Cet article fait partie de notre guide: Le guide 2023 de l’infrastructure en cloud hybride

Cloud hybride : IDC prévient que ce sera compliqué et cher

Une étude révèle que les bénéfices du cloud, en termes de coûts et de complexité, disparaissent dès lors que les entreprises l’utilisent en mode hybride. Et cela ne fera qu’empirer.

Gérer les besoins de stockage en cloud hybride va devenir de plus en plus compliqué et déplacer les données entre un site et des services en ligne coûtera de plus en plus cher. Telle est la conclusion d’une étude que le cabinet IDC vient de mener auprès de 1 500 entreprises utilisatrices de solutions de stockage.

Selon celle-ci, les promesses de simplicité et d’économie du cloud ne sont plus tenues dès lors que l’on parle de cloud hybride, c’est-à-dire de déploiements qui conjuguent au moins un site physique et au moins un service en ligne, qu’il relève du cloud privé comme du cloud public. Les différences entre ces deux composantes seraient telles qu’il ne serait pas possible en l’état de parler de fonctionnement transparent.

Les déploiements hybrides peuvent répondre à une variété de besoins. IDC cite la conservation des données fréquemment utilisées sur site, en guise de cache pour qu’elles soient rapidement disponibles, et le déport des données plus anciennes, moins accédées, vers le cloud. La difficulté principale dont témoignent la plupart des entreprises est que, dans un tel contexte, il devient très rapidement coûteux et complexe de faire comme si les deux parties étaient d’un même tenant.

55 % des répondants à l’étude utilisent déjà une forme de cloud hybride. 30 % ont l’intention de le faire. Les quelque 15 % restants disent ne pas encore être intéressés.

Les coûts vont exploser

Le premier sujet saillant de l’étude d’IDC est celui des coûts, à commencer par celui des outils additionnels nécessaires pour conserver une vision aérienne et le contrôle des environnements hybrides. Ces outils seraient notamment indispensables dans le cas le plus fréquemment rencontré par l’étude d’IDC : lorsque le but du cloud hybride est d’utiliser le cloud comme une solution de reprise d’activité après un éventuel sinistre sur site.

Dans ses conclusions, l’étude d’IDC fait à ce sujet écho à d’autres études menées un peu plus tôt, notamment une réalisée par Komprise, qui édite un logiciel de gouvernance des fichiers à cheval entre des sites et le cloud, et une autre par le cabinet de conseil Next Pathway. Ces deux études applaudissent la tendance des entreprises à vouloir s’équiper de solutions de gestion des données, mais reconnaissent que de l’achat de telles solutions ne préservent pas les entreprises contre l’escalade des coûts et des besoins en main-d’œuvre.

« L’enquête a confirmé ce que nous disaient déjà nos clients : en définitive, le cloud n’est pas un espace de stockage bon marché. C’est un moyen de transformer leur architecture », se défend ainsi Krishna Subramanian, le directeur général de Komprise.

L’étude de Komprise, en l’occurrence, s’intéresse plus particulièrement aux entreprises de plus 1 000 salariés qui gèrent entre 1 et 5 pétaoctets de données. Selon les observations, ces entreprises prévoient à présent de consacrer environ 30 à 40 % de leur budget informatique rien qu’au stockage et à la protection des données en cloud hybride.

Marc Staimer, du cabinet de conseil Dragon Slayer Consulting, suggère aux entreprises qui envisagent de recourir à de tels outils de gestion des données de s’assurer que les fournisseurs permettent de lire et d’écrire des données sans avoir besoin de leur logiciel de stockage spécifique. Il les met également en garde contre les éditeurs qui factureraient la quantité de données exportée grâce à leurs services, car ce coût est difficilement prévisible, surtout dans un contexte où les projets changent du jour au lendemain.

Ainsi, lorsqu’il compare les offres de Komprise, Strongbox, Datadobi et HammerSpace – toutes servant la gouvernance des données en cloud hybride – Marc Staimer constate qu’elles ne sont chacune adaptées qu’à une taille de données.

La croissance des fichiers va de pair avec celle de la complexité

Le facteur aggravant de l’explosion des coûts est la croissance sans fin, voire galopante, des données non structurées, c’est-à-dire des fichiers qui se créent en dehors du carcan des bases de données. Plus les fichiers sont nombreux dans un déploiement en cloud hybride, plus la complexité augmente, plus les outils pour tâcher de garder le contrôle sur ces fichiers coûtent cher, voire deviennent un verrou technologique.

