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SAP : des assistants Joule spécialisés par métier

L’éditeur allemand dévoile une nouvelle génération d’assistants d’intelligence artificielle (IA) conçus pour s’adapter aux différents rôles métier et orchestrer des agents capables d’exécuter des tâches complexes dans la Business Suite.

SAP a annoncé l’arrivée de nouveaux assistants Joule spécialisés par fonction. Conçus pour accompagner les collaborateurs dans leurs tâches quotidiennes, ces assistants sélectionnent et pilotent des agents d’IA chargés d’exécuter les workflows appropriés au sein de la suite Business Suite.

Présentés à l’occasion de la conférence SAP Connect à Las Vegas, ils s’accompagnent d’importantes évolutions sur les solutions de gestion des achats, de la chaîne d’approvisionnement et de l’expérience client.

L’IA s’impose au cœur de l’ERP

Ces annonces prolongent la vision présentée par SAP lors de sa conférence Sapphire en mai dernier : l’IA, les applications et les données qui interagissent pour créer un effet d’accélération.

Positionné au-dessus des applications, l’assistant Joule observe les conditions, envoie des alertes, propose des recommandations et, dans certains cas, exécute directement des transactions pour le compte des utilisateurs.

« L’IA la plus contextuelle est celle qui crée le plus de valeur », vante Muhammad Alam, membre du directoire de SAP responsable de la stratégie produit et de l’ingénierie applicative. « Cela suppose un accès non seulement aux données d’un ou deux domaines, mais à l’ensemble d’entre eux, tout en tenant compte des processus métier et des rôles concernés. »

Les nouveaux assistants spécialisés sont conçus comme des « partenaires » pour les utilisateurs. Joule choisit et gère les agents IA nécessaires à l’exécution des workflows appropriés parmi tous ceux de la suite applicative.

SAP a également dévoilé des agents qui couvrent des fonctions clés comme la finance, les ressources humaines, la supply chain, le CRM ou les achats.

Parmi eux, un agent de gestion de trésorerie est capable d’analyser les relevés bancaires pour faciliter la réconciliation du grand livre et identifier les tensions sur les liquidités. Dans les RH, un agent de gestion des talents est capable d’examiner les plans de succession pour repérer les futurs leaders et élaborer des plans de développement adaptés.

Depuis l’émergence de l’IA générative (GenAI) en 2022, SAP affirme que les chatbots deviendront la nouvelle interface utilisateur de ses applications ERP. Les assistants Joule spécialisés vont plus loin : ils sont censés éloigner encore davantage les utilisateurs des menus et des commandes complexes de l’ERP traditionnel.

Repenser l’interface utilisateur de l’ERP

Cette évolution suscite néanmoins des débats.

Jon Reed, cofondateur du cabinet d’analystes Diginomica, dit comprendre la logique de SAP. « C’est celui qui contrôle l’UI qui contrôle aussi une part stratégique de la relation client », rappelle-t-il. Face à des concurrents comme ServiceNow, qui proposent des interfaces simplifiées vers des systèmes back-end, SAP doit rester compétitif. « SAP veut rester l’éditeur avec lequel vous interagissez pour agir », résume-t-il.

Mais il faut trouver un équilibre entre d’une part les grands modèles de langage (LLM), probabilistes et efficaces pour l’exploration de données, et les workflows de l’ERP, déterministes, conçus pour exécuter et consigner des transactions.

« Il ne s’agit pas seulement d’accéder aux données, mais de finaliser des transactions conformes et fiables à 99,9 %. Ce ne sont pas les points forts de l’IA actuelle », souligne Jon Reed.

Les assistants Joule spécialisés participeront à cet équilibre. « Leur spécialisation permet d’éviter certains écueils : ils se concentrent sur des rôles précis et s’appuient sur des données très spécifiques, ce qui aide les LLM à prendre de meilleures décisions », ajoute-t-il.

Connecter les données sans les dupliquer

SAP s’attaque aussi à la dimension data de sa stratégie, en lançant Business Data Cloud (BDC) Connect, une évolution de sa plateforme SaaS destinée à unifier et gérer les données SAP et non SAP.

