SaaS : PTC vante les atouts de Creo+

Lors du LiveWorx 2023 à Boston, le spécialiste américain de la CAO et du PLM a présenté les atouts de Creo+, la version SaaS de son outil CAO. Plus qu’un outil accessible depuis le cloud, il s’agit de « simplifier » la gestion des licences et des mises à jour. PTC doit encore convaincre ses clients issus de secteurs clés et européens.

Cela fait des années qu’il en parle. La stratégie SaaS de PTC prend enfin corps.
Pour rappel, entre 2015 et 2016, l’éditeur avait entamé une transition vers un mode à la souscription en lieu et place de licences perpétuelles. Depuis 2019, et après de nombreux rachats, PTC vante les capacités de sa plateforme Atlas. Bien qu’elle ne soit pas directement commercialisée, cette plateforme permet à l’éditeur d’héberger et de distribuer ses logiciels sous leur forme « + ». Il a commencé au plus simple avec les solutions issues des rachats d’Onshape et d’Arena Solutions. Puis est venu le tour de Windchill +, son PLM en version SaaS. Kepware plus, sa solution de connectivité à la demande, a été annoncée peu après. Il poursuit ses efforts avec Creo +. ThingWorx +, la version SaaS de sa plateforme IIoT, ou encore Codebeamer + (ALM) suivront dans les deux ans à venir.

Contrairement à Windchill plus qui est hébergé dans le cloud et réclame d’opérer une migration à l’aide de Dxp Services, il faut voir la forme actuelle de Creo+ comme un pendant d’Adobe Creative Cloud pour la CAO. Cette offre permettra de souscrire à des sièges et de télécharger/orchestrer les mises à jour de l’outil CAO, tout en restant « 100 % compatible » avec les modèles de pièces créés précédemment. Cette orchestration passera par un control plane accessible depuis le Web, nommé PTC Control Center.

Dans sa première mouture, Creo+ s’appuie sur Creo 10. Cette version fait la part belle au développement de pièces en matériaux composites, à l’électrification avec la possibilité de réutiliser les configurations de câblage et les assemblages de faisceaux, ou encore à la fabrication additive et soustractive. Il est également plus simple d’annoter et de consulter les cotes des pièces, grâce à la prise en charge d’outils de définition basés sur des modèles. Par ailleurs, PTC renforce son intégration avec les outils de simulation d’Ansys. Depuis Creo Simulation Live, il est désormais possible d’effectuer des simulations de contact et l’outil bénéficie d’une meilleure gestion des fluides. Creo Ansys Advanced Simulation, lui, prend en charge les matériaux non linéaires, tandis que Creo Flow Analysis et Creo Simulate bénéficient d’optimisations de performance.

Collaboration entre ingénieurs : PTC justifie le « + » de son offre SaaS

PTC le sait. Une gestion simplifiée des installations et des mises à jour ne suffira pas à convaincre ses clients de migrer vers Creo +. L’éditeur présente ainsi une fonctionnalité propre à cette offre SaaS : la collaboration en temps réel ou différé. Avec cette option, il sera possible à plusieurs ingénieurs de travailler simultanément sur le même projet. Lors de LiveWorx 2023, l’éditeur a effectué une démonstration pendant laquelle quatre ingénieurs modifiaient les pièces d’un rotor d’hélicoptère. En revanche, cette fonctionnalité ne prend pas en charge la modification concurrente de pièces.

L’éditeur justifie ce choix par les plausibles problèmes de synchronisation qui en résulterait. Pour éviter ce problème, le système de partage verrouille l’élément manipulé par un usager, ce qui empêche son accès à un autre utilisateur. Selon PTC, cette fonctionnalité accélérerait le développement de produits tout en favorisant la communication entre les concepteurs.

En 2024, Creo+ bénéficiera d’une intégration avec Windchill+ et permettra aux administrateurs de gérer les configurations. L’éditeur prévoit de lancer la même année une fonctionnalité de « streaming » afin d’afficher des modèles sur des machines distantes. Il a aussi pour volonté d’améliorer la télémétrie de son outil dans le but de l’adapter à ce nouveau mode d’administration.

« Nous voulons proposer nos logiciels à la demande, comme le font déjà Workday, Salesforce et bien d’autres. »
Jim HeppelmannPDG de PTC

Mais l’éditeur doit aussi expliquer en quoi Creo+ est différent d’OnShape. En effet, ce dernier est aussi un outil CAO doublé d’un PDM. Les porte-parole de PTC tiennent à préciser qu’OnShape et Arena se destinent à des entreprises dont les besoins de conception et de gestion du cycle de vie produit sont moins avancés que ceux utilisant Creo et Windchill. D’après la liste fournie par l’éditeur, les usagers d’OnShape développent davantage de produits grand public. C’est le cas de Garmin, du Français Withings, ou encore Sonos. Certaines startups choisissent tout de même cette offre pour concevoir des systèmes plus complexes.

