OVHcloud en route pour devenir l’alternative européenne à AWS

Le fournisseur français se donne à présent les moyens de rivaliser avec les géants du cloud américains : à ses arguments de souveraineté s’ajoutent des infrastructures de pointe et moins chères.

OVHcloud se donne à présent les moyens techniques et opérationnels pour incarner le rival européen des géants américains du cloud public. Tel est en tout cas le message que l’hébergeur IaaS de droit français a voulu faire passer lors de l’événement annuel qu’il a organisé en ce début novembre.

Il y a annoncé l’arrivée prochaine de deux nouveaux sites, près de Roubaix et près de Strasbourg, répondant à toutes les contraintes réglementaires, pour accueillir en toute souveraineté et en toute sécurité les SI les plus critiques, ceux des industriels comme ceux des pouvoirs publics. Il se pose désormais en concepteur d’infrastructures de pointe, avec la mise à disposition de machines personnalisées jusque dans leurs cartes réseau, afin de répondre aux besoins de performances les plus compliqués, en analytique, en intelligence artificielle, ou même dans les télécoms. Et, bien entendu, il entend jouer à plein son rôle de moteur dans Gaia-X, ce projet paneuropéen qui doit garantir l’indépendance numérique vis-à-vis des Américains.

OVHcloud est devenu légitime pour les grands comptes

Un bruit de couloir entendu lors des sessions virtuelles de l’événement légitimerait à lui seul, s’il est avéré, la soudaine dynamique qui anime OVHcloud : ses infrastructures virtuelles seraient, depuis peu, majoritairement achetées par des intégrateurs, dont les plus importantes SSI françaises, celles qui les revendent aux grands comptes.

Jusque-là, OVHcloud s’était plutôt bâti sur la fourniture de ressources en ligne pour les startups technophiles, avec à la clé la promesse de construire en interne les machines physiques les plus optimisées possible, pour proposer des infrastructures virtuelles au meilleur rendement. Un modèle qui, au fil des ans, lui a permis de séduire des clients dans toute l’Europe, depuis ses centres de Roubaix et de Strasbourg, mais aussi d’ouvrir deux autres sites en Amérique du Nord : un aux USA, pour servir les entreprises locales, et un au Canada, pour adresser le reste du monde.

Après 21 ans d’existence, OVHcloud hébergerait ainsi dans son cloud les serveurs virtuels et les données de 1,6 million de clients siégeant dans 140 pays. Ses infrastructures seraient présentes dans 31 datacenters, qu’il s’agisse de ses propres bâtiments en France et en Amérique du Nord, ou d’autres, ailleurs, en colocation.

Il n’est pas très clair si cette taille a été atteinte au fur et à mesure de ses 21 ans d’existence ou si OVHcloud a connu un regain d’activité soudain lors de son histoire récente. Si l’installation du premier datacenter étranger date de 2012, il faudra attendre 2017 pour qu’OVHcloud existe véritablement parmi les prestataires B2B, avec le rachat de l’activité cloud de VMware (vCloud Air), puis avec l’arrivée à sa tête, en 2018, de Michel Paulin, l’ancien patron de SFR. On notera aussi qu’OVHcloud n’a consenti à proposer un portail d’applications souveraines que depuis cet été.  

Être à la fois souverain et compatible avec les offres de cloud hybride des fournisseurs

« Ce qui est nouveau, c’est l’attrait des entreprises pour les stratégies multicloud. Et, dans les secteurs critiques, cela doit être conjugué avec la nécessité de respecter des réglementations. C’est un besoin auquel nous savons particulièrement bien répondre à la fois en tant que fournisseur européen d’infrastructures cloud depuis plus de vingt ans et spécialiste dans la conception d’architectures de pointe », lance Michel Paulin, lors d’un entretien avec LeMagIT.fr.

« Aujourd’hui, ce sont des opérateurs d’importance vitale (OIV), les géants de l’énergie, des transports et de l’industrie, qui viennent nous voir pour que nous leur proposions une offre adaptée. C’est pourquoi nous avons lancé le chantier de deux nouveaux datacenters qui leur seront dédiés, qui seront étanches au reste de notre cloud public, avec des infrastructures bare-metal sur lesquelles ils pourront mettre leurs propres systèmes, sécurisés selon leurs règles. »

« Nous obtiendrons a priori des autorités la certification SecNumCloud d’ici à la fin de cette année, ce qui nous validera légalement comme opérateur de cloud souverain. »
Michel PaulinCEO, OVHcloud

« Nous obtiendrons a priori des autorités la certification SecNumCloud d’ici à la fin de cette année, ce qui nous validera légalement comme opérateur de cloud souverain, et nous ouvrirons ces deux nouveaux centres dans la foulée, au début de l’année 2021. »

Surtout, Michel Paulin n’a pas oublié l’essentiel : l’offre d’OVHcloud ne sera plus une coquille vide. L’opérateur de cloud redouble d’efforts pour nouer des contrats avec les fournisseurs qui ont vendu des infrastructures aux entreprises, et qui apportent aujourd’hui des solutions de cloud hybride afin de connecter ces infrastructures sur site aux ressources virtuelles des différents clouds.

« Nous sommes historiquement liés à VMware. Étendre aujourd’hui un cluster VMware sur site vers nos ressources est aussi facile à faire et à acheter que cela l’est avec nos concurrents américains », dit-il en faisant référence à AWS, Azure et GCP chez chacun desquels il existe une offre « VMware Cloud on… ».

