DDN propose de reprendre les actifs de Tintri après son dépôt de bilan

Le plus français des constructeurs américains de systèmes de stockage, spécialiste du monde du HPC, vient de faire une offre de reprise des actifs de Tintri. Un rachat qui, s’il était approuvé par le tribunal des faillites, permettrait à la firme de reprendre l’offre de Tintri et de continuer à assurer le support de la base installée.

DataDirect Networks (DDN) vient de lancer une bouée à Tintri en proposant de racheter les actifs de la firme après son dépôt de bilan et sa mise sous la protection du chapitre 11 de la loi des faillites aux États-Unis.

Fondé en 2001 aux États-Unis par deux Français, Alex Bouzari et Paul Bloch, DDN s’est imposé au fil des années comme l’un des grands spécialistes du stockage pour le monde du calcul intensif dans le monde avec des systèmes tels que ses baies ExaScaler ou GridScaler ou son stockage objet WOS. Contrôlée en majorité par ses fondateurs et privée, la firme n’a toutefois jamais réussi à percer dans le monde du stockage d’entreprise, faute d’une offre adaptée.

Le dépôt de bilan cette semaine de Tintri pourrait lui en donner l’opportunité. Un rachat des actifs de Tintri (qui doit encore être approuvé par la cour gérant le dépôt de bilan) lui permettrait ainsi de compléter son offre dans le stockage HPC par l’offre de stockage virtualisée de Tintri (Baies VMStore et EC6000).

Le montant proposé pour la reprise de Tintri n’a pas été communiqué, mais il ne devrait sans doute pas excéder quelques dizaines de millions de dollars. DDN n’a pas les moyens de payer des centaines de millions pour une acquisition et Tintri vient de déposer le bilan après avoir échoué à trouver un repreneur. Pour mémoire, DDN réalise un chiffre d’affaires estimé à un peu plus de 220 M$ (la firme étant privée ne communique pas ses chiffres), tandis que Tintri a bouclé ses 4 derniers trimestres sur un CA légèrement supérieur à 120 M$.

Un rachat pourrait donc être une très bonne affaire pour DDN si l’on se réfère aux prix payés par HPE, Dell ou Western Digital pour doper leurs offres de stockage au cours des dix dernières années. Dell avait ainsi payé 1,4 Md$ en 2007 pour le rachat d’Equallogic, soit 10 fois son chiffre d’affaires à l’époque. De façon similaire, HPE avait dépensé plus de 2,4 milliards de dollars en 2010 pour racheter 3Par, soit 11 fois son chiffre d’affaires. Peu de temps après, Dell avait déboursé près d’un milliard de dollars pour Compellent, soit environ 3 fois son CA pour une base installée de 2500 clients. Enfin, plus récemment, en août 2017, Western Digital a racheté Tegile et ses 1700 clients pour un montant estimé à entre 500 M$ et 1 Md$ (en avril WD avait participé à une augmentation de capital de Tegile qui valorisait la firme à 450 M$ et Tegile préparait son entrée en bourse lorsque WD l’a racheté).

Cibler le marché du stockage d’entreprise

Contacté hier par téléphone par LeMagIT, Kurt Kuckein le directeur marketing de DDN nous a expliqué que DDN a la volonté d’étendre son périmètre de clientèle au monde de l’entreprise. La firme a rencontré de premiers succès avec ses systèmes traditionnels à hautes performances, notamment pour les applications de calcul, de stockage de masse des grands comptes. Mais elle ne dispose pas à ce jour des systèmes adaptés pour le stockage des données des applications plus traditionnelles des entreprises (VM, bases de données, VDI, etc.).

 « De plus en plus nos clients entreprises poussent afin de nous voir proposer des solutions pour le stockage de leurs applications virtualisées traditionnelles. Dans l'optique de répondre à ce besoin nous nous sommes rapprochés de Tintri à la fin de l’année 2017 pour voir dans quelle mesure nous pourrions collaborer en ce sens. Au cours des derniers mois, cette discussion a évolué pour finalement se transformer en proposition de reprise après le dépôt de bilan de la firme ».

Comme l’explique Kurt Kuckein, la technologie de Tintri est respectée et appréciée de ses clients. Près de 1500 entreprises exploitent aujourd’hui en production les systèmes du constructeur. Pour Kurt Kuckein, il n’y a rien de particulièrement problématique dans l’offre de Tintri. L’offre technique est solide et elle est clairement différenciée des solutions concurrentes. Le constructeur a simplement été la victime des attentes parfois démesurées des financiers de la Silicon Valley et d’une introduction en bourse ratée (sans compter une gestion hasardeuse de la part de ses dirigeants). Le résultat a été une situation financière dégradée et une perte de confiance graduelle des prospects potentiels de la firme.  

