Salesforce : un long "voyage" vers l'intégration des solutions Tableau
Du 18 au 22 novembre, Salesforce a tenu son show annuel à San Francisco, Dreamforce. Outre la présence d’invités prestigieux comme Barack Obama ou Emilia Clarke, un grand jeu de piste se tramait. Quel rôle jouera Tableau dans la galaxie Salesforce ? Très prudents, les responsables des deux sociétés font apparaître une ligne conductrice.
Le 1er août 2019, Salesforce officialisait le rachat de Tableau en assurant que l’éditeur resterait indépendant. Les indices fournis par les équipes des deux entreprises lors de Dreamforce éclaircissent désormais la volonté du numéro 1 du CRM d’intégrer les produits Tableau dans son catalogue.
De prime abord, difficile d’obtenir une réponse claire concernant le choix de racheter Tableau par Salesforce. Andrew Beers et Mark Jewett, responsable marketing produits chez Tableau, s’en sont tenu au slogan de l’événement « better together » pour expliquer que les deux entités développeront de meilleures solutions ensemble. Pour Edouard Beaucourt, PDG de Tableau en France, il s’agit de « l’association du numéro 1 du CRM avec le numéro 1 de l’analytique ».
Olivier Derrien, PDG de Salesforce France s’essaye à un raisonnement plus détaillé : « Marc Benioff ne nous a pas expliqué les raisons de cette acquisition », déclare-t-il. « Selon moi, il y a des points culturels qui jouent dans ce rapprochement. Il y a également des points communs entre nos différents produits », considère-t-il.
Olivier DerrienPDG, Salesforce France
De plus, le dirigeant « estime à 25 % le nombre de clients grands comptes qui utilisent nos technologies respectives », mais il s’agit de son « opinion personnelle qui n’est pas basée sur Einstein ou sur l’analytique », ajoute-t-il avec prudence. Salesforce revendique plus de 160 000 clients PME et grands comptes, tandis que Tableau en aurait un peu moins de 100 000.
Tableau, Datorama et Einstein Analytics réunis sous une seule bannière
Ce rapprochement implique donc des développements technologiques en commun. Les éléments de communication utilisés lors du salon montrent une volonté d’imbriquer les solutions analytiques de Salesforce.
Le visuel le plus parlant schématise Einstein Analytics, Datorama et Tableau comme les trois pièces d’un même puzzle. « La première pièce en partant de la droite, c’est Tableau qui représente toutes les sources de données, tous les domaines fonctionnels et toutes les industries. Au milieu, Datorama renvoie à la dimension analytique dans les campagnes marketing. Enfin Einstein Analytics est plutôt centré sur l’analyse des données dans le CRM », explique Olivier Nguyen, Vice-Président Marketing, Salesforce France.
De même, les deux éditeurs proposent des outils analytiques basés sur des algorithmes de machine learning. Chez Tableau, Ask Data permet d’effectuer des recherches en langage naturel, tandis qu’Explain Data permet d’obtenir des explications sur les données visualisées. Chez Salesforce, cela correspond peu ou prou aux atouts d’Einstein Discovery.
« Nous n’utilisons pas les mêmes modèles algorithmiques avec Explain Data », affirme Andrew Beers. « Nous embarquons des systèmes d’apprentissage visuel pour analyser les courbes et les graphiques. De ce que je comprends, les modèles ML d’Einstein répondent davantage à cas d’usage commerciaux et marketing ». « Notre approche est beaucoup plus généraliste, mais nous allons rapprocher ces deux mondes », ajoute-t-il.
« Que Tableau, Einstein Analytics et Datorama soient dans la même famille analytique a un sens. Nous sommes en train de penser à rassembler toutes les fonctionnalités. L'étape suivante consiste à définir comment nous allons intégrer tout cela. Et comment tout sera réutilisé, quelle fonctionnalité prendra le pas sur une autre, c’est un sacré travail qui, à mon humble avis, durera entre 5 et 10 ans, et sera peut-être perpétuel. Nous allons devoir décider, et des responsables sont en train de le faire, comment nous allons faire ce voyage. Mais c’est un voyage qui est très clair pour nous », assure Olivier Derrien.
Olivier DerrienPDG Salesforce France
Une lettre d'intention qui ne séduit pas totalement
Les deux éditeurs proposent donc une lettre d’intention. Selon Edouard Beaucourt, les retours de BNP, Schneider Electric et l’Occitane concernant cette fusion sont positifs. Il faut dire que les trois entreprises se servent des outils de Salesforce et de Tableau. De son côté, Yves Le Gélard, Chief Digital Officer chez ENGIE, attend. Le dirigeant estime que Marc Benioff a fait le bon choix, mais est favorable « à une grande subsidiarité » dans la sélection de solutions de self-service BI par les DSI du groupe.
Une autre problématique concerne directement les clients. Tableau propose son logiciel en mode SaaS, sur site et dans le cloud. Or Salesforce propose une infrastructure hébergée uniquement dans le cloud. « Si nous voulons amener de l’analytique sur les données de nos clients, il faut pouvoir s’adapter à ces dernières. Or, elles vont de plus en plus vers le cloud, même si elles sont encore réparties partout. L’approche de Tableau a toujours été d’être au plus proche des données des clients. Notre produit qui bénéficie de la croissance la plus importante, c’est notre produit entièrement managé : Tableau Online. Concernant le semi managé, le plus gros des ventes se fait dans les clouds publics que ce soit AWS, Azure, Google et plus récemment avec AlibabaCloud », déclare Edouard Beaucourt. Le PDG français de Tableau n’a toutefois pas affirmé l’abandon de la licence sur site.
« Nos acquisitions de Tableau et de Mulesoft sont très importantes parce qu’elles nous rapprochent des données », affirme Olivier Derrien. « Nous avons un vrai défi : simplifier les offres. De faire en sorte que ce soit complet, mais pas complexe. Nous investissons beaucoup pour mieux écouter les clients. Il n’est pas question que quelqu’un qui débute un projet soit forcé à tout prendre, parce qu’il va échouer. Ceux qui veulent peuvent se contenter d’une des briques Salesforce peuvent le faire, mais je vous garantis que 80 % des clients ont une vision globale, celle incarnée par Customer 360 », conclut-il.