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ERP, SGBD, BI : Rimini Street liste toutes les pratiques du secteur contre le support tiers

Pressions sur les clients. Changements contractuels. Attaques en justice. Un document financier de Rimini Street liste les pratiques des éditeurs, dont SAP et Oracle, pour contrer la croissance de son support tiers. Ce qui n’empêche pas le fournisseur de services de progresser et de se diversifier.

Rimini Street est un des plus gros fournisseurs au monde de support tiers pour bases de données et applications métiers. La société vient de publier des résultats plutôt positifs pour son année fiscale 2019. Mais, une fois n’est pas coutume, le plus intéressant dans ce document n’est pas forcément le compte des résultats.

La rubrique « Risks Related to Our Business, Operations and Industry » est en effet un résumé, noir sur blanc, de toutes les mauvaises pratiques des gros éditeurs – Oracle en tête – pour garder leurs clients captifs et écarter Rimini Street.

Un support tiers populaire, mais pas plébiscité

Tout d’abord que disent ces chiffres ? Sur 2019, Remini Street a réalisé un chiffre d’affaires de 280 millions de dollars ; en nette progression année après année : 253 millions $ en 2018 (+10 %), 215 millions en 2017 (+18 %), 160 millions en 2016 (+33 %).

Cette croissance continue traduit bien une appétence du marché, lassé de devoir payer des supports coûteux (environ 20 % par an du prix d’achat initial) parfois avec une valeur ajoutée réduite à son strict minimum pour les versions les plus anciennes (patch de sécurité).

Mais le ralentissement de cette croissance montre aussi, en partie, que le support tiers reste un sujet épineux. En d’autres termes, il y a un intérêt, mais pas encore un plébiscite.

Oracle sort son épée de Damoclès

Le rapport annuel officiel (le « 10-K ») en liste les raisons.

À commencer par l’épée de Damocles judiciaire qu’Oracle a suspendue, depuis 2010, avec plusieurs procédures, au-dessus de la tête de Rimini Street. Oracle s’oppose en effet frontalement au support tiers. Il accuse Rimini Street de violation d’accord de licences, et de violation de propriété intellectuelle, et de modèle économique illégal. Entre autres griefs.

Les produits logiciels d’Oracle concernés pas ce litige « représentent une part importante de nos revenus actuels », admet Rimini Street.

« Oracle est un habitué des poursuites contre les entreprises qui proposent des programmes de support alternatifs pour ses produits. »
Rimini Street

Le document affirme également clairement que la société de services s’attend à ce qu’Oracle continue sur cette voie. « Oracle est un habitué des poursuites contre les entreprises qui proposent des programmes de support alternatifs pour ses produits », souligne Rimini Street. « Oracle pourrait engager des poursuites supplémentaires contre nous ».

Or cette pression juridique continue représente de facto « un défi pour développer notre activité », conclut la société.

Cette réaction d’Oracle – prévisible, voire légitime selon les points de vue – montre en tout cas l’importance majeure de la manne financière que représente le support pour les éditeurs.

Représailles et prix cassés

L’autre défi du support tiers est que les entreprises, malgré leurs griefs contre les gros éditeurs (dont des audits agressifs et des ventes forcées), ne sont pas encore toutes prêtes à sauter le pas. Loin de là.

« Le marché des services indépendants de support est relativement peu développé », concède d’ailleurs Rimini Street. « Nous devons répondre aux préoccupations de nos prospects et leur expliquer les avantages de notre approche pour les convaincre de la valeur qu’apportent nos services ».

Le défi est d’autant plus de taille que parmi ceux qui veulent s’affranchir du support d’un éditeur, une partie a décidé de le faire elle-même : « Ils ont investi d’importantes ressources en personnel, en infrastructure et financières dans leur propre organisation pour assurer eux-mêmes le support de leurs logiciels sous licence ».

« Ils [les éditeurs] ont investi d’importantes ressources en personnel, en infrastructure et financières dans leur propre organisation, pour assurer eux-mêmes le support de leurs logiciels sous licence. »
Rimini Street

Il n’en reste pas moins qu’au final « de nombreux propriétaires de licences […] préfèrent s’en remettre aux services de l’éditeur ». En soi, il n’y a rien à redire à cette décision. Sauf que.

Sauf que cette décision n’est pas toujours totalement libre. Rimini Street évoque noir sur blanc « l’effet potentiellement négatif qu’un engagement avec nous peut avoir sur la relation entre le client et l’éditeur ». Un éditeur qui, mauvais joueur, peut le faire payer à l’entreprise ne lui prenant plus son support intégré. Comme au moment « de revenir chez l’éditeur pour acheter de nouvelles licences ou de nouveaux services » (sic).

