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PLM en SaaS : PTC anticipe les effets de sa stratégie en France

Le spécialiste du PLM et de la CAO veut convaincre ses clients d’adopter ses produits SaaS. Une stratégie que la division française du groupe embrasse tout en se préparant à une longue transition.

Si l’éditeur américain utilise la terminologie SaaS depuis son passage au modèle à la souscription entre 2015 et 2016, techniquement ses logiciels reposent sur des « services cloud managés ».

« Si l’on se met à la place du client, cela veut dire que l’on reçoit sa proposition logicielle en sus d’une proposition d’hébergement et de gestion de son périmètre applicatif », affirme Olivier Helterlin, PDG de PTC France, lors d’un point presse. « Autrement dit, PTC prend la responsabilité de l’ensemble des charges de travail dans le cloud, mais avec les mêmes problèmes que sur site. Il n’y a pas de mutualisation ».

C’est en train de changer.

Depuis deux ans, l’éditeur spécialiste du PLM et de la CAO adapte ses solutions « cœurs » que sont Windchill et Creo à sa nouvelle plateforme cloud-native, nommée Atlas, hébergée sur Microsoft Azure.

L’enjeu de taille pour l’éditeur est de convaincre ses clients, principalement des acteurs industriels, d’adopter son PLM SaaS, Windchill +, disponible depuis l’été 2022, et son outil de CAO à la demande Creo + dont la disponibilité est prévue pour l’été prochain.

Atlas devient également le socle des différentes acquisitions réalisées par l’éditeur depuis bientôt trois ans. À la fin de l’année 2020, PTC a mis la main sur Arena Solutions, l’éditeur d’un PLM SaaS. Un an auparavant, il a racheté OnShape, éditeur d’une solution CAO, elle aussi en mode SaaS.

Le 3 janvier dernier, l’éditeur américain a signé l’acquisition de ServiceMax auprès de GE Digital pour 1,5 milliard de dollars. ServiceMax est un éditeur de logiciels SaaS de Field Service Management (FSM) et d’Enterprise Asset Management (EAM). Ces solutions seront intégrées à l’offre PLM de PTC en vue d’améliorer le suivi et l’entretien des produits gérés à partir de Windchill.

Windchill + et Creo + : PTC déroule sa stratégie SaaS

Certains clients seraient intéressés pour adopter ces solutions à la demande qui, en règle générale, relèveraient le niveau de sécurité et s’avéreraient plus aisées à gérer que les plateformes déployées sur site. De même, PTC entend accélérer la livraison des nouvelles fonctionnalités aux utilisateurs. Pour l’éditeur, il s’agit d’aligner sa feuille de route technique sur ses objectifs financiers tout en simplifiant – à terme – la gestion des déploiements cloud.

« L’année dernière, nous avons embauché 1 200 personnes à la R&D afin de soutenir cet effort. C’est un investissement sur cinq ans pour convertir et réécrire nos logiciels en SaaS, mais nous savons qu’une offre comme Creo Plus aura un gros impact sur le marché », anticipe Olivier Helterlin.

Cela implique une migration des systèmes existants des clients vers ces nouvelles offres SaaS. Si la transition vers une offre CAO en cloud semble à portée de main (une bonne partie des clients auraient déjà migré ces charges de travail vers les HPC en cloud), il faudra « décustomiser » le PLM. DxP Services, une entité cédée par PTC à l’intégrateur ITC Infotech, s’occupera en exclusivité du lift and shift des données de Windchill vers Windchill +. Les intégrations avec les systèmes des clients en amont et en aval, ainsi que la standardisation du code seront opérées par les intégrateurs des clients. « Nous formons nos partenaires pour standardiser les instances Windchill ».

« Nous ne sommes pas méchants. Si les entreprises ne sont pas satisfaites, elles peuvent ne pas renouveler la souscription à la fin du contrat ».
Olivier HelterlinPDG, PTC France

PTC pourrait être accusé de vouloir rendre captifs ses clients d’une offre SaaS. « Nous ne sommes pas méchants. Si les entreprises ne sont pas satisfaites, elles peuvent ne pas renouveler la souscription à la fin du contrat », répond Olivier Helterlin.

En outre, le PDG affirme que la plateforme Atlas, tout comme les logiciels SaaS qu’elle héberge, est ouverte. Sur son site Web, l’éditeur vante la prise en charge des protocoles REST, OSLC, STEP, ainsi que ses connecteurs vers les ERP et les MES du marché.

Une transition qui débute à peine en France

Historiquement dans la région France-Bénélux, PTC a pour clients quelques grands noms de l’aérospatial et de la défense. L’éditeur développe également son activité dans les secteurs du luxe (Richemont, entre autres), des transports – le rail et l’automobile – (Faurecia, par exemple), ainsi que de l’énergie.

Les clients seraient « dans l’ensemble satisfaits ». « Cela fait deux années de suite que notre région connaît la plus forte croissance au sein du groupe. Et nous avons un taux de renouvellement très élevé en France », annonce fièrement le PDG français.

Cependant, PTC France a bien conscience que tous les clients n’accepteront pas de basculer l’entièreté de leur PLM dans le cloud. « Nous voyons se dessiner une tendance à conserver les déploiements sur site contenant beaucoup de propriétés intellectuelles accessibles à peu d’utilisateurs experts. À l’inverse, quand il y a beaucoup d’utilisateurs, mais que cela concerne des flux d’approbation, des transferts de documents moins sensibles, de la gestion documentaire, les entreprises sont enclines à migrer ces charges de travail dans le cloud et en SaaS », envisage le PDG. « Nous savons gérer cette hybridité ».