« Nous voulons proposer nos logiciels à la demande, comme le font déjà Workday, Salesforce et bien d’autres », avance Jim Heppelmann, PDG de PTC, lors d’un point presse de l’événement LiveWorx 2023. « La disponibilité de plusieurs solutions similaires pour différentes catégories n’est pas une nouvelle chose dans notre secteur. Des concurrents le font déjà », rappelle-t-il.

En effet, Siemens a lancé son offre NX X, tandis que Dassault Systèmes a également décliné sa gamme de produits CAO et PLM pour les acteurs de la grande distribution et du commerce.

Une solution de gestion d’abonnements dans le cloud avant tout

Pour autant, cela ne veut pas dire que PTC compte exécuter – dans l’immédiat – son logiciel CAO dans le cloud. « Creo a été conçu pour s’exécuter sur des stations de travail et nos clients ont des exigences en matière de temps de latence et de gestion de données », indique Brian Thompson, Vice-président et directeur général du segment CAO chez PTC. « Certains clients utilisent nos logiciels depuis des installations VDI ou DaaS, mais cela réclame une puissance de calcul importante et implique de la latence », prévient-il. « Nous percevons davantage un intérêt pour l’élasticité du cloud dans l’exécution de simulations très gourmandes en ressource ».

« Nous percevons davantage un intérêt pour l’élasticité du cloud dans l’exécution de simulations très gourmandes en ressource ».
Brian ThompsonVP et DG du segment CAO, PTC

Peu importe la suite sélectionnée, cela pourrait induire un changement de modèles pour les partenaires de PTC, notamment pour ceux qui revendent et mettent à jour les outils CAO et PLM. Ces partenaires devraient toutefois continuer à travailler avec les clients de l’éditeur bostonien. Beaucoup de grands industriels déploient des environnements spécifiques que Creo + ne supporte pas nativement dans sa forme actuelle. Les partenaires pourront œuvrer auprès de ces clients pour simplifier les intégrations avec des modules nécessaires dans leur cycle CAO-PLM ou les aider à maîtriser la suite censée être hautement configurable. En ce sens, PTC entend introduire un outil de gestion des spécifiques et un mode de consommation prépayé en 2025.

PTC s’est montré discret concernant la tarification de Creo+, mais prévient qu’un siège coûtera plus cher qu’une licence OnShape (2 500 dollars par utilisateur par an pour l’édition Professionnal). De manière générale, l’offre SaaS de PTC ne sera pas moins chère, signale Jim Heppelmann, mais offrira « davantage d’intégrations, de sécurité et d’accès à l’innovation ». Cela devrait éviter, pour certains, de violents sauts générationnels entre deux versions d’un outil CAO impliquant le changement d’un parc de machines, du ou des HPC en place, ou encore de la conduite de grands programmes de formations.

SaaS : une plus forte réticence en Europe et dans certains secteurs clés

Dans un même temps, l’équipe dirigeante de PTC a parfaitement conscience qu’un certain nombre de clients ne sont pas prêts à adopter Windchill + (impliquant la migration de données vers le cloud) ou Creo +. « Nous avons discuté avec un certain nombre de nos clients, dont ceux du secteur de l’aérospatial et de la défense. Ceux-là veulent conserver une gestion interne et sur site de leur parc logiciel », indique Brian Thompson.

« Nous ne sommes pas encore prêts à offrir une solution SaaS à nos clients de l’aérospatial et de la défense. Ils réclament des garanties que nous ne pouvons pas encore leur offrir », précise Olivier Helterlin, directeur des opérations France et Benelux chez PTC. En ce sens, l’éditeur prévoit d’obtenir les certifications adéquates d’ici à 2025.

L’éditeur ne veut pas laisser à penser que la version SaaS de son logiciel de CAO prendra le dessus sur sa gamme de produits existants. « Creo et Creo+ s’appuient et s’appuieront sur un code source identique », assure Brian Thompson. « Nous nous préparons à maintenir les deux versions de manière indéfinie. Cela ne nous coûte pas plus cher de maintenir les deux versions », ajoute-t-il.

Lors du LiveWorx 2023, LeMagIT a constaté la traction de l’éditeur chez les industriels européens. Mercedes, Burckhardt Compression, Safran, Volvo Truck, Volkswagen ou encore le géant de l’éolien Vestas étaient largement mis en avant. « La croissance de PTC est portée par l’intérêt de nos clients européens », confirme Olivier Helterlin. « […] Les Européens ne sont pas encore de très bons élèves en ce qui concerne l’adoption des offres SaaS », ajoute-t-il.

L’éditeur américain distingue des différences suivant les marchés locaux. Par exemple, Creo et OnShape ont plus de mal à se faire une place en France. « Concernant la CAO et le PLM, en France, il semble exister une incitation gouvernementale [en faveur de Dassault Systèmes] dans des secteurs stratégiques tels que l’automobile, l’aérospatiale ou encore le nucléaire », pense Olivier Helterlin. « Ce qui n’est pas le cas au sujet de l’IoT, la réalité augmentée, de l’ALM ou du SLM ».

De manière générale, les résistances au SaaS sont éphémères, selon Jim Heppelmann. « La livraison de logiciels à la demande a dépassé celle des produits sur site. Croyez-moi, nous [le marché] ne reviendrons pas en arrière ».

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