Qlik pose sa vision d’une plateforme analytique de bout en bout

Le spécialiste de la BI s’installe durablement sur le marché de l’intégration de données. La suite selon son CEO Mike Capone ? Concocter une plateforme analytique de bout en bout, de l’ingestion des données jusqu’à l’automatisation de certaines décisions.

Trente ans d’existence cette année. Qlik a su se faire une place durable, sur le marché ô combien compétitif de l’analytique.

Depuis l’acquisition de Podium Data en 2018, puis d’Attunity en 2019, l’éditeur joue des coudes pour imposer sa plateforme d’intégration de données.

Il ne s’est pas arrêté là. Qlik a également mis la main sur Blendr.io, un outil SaaS d’intégration de données marketing. Mais il lui manquait une « pièce ». Cette pièce n’est autre que Talend : en janvier 2023, l’éditeur BI d’origine suédoise a annoncé son intention d’acquérir le spécialiste d’origine française de l’intégration et de la transformation de données.

Cela ne veut pas dire qu’il laisse sur le côté sa plateforme analytique. Depuis 2020, Qlik pousse le concept d’intelligence active, qui se matérialise par l’automatisation de certains processus.

Et c’est justement pour que ses clients puissent produire des résultats tangibles que l’éditeur entend réunir ses fonctionnalités d’intégration et d’analytique dans une plateforme « de bout en bout ». Mike Capone, CEO de Qlik, le sait : un long travail attend l’éditeur.

LeMagIT : Pouvez-vous résumer votre stratégie en trois points ?

Qlik CEO Mike CaponeMike Capone

Mike Capone : D’abord, nous voulons proposer une plateforme de bout en bout qui résout tous les aspects de l’analytique : l’intégration de données, leur traitement, la production d’indicateurs et la prise d’actions. Notre deuxième priorité concerne la migration accélérée des données vers le cloud. Et la troisième priorité n’est autre que l’intégration de cette « petite » entreprise française que nous sommes en train d’acquérir dont les technologies sont très complémentaires à ce que nous faisons.

LeMagIT : Vous n’êtes pas seulement en train d’acquérir Talend, vous avez lancé récemment Cloud Data Integration. Il y a cinq ans, au moment où vous avez pris la direction de Qlik, l’entreprise n’avait pas encore mis un pied dans le domaine de l’intégration de données.

Qu’est-ce qui a motivé la décision de Qlik d’aller au-delà de l’analytique ?

Mike Capone : Nous veillons à ce que nos clients comprennent que nous ne renonçons pas à notre engagement en faveur de l’analytique. Plus de la moitié de nos activités de recherche et de développement sont consacrées à l’analytique.

Mais chez Qlik, nous n’essayons pas de vendre de l’analytique ou de l’intégration de données. Nous voulons résoudre un problème commercial. Nos clients apprécient nos produits analytiques. Mais de plus en plus, leur problème est d’extraire des quantités massives de données provenant de leurs différentes sources, de les classer et de les cataloguer, puis de les intégrer dans une plateforme prête pour l’analyse. Nous avons acheté Attunity pour l’intégration des données et nous y ajoutons maintenant Talend pour la transformation et la préparation des données. Nous avons également beaucoup investi dans les outils de catalogue de données.

D’autre part, les entreprises ont désormais des indicateurs, mais n’arrivent pas à s’en servir pour accélérer la prise de décision. Nous avons donc beaucoup investi dans l’automatisation et l’action, c’est-à-dire la capacité de prendre ces informations et d’en faire automatiquement quelque chose. Ce qui nous passionne, c’est de résoudre ce problème qui aboutit à un résultat commercial.

LeMagIT : Comment se matérialise concrètement cet accent sur l’automatisation ?

Mike Capone : Nous avons un produit appelé Qlik Application Automation. Il fait deux choses. D’une part, il automatise certaines fonctions d’analyse, comme le rechargement des données et d’autres choses du même genre. Mais surtout, cela vous permet de prendre des actions. Par exemple, il peut envoyer une alerte pour indiquer que les stocks dans un inventaire sont bas. Il suffit alors d’automatiser la prise de commande à partir d’un bouton. Nous pouvons envoyer des notifications par SMS. Nous avons aussi la capacité de nous connecter à des plateformes RPA. C’est fondamental dans notre approche.

