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Process Mining : Celonis poursuit SAP pour entrave à l’accès aux données ERP

Celonis intente un procès à SAP au sujet de l’accès de tiers aux données pour ses applications d’exploration des processus.

Celonis, pionnier du Process Mining, poursuit SAP pour pratiques commerciales déloyales.

Dans une plainte de 61 pages déposée le 13 mars auprès du tribunal du district nord de la Californie aux États-Unis, Celonis affirme que SAP a adopté un comportement anticoncurrentiel en excluant les éditeurs tiers de l’accès aux données de ses systèmes ERP.

L’accès aux données SAP est essentiel pour Celonis. Ses applications d’exploration des processus analysent l’environnement informatique et les processus d’entreprise d’une organisation. Les clients peuvent utiliser ces informations pour comprendre où les processus présentent des lacunes, s’interrompent ou sont inefficaces, ce qui leur permet de les corriger ou de les améliorer.

SAP et Celonis sont des partenaires technologiques et commerciaux de longue date. Celonis a été fondée en 2011 par Alexander Rinke, Bastian Nominacher et Martin Klenk à l’Université technique de Munich. L’année suivante, Celonis a fait partie du programme SAP Startup Focus, qui investit dans des startups principalement axées sur la technologie SAP.

Les ERP SAP, notamment ERP Central Component (ECC) et S/4HANA, ont été parmi les premiers systèmes sur lesquels Celonis s’est concentrée. Depuis, l’entreprise a élargi ses applications de process mining pour inclure la plupart des principaux ERP et CRM, tels qu’Oracle, Microsoft et Salesforce.

Celonis affirme que SAP utilise le contrôle de son écosystème ERP pour exclure les autres éditeurs de solutions de process mining et les tiers qui ont besoin d’accéder aux données de cet écosystème. SAP ne le ferait pas en offrant un produit supérieur, mais en rendant « de facto impossible » pour les clients de travailler avec des applications process mining non-SAP, assure Celonis dans la plainte.

Selon la plainte : « SAP tire parti de son contrôle sur son écosystème ERP et de la migration forcée imminente des clients vers la solution ERP S/4HANA de SAP basée sur le cloud, pour empêcher les clients SAP de partager leurs propres données avec des fournisseurs tiers, y compris Celonis, sans avoir à payer des frais prohibitifs ».

Un partenariat historique qui ne tient plus

Celonis et SAP ont entretenu une relation mutuellement bénéfique, affirme Celonis. Cependant, SAP n’a pas tenu les promesses qu’elle avait faites lors de l’acquisition de Signavio. À savoir qu’elle ne favoriserait pas son propre produit en facturant des frais pour l’accès aux données par des tiers. Au contraire, SAP aurait tenté de contraindre ses clients à utiliser Signavio en les menaçant d’imposer des frais élevés pour l’extraction de données s’ils utilisaient un autre fournisseur. En proposant Signavio à un prix inférieur et en faisant des déclarations fausses et trompeuses sur les risques liés à l’utilisation d’applications non SAP, telles que Celonis.

Dans une déclaration à Informa TechTarget, SAP a indiqué qu’elle était au courant de l’action en justice intentée et qu’elle examinait actuellement les plaintes. La société ne commente pas les affaires juridiques en cours. Celonis a également déclaré qu’elle ne commentait pas les litiges en cours.

Les concurrents de Celonis dans le domaine de l’exploration des processus comprennent Signavio, une startup berlinoise fondée en 2009 et incubée par l’Institut Hasso Plattner. Cette université de recherche en informatique située à Potsdam, en Allemagne, a été fondée par le cofondateur de SAP, Hasso Plattner.

Les clients de Celonis ont fait de son logiciel d’exploration des processus une partie intégrante des projets SAP, comme les migrations des anciens systèmes ERP vers S/4HANA. Par exemple, Hager Group, un fournisseur allemand d’équipements et de services électriques, assure avoir réalisé des économies substantielles en utilisant Celonis pour sa migration de SAP ECC 6.0 vers S/4HANA.

Cependant, lorsque SAP a acquis Signavio en 2021, il a intégré les capacités de process mining de Signavio dans l’offre Rise with SAP pour la migration des systèmes SAP hérités vers S/4HANA Cloud.

L’escarmouche juridique autour des données n’est pas nouvelle, et les entreprises concernées serviraient mieux leurs clients si elles s’arrangeaient, selon les analystes.

Selon Holger Mueller, analyste principal et vice-président de Constellation Research, SAP et Oracle ont tous deux tenté par le passé d’empêcher des éditeurs tiers d’extraire des données de leurs systèmes. La migration d’un système vers un autre ou son optimisation est un point critique. Les régulateurs se penchent sur cette question concernant le cloud. C’est beaucoup moins vrai pour les autres solutions du marché.

Une guerre pour l’accès aux données qui risque de s’amplifier avec l’adoption de l’IA

Rien de nouveau à O.K. Corral, donc. Hormis le fait que les données sont devenues encore plus critiques à l’ère de l’IA, avance Holger Mueller. La manière dont le tiers pourra accéder aux données, sans surcoût d’accès ou de traitement, sera cruciale, selon l’analyste.

« L’éditeur de SaaS doit-il assumer le coût ou les clients doivent-ils le payer ? Le verdict dans cette affaire sera déterminant pour la guerre des données qui précède la guerre de l’intelligence artificielle. »
Holger MuellerAnalyste principal et vice-président, Constellation Research

« Si le coût est minime, les clients le paient dans le cadre de leur licence SaaS ; s’il est continu, c’est plus problématique », déclare Holger Mueller. « L’éditeur de SaaS doit-il assumer le coût ou les clients doivent-ils le payer ? Le verdict dans cette affaire sera déterminant pour la guerre des données qui précède la guerre de l’intelligence artificielle ».

Jon Reed, cofondateur et analyste chez Diginomica, estime que d’autres escarmouches liées à la « guerre des données » se produiront probablement, à l’intérieur comme à l’extérieur des tribunaux. L’importance des données d’entreprise pour l’IA exerce une pression sur les modèles commerciaux des éditeurs.

Toutefois, les clients veulent absolument un accès ouvert aux données, de sorte que les fournisseurs devront finalement plier et permettre à des tiers d’accéder aux données sous une forme ou une autre, anticipe-t-il. Il suffit d’observer l’effet combiné des réglementations financières et de l’adoption progressive des formats de données ouverts (Parquet, Delta et Apache Iceberg) sur les spécialistes du datawarehousing pour le comprendre.

En général, les éditeurs ne veulent pas être perçus comme ceux qui ajoutent de la friction à l’accès aux données. SAP devrait donc éviter cette perception, indépendamment de ce qu’il pense de la légitimité du procès, ajoute-t-il.

« Le procès est récent, il reste donc beaucoup à voir, mais SAP et Celonis doivent vraiment régler cette affaire et aller de l’avant pour soutenir les clients dans ces transformations », conclut Jon Reed.

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