Pour l’instant, PTC France cible les PME et les ETI, qu’elles soient déjà clientes ou non. Ces entreprises de plus petite taille auraient davantage de facilité pour effectuer de nouveaux déploiements ou pour basculer leurs systèmes existants en mode SaaS, selon Olivier Helterlin.

Le PDG informe qu’aucun client sur le territoire France-Benelux n’a effectué cette migration. En revanche, il évoque le cas de l’équipementier automobile allemand Balluff (410 millions d’euros de CA en 2020) dont la migration vers Windchill + serait en bonne voie.

Olivier Helterlin le sait, la migration des clients vers le SaaS prendra plusieurs années, comme ce fut le cas lors du changement de modèle économique. Si la très grande majorité des clients PTC ont adopté le modèle à la souscription depuis 2016, le PDG doit « encore convertir les derniers clients » à posséder des licences perpétuelles. « Je pense que l’on va suivre la même trajectoire avec le move-to-SaaS ».

Vendre des « bouquets de services »

Outre la sécurité, la gestion IT simplifiée, l’ouverture de la plateforme vers l’extérieur, l’éditeur a d’autres arguments pour convaincre les clients et les prospects de le suivre dans le cloud.

« Il y a deux ans, PTC proposait les plateformes Windchill et Creo d’un côté, puis Thingworx (IoT) et Vuforia (Réalité augmentée) de l’autre », rappelle Olivier Helterlin.

Si techniquement ce sont bien des plateformes, ce n’est plus ce que souhaite vendre l’éditeur. « Il s’agit de revenir à des fondamentaux. L’idée est de cesser de mettre sur le marché des plateformes, mais plutôt des modules correspondant à des besoins métiers », explique-t-il.

« L’idée est de cesser de mettre sur le marché des plateformes, mais plutôt des modules correspondant à des besoins métiers ».
Olivier HelterlinPDG, PTC France

Par exemple, lors de Microsoft Envision France, l’éditeur présentait DPM – Digital Performance Management –, une extension de ThingWorx reposant sur une méthodologie pensée à l’origine par McKinsey. « Ce n’est pas du tout un MES », assure Olivier Helterlin. Visuellement, ce logiciel de mesure de la performance industrielle semble reprendre à son compte quelques fonctionnalités analytiques d’un Manufacturing Execution System. « L’objectif est de mesurer des heures de productivité sur un site industriel et de qualifier les pertes : des coupures d’électricité, des absences de personnels, des pannes, etc. », distingue le PDG.

L’éditeur a d’autres « petites applications » pour l’asset management ou encore la transmission d’informations depuis les solutions CAO/PLM vers les logiciels des lignes de production.

En lien avec cette stratégie modulaire, PTC souhaite proposer des « bouquets de services » qui combineraient plusieurs produits en vue de répondre à des cas d’usage spécifiques.

Software Defined Vehicle: regain d’intérêt pour l’ALM dans l’automobile

C’est pour l’instant un élément sur la feuille de route. « L’idée est d’atteindre cet objectif dans trois ans, en proposant un continuum de l’ingénierie jusqu’au manufacturing, en incluant l’ensemble des produits PTC, y compris nos technologies IoT et de réalité augmentée », présente-t-il.

Dassault Systèmes, grand concurrent de PTC en France, a déjà adopté une stratégie similaire à travers sa plateforme 3DEXperience.

Il ne faut pas oublier cette spécialité locale : cette compétition en France, particulièrement dans le secteur aéronautique et dans l’automobile, force l’éditeur américain à se différencier. Il pourrait avoir trouvé la solution en lien avec la constitution de bouquet de services.

En mai dernier, PTC a dévoilé le rachat d’Intland, éditeur allemand des solutions ALM et ELM Codebeamer et Codebeamer X. Elles aussi sont vouées à rejoindre la plateforme cloud-native. Plus particulièrement, l’éditeur souhaitait augmenter les capacités d’Integrity (issu du rachat de MKS en 2011). « Integrity couvrait bien les besoins de l’ingénierie des systèmes basée sur les modèles, moins la gestion des exigences, des tests et des validations logiciels », avance le PDG de PTC France. « Nous avons désormais une R&D commune à Integrity et Codebeamer ».

Cette combinaison intéresserait plus particulièrement les fabricants de véhicules terrestres, aériens et navals. « L’automobile est l’exemple le plus criant. Il est important pour ces industriels de gérer le cycle de vie de leurs logiciels en même temps que celui de leurs produits mécaniques. Codebeamer est la seule solution qui permet de répondre aux deux exigences simultanément », vante Olivier Helterlin.

« En France, Codebeamer est une nouvelle porte d’entrée dans le monde de l’automobile. Demain, ces fabricants veulent faire des “Software Defined Vehicle” ».
Olivier HelterlinPDG, PTC France

Habituellement, les effets d’un rachat effectué par le groupe américain mettent quelque temps à avoir des répercussions sur le marché français. « Au moment de l’acquisition d’Intland, l’éditeur était dans une campagne avancée en France avec Valeo », raconte le PDG. « Intland avait un modèle de licence perpétuelle, PTC offre ses solutions en mode souscription avec des conditions générales différentes ».

Cela n’aurait pas dissuadé l’équipementier. « J’ai d’abord fait la connaissance avec Valeo, et nous avons conclu afin de déployer des logiciels pour 10 000 utilisateurs », se réjouit-il.

En clair, Codebeamer est considéré comme un nouvel atout pour l’entité française. « En Allemagne, les fabricants et les équipementiers automobiles ont largement adopté les solutions de CAO et PLM de PTC. En France, Codebeamer est une nouvelle porte d’entrée dans le monde de l’automobile. Demain, ces fabricants veulent faire des “Software Defined Vehicle” », avance Olivier Helterlin.

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