LeMagIT : Où en sont vos clients dans l’adoption de ces fonctions d’automatisation ?

Mike Capone : Au tout début. Nous avons quelques cas très sophistiqués. D’autres clients commencent tout juste à expérimenter, mais ils veulent tous y aller. C’est juste une question de temps.

LeMagIT : En ce qui concerne Talend, qu’est-ce qui en a fait une cible d’acquisition ?

Mike Capone : Nous avions un œil sur eux depuis un certain temps, pour deux raisons.

D’une part, la technologie était complémentaire. Nous pensions que leur transformation des données – qualité et préparation des données – était la meilleure de sa catégorie. Nos clients nous disent la même chose, et nos clients se recoupent largement. Nous aimions leur technologie. Sur le plan culturel – il s’agit d’une entreprise fondée en France qui a transféré son siège aux États-Unis et nous sommes une entreprise fondée en Suède qui a transféré son siège aux États-Unis –, il y a une très bonne adéquation qui nous aidera à accélérer le délai de rentabilité en ce qui concerne le rapprochement des entreprises.

Cela va apporter les capacités de transformation de données qui nous manquaient. Et je ne suis pas le seul à être enthousiaste à ce sujet : les clients semblent partager mon point de vue.

Le chantier Talend

LeMagiT : Quelle est la feuille de route concernant l’intégration de Talend ?

Mike Capone : Nous avons un plan, soumis à l’approbation des autorités de régulation, pour conclure la transaction et combiner les outils dont nous héritons avec Talend ainsi que la plateforme Qlik existante. Toutefois, nous continuerons à prendre en charge les produits standalone de Talend ainsi que l’ancienne technologie Attunity, sur laquelle Qlik s’est appuyé. Nous allons être complètement ouverts. Nous ne voulons pas forcer nos clients à choisir une solution ou une autre. Beaucoup de grandes entreprises ont des outils différents. C’est comme ça.

« Nous ne voulons pas forcer nos clients à choisir une solution ou une autre. Beaucoup de grandes entreprises ont des outils différents. C’est comme ça ».
Mike CaponeCEO, Qlik

Cela dit, nous pensons que d’ici à la fin de l’année, nous aurons une proposition de valeur intéressante, sous la forme d’une plateforme entièrement intégrée, d’intégration, de change data capture, de transformation et d’analytique, qui pourrait leur faciliter grandement la vie.

LeMagIT : Voyez-vous beaucoup de clients prêts à adopter une plateforme de bout en bout comme celle-ci ?

Mike Capone : Près de la moitié de nos clients ont exprimé un intérêt pour une approche de bout en bout. Si nous pouvons prouver que l’intégration des technologies de Talend fonctionne bien et leur permet d’obtenir de meilleurs résultats, nous pourrons atteindre cet objectif. C’est pourquoi nous voulons constituer une seule force de vente consolidée entre les unités de Qlik et de Talend.

LeMagIT : Cette plateforme de bout en bout pourrait-elle servir à produire des solutions verticales ?

Mike Capone : Nous avons quelques solutions verticales, mais nous sommes fiers de servir toutes les fonctions. Je pense que pour une acquisition future, nous intéressons probablement aux cas d’usage verticaux, en particulier dans le domaine du machine learning et de l’IA. Dans certains secteurs, comme dans le manufacturing ou l’industrie pharmaceutique, cela nécessite d’apporter des solutions spécialisées. Je pense que ce serait un vecteur d’expansion pour nous. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes présents dans tous les secteurs à l’heure actuelle. Nous ciblons tous les secteurs, mais nous pourrions être meilleurs dans certains domaines.

La BI en bonne voie vers le cloud

LeMagIT : A priori, cette plateforme sera de préférence une offre SaaS. Où en sont vos clients dans leur migration vers le cloud ?

Mike Capone : Tous nos clients ont commencé à migrer vers le cloud, ce qui est une bonne nouvelle. Je crois savoir que les charges de travail BI ont été plus lentes à suivre ce mouvement. Au cours des deux dernières années, la situation a évolué avec l’émergence d’outils modernes, comme Snowflake et d’autres choses du même genre. Les outils d’intégration ont également rattrapé leur retard.

