À qui s’adressent véritablement les plateformes low-code/no-code ?

D’apparence, les outils de low-code/no-code semblent conçus pour des populations peu formées au développement : des développeurs « citoyens ». Cette image d’Épinal ne reflète pas la réalité selon les consultants d’OCTO Technology.

Les plateformes low-code/no-code tendent de répondre à la complexification des technologies, des usines logicielles, au maintien des applications et à la pénurie de développeurs. En clair, les utilisateurs de ces solutions veulent faire plus avec moins, à l’aide d’un environnement de développement consolidé. 

Selon les éditeurs, les plateformes de développement low-code/no-code sont en premier lieu conçues pour accélérer les développements, peu importe le profil des utilisateurs.

Les plateformes doivent couvrir la quasi-totalité du cycle d’applications, de la conception, en passant par l’exécution et la maintenance. Elles promettent une démocratisation du développement.

Trois profils d’utilisateur et une profusion d’outils low-code/no-code

Alain Fauré et Laurent Sollier, deux consultants du cabinet Octo Technology, illustrent des nuances applicables aux outils de low-code/no-code.

Pléthore de solutions sont disponibles sur le marché. Salesforce, Mendix, Bizagi, Caspio, Appian, Google, ServiceNow ou encore PegaSystems sont quelques-uns des éditeurs qui composent ce paysage que les consultants d’OCTO divisent en catégories d’usage.

« Quand les éditeurs conçoivent une plateforme low-code/no-code, la variable d’ajustement c’est la facilité d’utilisation. L’outil peut être simple à prendre en main, s’appuyer sur une modélisation accessible avec la contrepartie d’une plus faible flexibilité. Vous serez limité dans le type d’applications réalisables et dans le niveau de contrôle », explique Alain Fauré, Manager Référent chez OCTO Technology.

Le low-code/no-code répondrait aussi à différents besoins de trois populations : des entrepreneurs, des collaborateurs et des développeurs.

L’entrepreneur

L’entrepreneur doit rapidement prouver la pertinence de son modèle économique. Il n’a pas forcément de compétences en développement. Surtout, son temps et ses ressources sont comptés. Il a tout de même besoin de créer un prototype, de déployer un MVP (minimum viable product), pour ensuite mettre en production son application, si possible de manière automatisée.

Un seul outil no-code ne suffit pas à couvrir tous ses besoins. « Il faut assembler un ensemble d’outils spécialisés dans un domaine pour accomplir cette tâche », constate Alain Fauré. Des outils comme .bubble, SquareSpace ou Webflow vont servir à créer son site web.
Buildfire, Drop Source ou Glide permettront de réaliser une première application mobile. Caspio, Quickbase ou Google Sheet doivent faciliter la gestion des données, tandis que la synchronisation de ces briques peut être confiée à des automatiseurs comme Power Automate, Zappier ou n8n.

Toutefois, il faut se renseigner sur les briques compatibles entre elles. Cela demande soit un temps de recherche, soit de passer par une formation de quelques jours.

Alain Fauré prend l’exemple de Comet, une startup spécialisée dans la mise en relation de freelances IT avec des entreprises. Celle-ci a commencé par coupler .bubble à Google Sheet et à l’outil de relation client Crisp, le tout relié via Zappier pour concevoir son site web/plateforme de mise en relation.

Chacune de ces briques est conçue pour être utilisée depuis une interface visuelle, un IDE manipulable à la souris et au clavier. Un outil comme Glide promet à partir d’un fichier Google Sheet de créer et de publier une application mobile en cinq minutes. Glide analyse les colonnes, les lignes et les cellules du fichier .csv. L’exemple utilisé par l’éditeur vise à créer un organigramme d’une entreprise. Le fichier Google Sheet contient des colonnes de noms, de fonctions, de numéros de téléphone, de mails et de liens vers des images. Glide génère automatiquement un front-office qu’il est possible de modifier visuellement avec des couleurs, des icônes, des polices de texte, etc.

« S’il n’y a pas besoin de coder, il faut tout de même réfléchir aux fonctionnalités de l’application, aux flux et aux ressources nécessaires à son fonctionnement. »
Alain FauréOCTO Technology

Les consultants d’OCTO l’ont adapté pour créer une application qui liste les intervenants présents lors de la Duck Conf 2020. La création du fichier Google Sheet, les modifications nécessaires du template proposé par Glide, l’ajout d’images et la publication ont réclamé un jour de travail pour une personne. « S’il n’y a pas besoin de coder, il faut tout de même réfléchir aux fonctionnalités de l’application, aux flux et aux ressources nécessaires à son fonctionnement », estime le consultant.

