelles il doit habituellement consacrer beaucoup de temps : « c’est du cloud. C’est-à-dire que l’administrateur peut la plupart du temps se contenter de cliquer sur une icône pour déployer des ressources préconfigurées selon des cas d’usage. »

Il cite de nouveau l’IA pour illustrer les cas d’usage. Le catalogue de Huawei Cloud contiendrait ainsi la panoplie complète des VM des containers pour entraîner ou personnaliser des IA, pour vectoriser des données avant de les injecter dans une IA, pour gérer les métadonnées qui permettent d’assurer une certaine gouvernance des contenus, etc. Et, puis, il y a bien entendu une pile Meta Studio, censée mimer toutes les fonctions de la pile AI Entreprise de Nvidia.

Car Huawei Cloud se veut aussi une offre de PaaS complète. On retrouve toutes les bases de données possibles, mais dans des versions « fork » où Huawei a adapté le code Open source pour atteindre ses objectifs de performances. PostgreSQL s’appelle ici GhostDB, MySQL porte le nom de TaurusDB, Redis ou MongoDB sont ici GeminiDB. « Ce sont nos propres implémentations, mais tous ces services sont à 100 % compatibles avec les API de PosgreSQL, MySQL, MongoDB, etc. Car ce sont en définitive les API qui importent aux développeurs », commente le commercial de Huawei.

Chaque offre s’accompagne de configurations clés en main, avec le bon nombre de vCPU, les bonnes ressources de stockage et les bons liens réseau pour faire office de pipelines. Des scripts prêts à l’emploi sont aussi fournis pour déployer au bon moment, pour tester, pour protéger, etc.

Huawei visé par une enquête à Bruxelles

Plusieurs arrestations et perquisitions ont été menées, la semaine dernière, en Belgique, dans le cadre d’une enquête pour soupçons de corruption au sein du parlement européen au profit de Huawei. Le placement sous scellé des bureaux de deux assistants parlementaires a été requis. Les pratiques visées auraient commencé en 2021. Les lobbyistes de l’équipementier ont été interdits d’accès au parlement.

Un porte-parole de Huawei a indiqué à nos confrères du Guardian que l’équipementier « applique une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption ou d’autres actes répréhensibles et s’engage à respecter à tout moment l’ensemble des lois et des réglementations applicables ».

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