« Tous nos clients ont commencé à migrer vers le cloud, ce qui est une bonne nouvelle. Je crois savoir que les charges de travail BI ont été plus lentes à suivre ce mouvement ».
Mike CaponeCEO, Qlik

La tendance que nous observons, c’est que pratiquement tous les nouveaux projets démarrent dans le cloud. Au lieu de migrer un existant qui fonctionne bien sur site et puis de le reconstruire de pied en cap, les entreprises préfèrent se concentrer sur les nouveaux projets. Elles adoptent cette approche hybride. C’est au fil du temps que les entreprises effectueront ces migrations à l’échelle.

Encore une fois, il ne s’agit pas de leur forcer la main. Je ne crois pas en la stratégie consistant à pousser bon gré mal gré les clients vers le cloud. Je ne pense pas que c’est une bonne stratégie. J’ai été DSI dans une autre vie. Je détestais que les fournisseurs essaient de me faire faire des choix qui sont bons pour eux et mauvais pour moi. Nous voulons travailler avec nos clients, afin de déterminer le rythme approprié pour effectuer cette migration. À noter que nous ne notons plus de résistance envers le cloud. Les entreprises cherchent désormais à déterminer comment organiser cette migration.

LeMagIT : Les entreprises déploient-elles vraiment Qlik dans une approche multicloud ?

Mike Capone : Nous constatons que presque tous nos clients ont une stratégie multicloud. Le plus souvent, les entreprises choisissent deux hyperscalers parce que personne ne veut être enfermé auprès d’un seul fournisseur. Il est dangereux de mettre tous ses œufs dans le même panier. Même le département du Trésor américain a mis en garde les banques contre le fait de tout confier à un seul fournisseur. Ce qui est formidable, c’est que nous travaillons avec tout le monde. Nous avons des clients qui exécutent Qlik dans GCP, AWS ou Azure. D’ailleurs, si vous utilisez des outils analytiques natifs sur Hyperscaler, ils ne fonctionnent nulle part ailleurs. C’est donc un véritable facteur de différenciation pour nous.

L’introduction en bourse, une « voie » comme une autre dixit Mike Capone

LeMagIT : Au début de l’année 2022, Qlik a déposé des documents en vue d’une introduction en bourse. L’appétit des marchés publics pour les introductions en bourse dans le secteur de la technologie s’est tari peu après. Avez-vous toujours l’intention d’introduire l’entreprise en bourse ?

Mike Capone : Nous observons les marchés de très près en ce moment, mais notre objectif principal est d’intégrer Talend. Nous savons comment [intégrer Talend], mais cela va demander beaucoup de travail, comme pour toute acquisition importante.

« Nous garderons un œil sur la possibilité d’une IPO, et si le moment est propice, nous prendrons cette voie. Mais ce n'est pas la seule voie possible ».
Mike CaponeCEO, Qlik

Nous garderons un œil sur la possibilité d’une IPO, et si le moment est propice, nous prendrons cette voie. Mais ce n’est pas la seule voie possible. Nous aimons notre position d’éditeur indépendant. Avec l’arrivée de Talend, nous mettons toutes les chances de notre côté. Nous pensons que nous avons de bonnes chances de réussir, quelle que soit la voie que nous empruntons.

LeMagIT : Qu’est-ce qui devrait changer sur les marchés publics pour que vous procédiez à une introduction en bourse ?

Mike Capone : Le marché doit s’assouplir. Nous voulons un environnement plus propice et plus amical pour les investisseurs. Mais surtout, nous devons être convaincus que l’introduction en bourse sera plus avantageuse que la privatisation. C’est ce que nous avons cru lorsque nous avons déposé notre demande il y a 16 mois.

Notre entreprise est équilibrée. Nous avons une bonne croissance et une bonne rentabilité. La bonne nouvelle, c’est que Wall Street semble de nouveau valoriser les entreprises qui gagnent de l’argent. Nous n’avons jamais cru à la croissance par la dépense. Développons-nous, mais réalisons des bénéfices. Si nous pensons que nous pouvons obtenir une valeur pour cet équilibre et opérer d’une manière qui est la meilleure pour nous, nous lancerons une IPO. Mais si nous n’y croyons pas, il n’y a pas d’urgence.

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