Le collaborateur

Le collaborateur veut en premier lieu automatiser les tâches opérationnelles les plus chronophages et gagner en autonomie. Il n’a en revanche pas de ressources financières pour développer une application pour quelques utilisateurs et ne veut pas dépendre de la DSI, selon les consultants d’OCTO.

Il peut donc passer par les outils « intégrés à la bureautique », dont les coûts de licence et la sécurisation sont déjà pris en compte par son entreprise. Ces outils sont low-code cette fois-ci. Un des représentants de ce type d’outils se nomme Microsoft Power Apps (Bizagi s’inscrit également dans cette catégorie).

La SNCF a ainsi combiné Power Apps, Power BI et Power Automate. Elle a formé 150 experts et a rassemblé une communauté de 2 500 membres développeurs/utilisateurs. Cela a permis de créer des dizaines d’applications personnalisées pour répondre à des besoins spécifiques (contrôle qualité, rapport d’incidents techniques, réservation de véhicules, etc.).

Cette plateforme, opérée par Microsoft et accessible depuis Office 365, est plus complexe à prendre en main que Glide. Pour essayer de reproduire l’application associée à l’événement d’OCTO, une personne avec des antécédents de développeur a dû se former trois jours et a pu obtenir une V1 après trois autres jours de développement. Il faut plus de tables Excel, des formes, des galeries, des widgets à modifier, des fonctions à coder.
« L’on passe d’une plateforme où il n’y a besoin d’aucune connaissance particulière à une autre où il faut assimiler des notions telles que celles de composant graphique, d'évènements, d'organisation de code, d'appel de fonctions, de paramètres. Pour un développeur, cela ne paraît pas compliqué. Pour un collaborateur lambda, un temps de formation est nécessaire ».

Dès lors, la DSI doit intervenir pour la sécurisation et l’administration de l’outil. La direction doit communiquer sur les usages et former les collaborateurs.

L’architecte/développeur

Ce persona a assurément une expertise IT. Il connaît les contraintes de développement et de maintien d’une application. Il doit répondre aux besoins métiers en fournissant des fonctionnalités génériques, intégrer ses applications à un SI existant tout en se libérant d’une certaine complexité technique liée à la montée de version, par exemple.

Une plateforme low-code/no-code doit l’aider à répondre à des enjeux de réduction de temps de déploiement auprès des utilisateurs métiers, d’automatisation des tâches d’exploitation et à reconvertir des développeurs qui ne sont pas formés aux approches modernes (architecture en microservices, containerisation, recours aux API REST, etc.).

Cette plateforme doit s’intégrer avec les composants du SI (bases de données, passerelles, API, applications, etc.) et à l’usine logicielle tout en proposant une approche de développement par modélisation.

Certains acteurs ciblent davantage ces développeurs. C’est le cas d’éditeurs comme Appian, Mendix ou PegaSystems qui fournissent davantage d’options avancées. Cette complexité accrue nécessite un temps de formation plus long, selon les consultants.

Un éditeur comme Pega prend l’angle du CASE management pour proposer un outil qui doit offrir une gestion des processus et logiques métiers avec un niveau d’industrialisation supérieur.

« Ce type de solutions low-code va s’appuyer sur un haut niveau de compétences. La formation va être plus complexe », déclare Laurent Sollier, architecte SI – Manager chez OCTO Technology.

PegaSystems propose quatre niveaux de certifications pour les architectes système, deux niveaux pour les technico-commerciaux, et quatre autres pour les métiers. La Pega Academy contient (au 17 avril 2020), 216 modules, 96 cours et 24 examens.

« Vous pouvez reconvertir vos développeurs en deux à trois mois de formation afin d’avoir à votre disposition un vivier de personnes capables de réaliser des applications. »
Laurent SollierOCTO Technology

Cette profusion de formation n’est pas un problème selon Laurent Sollier. « Vous pouvez reconvertir vos développeurs en deux à trois mois de formation afin d’avoir à votre disposition un vivier de personnes capables de réaliser des applications », assure-t-il.

Toutefois la plupart de ces outils adressés aux collaborateurs et aux développeurs sont particulièrement soumis à l’enfermement propriétaire. « Une fois que l’on a adopté une plateforme, elle va nous suivre sur de nombreuses années. L’entreprise client doit intégrer dans le modèle économique de l’application le fait qu’elle sera amenée à travailler près de dix ans avec le même fournisseur », conclut Laurent Sollier.

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