Low-Code : Google ajoute AppSheet à son cloud

Google a racheté AppSheet, un éditeur de low code/no code qui permet de créer des applications métiers à partir de feuilles Excel et de données stockées dans des sources diverses (Salesforce, Office 365, etc.).

Google vient de mettre la main sur l'éditeur de développement low-code/no-code AppSheet. Le but est d'enrichir son offre cloud pour les professionnels et de bénéficier, au passage, de la dynamique de ce type d'outils permettant aux métiers de créer eux-mêmes leurs applications.

AppSheet ne se définit pourtant pas comme un outil low-code (qui repose, pour lui, sur du glisser déposer de briques applicatives pré-codées). Il se décrit (cf. vidéo ci-dessous) comme une plateforme cloud qui génère des applications en ingérant des données de sources diverses (Excel, SmartSheet, Google Sheets, Box, DropBox, etc.). D'où son nom.

Avec AppSheet, les utilisateurs métiers appliquent en effet des vues à des données (graphiques, tableaux, cartes, galeries et calendriers) qui, quand on leur ajoute des élément d'actions (nouvelle entrée, envoie mail, module signature, etc.) deviennent des UI. Puis ils créent des workflows avec les formulaires d'AppSheet, qui deviennent les règles motorisant l'application (par exemple, si stock = 0, alors passer la référence/SKU en rouge).

Les apps ainsi fabriquées tournent sur Android, iOS ou dans les navigateurs.

En Europe, Veolia Transport, le Belge Solvay (chimie) et le Britannique Rentokil Initial coté en bourse (services d'hygiène) sont officiellement clients d'AppSheet.

AppSheet, basé à Seattle, s'intègre déjà à G Suite et à d'autres sources de Google Cloud, mais aussi à Office 365, Salesforce, et à d'autres services. La société continuera à prendre en charge et à améliorer ces intégrations après l'acquisition de Google, promet Praveen Seshadri, PDG d'AppSheet.

« Le cœur de notre mission ne change pas », fait-il savoir. « Nous voulons "démocratiser" le développement d'applications en permettant au plus grand nombre possible de construire et de distribuer des applications sans écrire une seule ligne de code ».

Les conditions de l'accord n'ont pas été divulguées, mais le prix déboursé est probablement bien inférieur aux 2,6 milliards de dollars investis par Google dans l'éditeur de visualisation de données Looker en juin 2019.

L'effet Kurian

Sous la direction de Thomas Kurian, ancien dirigeant de longue date d'Oracle débauché par Google, Google Cloud promettait de conclure une série d'accords et de rachats pour consolider sa position sur le marché professionnel du cloud, où il se bat avec AWS et Microsoft.

Jusqu'à présent, Thomas Kurian n'a pas racheté d'applications métiers comme un ERP ou un CRM, deux marchés dominés de la tête et des épaules par SAP, Oracle et Salesforce. Le rachat d'AppSheet reflète plutôt la vision d'un Google Cloud qui veut devenir un champion du développement d'applications (IaaS, PaaS), avec une offre qui s'adresse cette fois aux codeurs « non traditionnels ».

Quant à la raison pour laquelle Google a choisi AppSheet pour renforcer sa stratégie low code/no code, une des explications pourrait être que le nombre de cibles diminue. Au cours des dernières années, plusieurs éditeurs importants ont été rachetés. Citons Mendix par Siemens en août 2018 pour 730 millions de dollars et plus récemment, l'éditeur suisse de logiciels bancaires Temenos qui a décidé de s'offrir Kony pour 559 millions de dollars.

Il faut dire qu'entrer sur le marché du low code/no code n'est pas non plus un pari à long terme. Une étude publiée en 2019 par Forrester Research, sur des données recueillies à la fin de l'année 2018, montre que 23 % des 3 000 développeurs interrogés par le cabinet d'analystes déclarent que leur entreprise utilise déjà des plateformes de ce type. Et 22 % indiquent qu'ils vont utiliser du low code/no code d'ici un an.

Peu de code, mais beaucoup de concurrence

Le rachat d'AppSheet met Google en concurrence directe avec son grand rival Microsoft et sa plateforme de développement d'applications PowerApps qui a « décollé comme une fusée », estime John Rymer, analyste chez Forrester.

L'acquisition d'AppSheet donne en revanche une longueur d'avance à Google face au leader du cloud AWS - dont la plateforme low -code/no-code (a priori en cours de développement sous les ordres du gourou de l'ingénierie logicielle Adam Bosworth) n'est toujours pas arrivée.

Avec AppSheet, Google se paie en tout cas un champion, ajoute John Rymer. « C'est un très bon produit et une très bonne équipe », conclut-il.

Un bon complément pour Apigee

Pour l'analyste, AppSheet devrait aider Google à tirer plus de valeur d'Apigee, au-delà de la simple gestion des API. « Google voulait une plateforme plus large, avec plus de fonctionnalités pour répondre à plus de clients et à plus de cas d'utilisation », avance John Rymer. Aujourd'hui, « les clients pourront utiliser Apigee pour créer et publier des API, et AppSheet sera la façon de les consommer », synthétise-til.

Mais, prévient-t-il, « Google ne s'arrêtera pas là. Ils ont besoin d'automatisation de processus et de workflow, donc je m'attends à ce qu'ils aillent aussi dans cette direction ».

Et un bon complément pour la G Suite

En attendant, l'acquisition possède un autre avantage clé pour Google. AppSheet s'intègre déjà avec sa suite de productivité bureautique (Docs, Sheets, etc.), rappelle Jeffrey Hammond, un autre analyste de Forrester.

« La G Suite m'a toujours semblé un peu seule et décalée lors des conférences développeurs de Google, mais elle était en même l'un de ses principaux "moteurs" », raconte-t-il. « A présent, AppSheet donne à Google le potentiel de créer une histoire plus cohérente autour de [G Suite], Google Cloud et Anthos ».

Au final, ce rachat est aussi une nouvelle preuve de la popularité montante du no code/low code dans les entreprises, avec un nombre croissant de « citizen développeurs » (des développeurs sans notions particulière de programmation).

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