« Nous allons étendre ce type de partenariats avec d’autres géants historiques de l’infrastructure. Au début de l’année 2021, nous proposerons des solutions de cloud hybride avec Nutanix, puis avec NetApp. » Pour l’heure, OVHcloud se présente comme le partenaire le mieux intégré avec Atempo, l’étoile montante des solutions de sauvegarde européennes.

Développement d’infrastructures matérielles hautement performantes

Au-delà de la garantie contractuelle d’être souverain – c’est-à-dire de ne pas soumettre les entreprises locales aux lois américaines, le défaut des clouds AWS, Azure et GCP – et de la disponibilité de moyens pour s’interfacer avec les datacenters des entreprises, OVHcloud compte donc miser sur un troisième atout : la compétitivité technologique de ses offres.

« Nous ne facturons que l’hébergement des données et la puissance processeur pour effectuer les traitements. [...] L’envoi et la récupération des données sont gratuits. »
Alain FioccoDirecteur technique, OVH

D’abord sur le stockage. OVHcloud a racheté cet été l’éditeur OpenIO, un éditeur français de stockage objet qui bat tous les records de rapidité. Face à un service comme S3 chez AWS, OpenIO devrait permettre à OVHcloud de prétendre être le plus performant pour exécuter des traitements analytiques sur les données hébergées chez lui. Mais pas seulement : « nous voulons être très agressifs en matière de prix. Contrairement à nos concurrents, nous ne facturons que l’hébergement des données et la puissance processeur pour effectuer les traitements. En revanche, chez nous, l’envoi et la récupération des données sont gratuits », lance Alain Fiocco, le directeur technique d’OVH.

Il rappelle qu’OVHcloud a d’ailleurs récemment enrichi son offre de services « prêts à l’emploi » concernant les traitements de données. Ceux-ci devraient déboucher en 2021 sur une gamme complète d’algorithmes, notamment en intelligence artificielle, sur lesquels les entreprises n’auraient plus qu’à déposer leurs données à traiter. « Nous travaillons avec des startups qui développent ces algorithmes. Ils seront présentés sur notre portail comme des services PaaS, c’est-à-dire des plateformes de fonctions entièrement paramétrables selon les objectifs des entreprises », dit le directeur technique.

Alain Fiocco indique qu’OVHcloud planche par ailleurs sur une nouvelle génération de serveurs, dotés des derniers processeurs d’Intel et AMD – il ne cite pas les processeurs ARM, toutefois – accolés à des GPU Nvidia et des baies de SSD uniquement NVMe pour maximiser les performances. Surtout, l’opérateur serait très satisfait des résultats obtenus par ses équipes sur des développements internes relatifs aux SmartNICs, ces nouvelles générations de cartes contrôleur entièrement programmables pour optimiser les réseaux Ethernet et de stockage.

« Nous restons sur des équipements standard en ce qui concerne les cœurs de réseau. En revanche, nous planchons sur des baies de 16 cartes SmartNICs motorisées avec une pile de logiciels Open source pour les fonctions de routage, et reliées aux bus PCIe des serveurs via un réseau de câbles optiques. Ce type de design inédit devrait nous permettre de proposer des services d’infrastructures au meilleur rapport puissance/prix », assure-t-il.

Selon les informations que LeMagIT a pu obtenir, ces baies de cartes SmartNICs fonctionneraient sous le système SONiC mis en Open source par Microsoft pour tout ce qui concerne le routage. Elles utiliseraient également les technologies d’Exten pour véhiculer les données au protocole de stockage NVMe-over-Fabric. Exten est une startup américaine qu’OVHcloud a également rachetée cet été.

Un des 22 fondateurs de GAIA-X

Enfin, OVHcloud revendique être l’une des locomotives de GAIA-X, la récente initiative paneuropéenne qui consiste à standardiser un cloud de confiance en Europe et qui a depuis peu évolué en association à but non lucratif.

« GAIA-X n’est absolument pas un nouveau gadget de l’état », s’emporte Alban Schmutz, en charge des dossiers stratégiques et gouvernementaux chez OVHcloud, après que LeMagIT lui a demandé si l’on ne risquait pas de se diriger vers un nouveau projet de cloud souverain sans lendemain façon CloudWatt-Numergy.

« Le but de GAIA-X va au-delà du service public. Il s’agit d’abord d’adresser les besoins des industriels et des opérateurs essentiels. »
Alban SchmutzSVP Public Affairs, OVHcloud

« Ce projet est facilité par les gouvernements français et allemands, mais ils ne le pilotent pas. Par ailleurs, même si, bien entendu, nous apprécierions que l’état en tant qu’acheteur de ressources informatiques fasse preuve d’exemplarité, le but de GAIA-X va au-delà du service public. Il s’agit d’abord d’adresser les besoins des industriels et des opérateurs essentiels. GAIA-X n’est pas l’Airbus du cloud, c’est un écosystème d’acteurs qui partagent des règles contractuelles et techniques pour être interopérables », explique-t-il.

Impliqué lui-même dans GAIA-X sur le sujet des codes de conduite à suivre, Alban Schmutz assure que les projets de GAIA-X sont complémentaires avec les efforts de développements que mène actuellement OVHcloud. « OVHcloud travaille avec ses concurrents sur une première série de services standardisés, qui devraient être disponibles d’ici à l’été 2021. »

Pour l’heure, GAIA-X est composé de 22 membres fondateurs, dont OVHcloud. 130 grandes entreprises auraient fait leur demande pour rejoindre l’association dès le début de son activité officielle, laquelle n’a pas encore démarré.

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