Avant d’en arriver à ces coups de bâtons, et toujours selon Rimini Street, Oracle et SAP n’hésiteraient pas à sortir de leurs chapeaux des carottes sous forme de « discounts » pour les entreprises qui se montrent intéressées par un support tiers. Un bon moyen de couper l’herbe sous le pied de ce concurrent (et à la DSI de faire des économies quoiqu’il arrive).

Empêcher contractuellement la concurrence

La liste de Rimini Street ne s’arrête pas à ces pratiques commerciales, certes dures, mais assez classiques. « Les éditeurs de logiciels d’entreprise peuvent prendre d’autres mesures pour tenter de maintenir leur activité de service d’assistance, notamment en modifiant les termes de leurs contrats avec les clients, les fonctionnalités de leurs produits ou services, ou leurs conditions tarifaires », continue le 10-K.

Par exemple, à partir du deuxième trimestre 2017, Oracle a interdit purement et simplement à Remini Street d’accéder à ses sites de support pour y télécharger des mises à jour – au nom de ses clients. Et cela, alors que ces clients sont autorisés à le faire directement, et qu’ils avaient jusque là la possibilité de déléguer cette tâche à un tiers.

Vers une diversification

Aujourd’hui, Rimini Street propose un support tiers sur les grosses bases du marché (DB2, SQL Server, Oracle DB, Sybase, HANA), sur des applicatifs et les ERP d’Oracle et de SAP (Siebel, S/4HANA, JD Ewards, etc.), sur le middleware d’Oracle, ainsi que pour des outils BI (Hyperion, BO). À chaque fois, en concurrence des éditeurs.

Pour assurer son avenir de manière plus sereine, Remini Street a, depuis 2018, étendu ses activités au SaaS, avec Salesforce.

Mais avec une différence majeure. Ce support n’est plus en concurrence, mais en partenariat avec le champion du CRM (sur Sales Cloud et sur Service Cloud) qui montre ici une vraie différence d’approche.

D’autres supports sur d’autres technologies devraient être annoncés courant 2020.

Des perspectives très positives malgré tout

En attendant, et malgré toutes ces embûches, Rimini Street estime avoir fait économiser 5 milliards de dollars de maintenance à ses clients depuis sa création.

Au 31 décembre 2019, il revendiquait plus de 2 000 clients dans le monde, en augmentation de 14,5 % par rapport à décembre 2018.

Et malgré le tassement de la croissance de ses revenus, son désendettement lui a permis d’afficher un résultat net dans le vert (17,5 millions $). Une première depuis cinq ans.

« 2019 a été une année fiscale record qui a dépassé toutes les prévisions que nous avions. »
Seth A. RavinCo-fondateur et PDG Rimini Street

« 2019 a été une année fiscale record qui a dépassé toutes les prévisions que nous avions », se réjouit Seth A. Ravin, co-fondateur et PDG de Rimini Street.

Lors d’un échange avec les analystes financiers pour commenter ces résultats, Seth A. Ravin n’a pas manqué de tacler à nouveau SAP et Oracle sur leurs pratiques en parlant d’éditeurs « qui poursuivent leurs efforts pour obliger leurs clients à upgrader et à migrer depuis des versions stables vers leurs produits plus récents, mais pas encore matures. [Alors qu’une] étude récente montre qu’environ 80 % des DSI ne sont pas sûrs ou ne prévoient pas de migrer vers les nouveaux produits d’Oracle et de SAP et qu’ils prévoient [au contraire] de rester sur leurs systèmes actuels au moins jusqu’en 2025, voire ou au-delà ». On retiendra le terme, très fort, de « forcer les clients ».

La volonté de rester sur d’anciennes versions est évidemment vue comme une opportunité par les fournisseurs de licences tiers. Des fournisseurs qui prévoient par ailleurs de fortes perspectives de croissance.

Le rapport « Gartner Predicts 2020 » – cité par Rimini Street – confirme cet optimisme et constate une augmentation de 50 % des demandes des clients du cabinet d’analyste pour des sujets en rapport avec le support tiers au cours des 9 premiers mois de 2019 par rapport aux 9 premiers mois de 2018.

Sur 2020, Rimini Street prévoit un chiffre d’affaires de 310 à 320 millions $. Soit une croissance une nouvelle fois entre 10 % et 15 %.
(N. B. : estimation a priori faite avant les évènements mondiaux de mars 2020)

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