Cette nouvelle version propose un lien bidirectionnel sécurisé entre BDC et les plateformes partenaires. Grâce au principe du zero-copy sharing, les données restent dans les systèmes SAP, mais les clients peuvent y accéder depuis leurs plateformes existantes sans duplication.

Les premiers partenaires annoncés sont Google Cloud et Databricks. Cette extension s’inscrit dans une approche d’« écosystème de données ouvert », selon SAP.

De nouvelles applications pilotées par l’IA

SAP a également présenté deux nouvelles applications construites principalement sur l’IA, ainsi qu’une refonte « IA native » d’Ariba, sa plateforme d’achats acquise en 2012. Cette dernière, désormais bâtie sur la Business Technology Platform (BTP), bénéficie d’une expérience utilisateur « modernisée », alors qu’elle était jugée « très perfectible » jusqu’ici.

« C’est un changement majeur », estime Joshua Greenbaum, directeur du cabinet Enterprise Applications Consulting. Pour lui, cette réécriture est plus importante encore que la refonte de l’interface, car elle permet à Ariba de fonctionner dans une multitude d’environnements (y compris hybrides), combinant cloud public, cloud privé et infrastructures sur site. « Cela la rend déployable dans quasiment tous les scénarios imaginables », précise-t-il.

Autre nouveauté, l’application SAP Supply Chain Orchestration, qui associe Joule à un knowledge graph dynamique pourra détecter les risques dans la chaîne d’approvisionnement et orchestrer les réponses appropriées.

SAP a également levé le voile sur SAP Engagement Cloud, un système unifié d’engagement client qui s’appuie sur BDC pour intégrer l’ensemble des données clients et opérationnelles. L’assistant Joule et l’IA embarquée y automatisent les décisions et aident à lancer plus rapidement des campagnes, tout en généralisant la personnalisation à grande échelle.

Ces nouvelles applications doivent être disponibles en 2026.

Une intégration poussée de l’ensemble de la suite

Tout au long de 2025, SAP a cherché à repositionner des plateformes qu’il a rachetées comme Ariba ou Concur pour en faire des composants étroitement intégrés de sa Business Suite, dont S/4HANA Cloud constitue le cœur.

« Tout cela change avec la nouvelle Business Suite et la vision d’un écosystème applicatif et de données sans couture, que les humains comme l’IA peuvent parcourir librement. »
Manoj SwaminathanDirecteur général et directeur produit de la Business Suite, SAP

Dans le secteur de l’ERP, cette intégration est jugée essentielle à l’efficacité de l’IA : les agents, qui fonctionnent presque toujours dans le cloud, doivent pouvoir « traverser » les différentes applications pour exécuter des processus comme le ferait un humain.

Manoj Swaminathan, directeur général et directeur produit de la Business Suite, affirme que ce niveau d’intégration est désormais atteint. « Toutes nos applications sont intégrées nativement. Les clients n’ont plus à configurer ou à relier manuellement ces solutions lors de leur mise en œuvre finale », assure-t-il.

Il reconnaît néanmoins que ces acquisitions – Ariba, Concur, Fieldglass – ont longtemps fonctionné comme des entités distinctes. « Tout cela change avec la nouvelle Business Suite et la vision d’un écosystème applicatif et de données sans couture, que les humains comme l’IA peuvent parcourir librement. »

Holger Mueller, vice-président et analyste principal chez Constellation Research, rappelle que cette séparation initiale suivait une logique. « La politique de SAP consistait à ne pas bouleverser les entités acquises. » Mais l’intégration a ensuite été négligée. « SAP doit aujourd’hui rattraper ce retard. »

Les progrès devraient s’accélérer, estime l’analyste, depuis que Muhammad Alam, issu de la branche « spend » (Ariba, Concur, Fieldglass), pilote désormais l’ensemble des applications. « Il doit résoudre les problèmes côté dépenses, mais aussi rassembler l’ensemble », souligne-t-il. Le regroupement des conférences propres à chaque entité en un seul événement Connect illustre également cette volonté de convergence.

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