Marc Staimer parle de fatalité : il déconseille fortement l’usage de solutions peu chères, ou gratuites comme les outils Open source Rsync et Robocopy, car elles ne s’interfacent pas avec les fonctions de fiabilité et de sécurité fournies dans les solutions de stockage, qu’il s’agisse des équipements sur site comme des services en cloud.

Peut-on limiter les fichiers, voire les exclure dans le cas des déploiements en cloud hybride ? Le consultant Ray Lucchesi, du cabinet Silverton Consulting, assure vigoureusement que non. « La réalité est que, pour une équipe informatique, il y a forcément de bonnes raisons d’exécuter des choses en cloud et d’autres sur sites. D’ailleurs, s’il n’y en a pas, cela signifie qu’il faut déplacer les données d’une structure à l’autre », dit-il.

« De manière plus pragmatique, les capacités de calcul et d’intelligence artificielle disponibles en ligne incitent invariablement les entreprises à aller dans le cloud. Mais l’usage de ces services va varier selon que l’on doive augmenter les ressources pour un projet ou les réduire ensuite. Par conséquent, l’objectif budgétaire devient sans cesse mouvant », ajoute-t-il.

Du cloud hybride, oui, du multicloud, non

Un point très significatif de la complexité qui colle au cloud hybride est que le multicloud est en définitive considéré comme une problématique à part, alors que cette notion était jusqu’à présent associée, voire confondue, avec le cloud hybride.

Hybrid IT vs. hybrid cloud vs. multicloud

IDC précise dans sa définition du cloud hybride que les ressources en ligne peuvent être celles de différents fournisseurs de cloud. C’est-à-dire que le modèle de multicloud serait de facto inclus dans celui du cloud hybride. Mais, selon l’analyste Andrew Smith, directeur de recherche chez IDC, la plupart des entreprises, même quand elles sauvegardent leurs données sur plusieurs clouds, n’utilisent dans les faits que les outils d’un seul fournisseur. En clair, la majorité des gens qui déploient du cloud hybride le font sans multicloud.

« Le message du multicloud est que les entreprises déploient librement des applications dans n’importe lequel des clouds publics… mais cette théorie est très loin de la réalité. Dans les faits, de nombreuses équipes informatiques sont incitées par leur hiérarchie à utiliser plusieurs clouds, au prétexte d’éviter les verrous technologiques de tel ou tel fournisseur. Cependant, cette option semble nuire à leur productivité. Elles préfèrent en définitive ne passer que par un seul fournisseur pour le stockage, mais aussi pour tout le reste de leur IT », observe-t-il.

Et de développer : « rester agile avec les données et les applications de l’entreprise est un idéal. Mais la main-d’œuvre nécessaire et le temps qu’il faudrait consacrer à la réécriture des applications, ou aux coutures vers d’autres ressources de stockage, incitent la plupart des services informatiques à s’en tenir à un seul choix. »

« En cloud hybride, vous ne réduirez pas vos coûts globaux. Vous chercherez à réduire tantôt les coûts de votre datacenter, tantôt ceux de vos services en ligne. »
Marc StaimerAnalyste, Dragon Slayer Consulting

À l’opposé des volontés hiérarchiques, les fournisseurs de cloud tentent, de leur côté, de s’imposer jusque dans les datacenters de leurs clients, avec des équipements comme AWS Outposts ou Azure Stack, qui promettent de simplifier à l’extrême les liens du cloud hybride. Les entreprises sont-elles en pratique verrouillées ? Andrew Smith se refuse à l’affirmer pour l’instant : « Actuellement, c’est un peu le Far West pour savoir qui va s’ériger en champion du cloud hybride. Le facteur n° 1 des choix technologiques reste dans la plupart des cas le coût de la solution employée. »

Marc Staimer estime qu’une manière de rationaliser les budgets et la complexité du cloud hybride est de séparer les problématiques du cloud de celles du datacenter : « en cloud hybride, vous ne réduirez pas vos coûts globaux. Vous chercherez à réduire tantôt les coûts de votre datacenter, tantôt ceux de vos services en ligne. » En clair, un bon cloud hybride serait un cloud fragmenté.

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