Repris par DDN, Tintri opérerait comme une division autonome

Le plan de DDN, qui a l’aval provisoire du management de Tintri (les deux firmes ont signé une lettre d’accord non contraignante), serait de laisser opérer la firme en tant que division autonome, tout en lui permettant de bénéficier de l’infrastructure en place chez DDN en matière de bureaux, de force de vente, etc., notamment à l’international où Tintri a peiné à se développer. Dans l’idéal, Kurt Kuckein espère que le tribunal donnera un feu vert rapide à la reprise de Tintri. Cela permettrait à DDN de réembaucher les salariés clés du constructeur pour assurer le support des clients existants et aussi de regonfler les équipes d’ingénierie, de vente et d’avant-vente. Avant son dépôt de bilan, la société a licencié la plupart de ses employés dans le monde et ne compte plus qu’une quarantaine de salariés clés.

Tintri cherche à obtenir l’approbation du tribunal pour obtenir un financement relais, afin de faire avancer rapidement une acquisition éventuelle. C’est TriplePoint Capital, l’un des créanciers de Tintri, qui est à la manœuvre. Il a offert de fournir 5,5 millions de dollars de fonds de roulement et d’ouvrir une ligne de crédit de 25 millions de dollars, des dettes que DDN (ou d’autres acquéreurs potentiels) devrait vraisemblablement avoir à assumer comme condition à toute transaction.

Selon nos confrères de SearchStorage, la dette de TriplePoint serait subordonnée à celle de la Silicon Valley Bank, qui avait négocié une facilité de crédit de 12,5 millions de dollars avec Tintri plus tôt cette année. TriplePoint exigerait que Tintri établisse un fonds de réserve salariale de 1,9 million de dollars pour les arriérés de salaires, les avantages sociaux, les retenues à la source et les commissions dues aux employés licenciés.

Tintri, une offre de stockage Flash et hybride moderne adaptée pour la virtualisation

Tintri est essentiellement connu pour ses baies hybrides VMStore et pour ses baies Flash de la EC6000, toutes deux motorisées par son OS TintriOS.

La famille EC6000 a succédé à la gamme de baies 100 % Flash Tintri VMstore T5000 à la fin 2017 et affiche des ambitions encore plus élevées. Un système d’entrée de gamme EC6030 peut accueillir entre 19 To et 81 To de données (avec un ratio de déduplication et de compression moyen de 5 pour 1) tandis que le modèle haut de gamme, l’EC6090, peut stocker entre 77 et 645 To de données. Dans sa configuration la plus musclée, le VMStore T6090 supporte jusqu’à 7500 machines virtuelles et jusqu’à 12 ports 10 Gigabit (6 par contrôleur) ou 4 ports 10G et 4 ports 40G Ethernet.

Les baies EC6000 disposent en standard de deux contrôleurs en mode actif/standby. Elles fonctionnent dans les environnements VMware vSphere, Microsoft Hyper-V, Red Hat Entreprise Virtualization (KVM)/Red Hat OpenStack et XenServer et supportent les protocoles NFS et SMB 3,0 

VM scale-out : des capacités de fédération sophistiquées 

Faute d’un vrai mode scale-out de type shared-nothing (« à la » Net-App SolidFire), Tintri mise sur les capacités de fédération de son outil d’administration Tintri Global Center. Une fonction baptisée VM Scale-out permet d’agréger les capacités de jusqu’à 64 systèmes EC6000 au sein d’un pool unique. Dans la configuration la plus avancée, cela veut dire qu’il est possible d’assembler une configuration stockant jusqu’à 41 Po de données, à même de supporter jusqu’à 480 000 machines virtuelles. Cette fonction s’apparente plus à une solution de fédération ou de virtualisation de stockage qu’à une vraie solution scale-out. Elle permet de déplacer dynamiquement les disques associés à une VM d’un nœud de stockage à un autre, afin d’optimiser les performances et la capacité des différentes baies de stockage participant au pool.

VM Scale-out est une fonction pilotable depuis la console Tintri Global Centre Advanced. Cette fonction vient s’ajouter aux autres capacités déjà proposées par Tintri dont les fonctions de réplication (ReplicateVM), de tiering vers le cloud, de gestion du cycle de vie et de Copy Data Management (SyncVM) ainsi que les fonctions de gestion de QoS, apparues avec la version 3.2 de l’OS du constructeur.

Les baies Tintri incorporent aussi des capacités analytiques en cloud via la fonction Tintri Analytics. La plateforme permet aux clients de la firme de superviser leurs baies de stockage depuis un portail cloud. Tintri Analytics s’appuie sur une infrastructure en cloud reposant sur Apache Spark et Elasticsearch. L’outil collecte jusqu’à trois ans de métadonnées transmises par les baies (performances IOPS, latence, capacité disponible…) et permet à l’administrateur de disposer d’un reporting avancé sur ses baies de stockage, mais aussi de modéliser l’effet de changements ou de mieux gérer l’évolution de ses capacités dans le temps.

 

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