Cisco se restructure encore pour économiser 1 milliard en 5 mois

Les ventes de l’équipementier s’écroulent, surtout aux USA et surtout à cause de la pandémie. La R&D sur l’infrastructure est gelée et les solutions seront vendues par abonnements.

La restructuration tumultueuse de Cisco n’est pas terminée. L’équipement entend désormais réagir à la baisse significative de ses revenus par des réductions drastiques de ses investissements, dont un « réajustement » de ses dépenses en R&D, et en mettant tous ses commerciaux sur le pied de guerre pour qu’ils vendent tous les produits par abonnements. Y compris les boîtiers réseau traditionnellement achetés comptants par les entreprises.

Cette nouvelle étape dans la restructuration de Cisco découle en partie des évolutions spectaculaires du marché provoqués par la pandémie de coronavirus. La demande des entreprises s'est déplacée vers des solutions favorisant le télétravail, à savoir plutôt des applications en cloud que des équipements pour muscler les datacenters privés.

Outre ce changement de priorités, les clients de Cisco ont également réduit leurs dépenses, en particulier aux États-Unis, où les différentes régions ont du mal à relancer leurs économies pendant que le virus se propage.

Un milliard d’économies à faire en cinq mois

Au final, l’équipementier vient d’indiquer que son chiffre d’affaires avait chuté de 9 % en un an, pour atteindre 12,15 milliards de dollars au cours du trimestre précédent, lequel s'est cloturé le 25 juillet. Pour le trimestre en cours, le premier de son année fiscale 2021, Cisco prévoit finalement une baisse de 9 à 11 % par rapport à l’année dernière.

Pour se relever, Cisco entend réduire ses coûts d'un milliard de dollars au cours des cinq prochains mois. Lors d’une conférence téléphonique avec des analystes, la directrice financière Kelly Kramer et le PDG Chuck Robbins n'ont pas ouvertement mentionné de licenciements. A la place, Kelly Kramer a évoqué des projets pour inciter les salariés à partir en retraite et, si cela ne suffit pas, « d’autres mesures seront envisagées pour atteindre l’objectif du milliard de dollars d’économie », a-t-elle dit.

« Oui, il est a priori certain que ces autres mesures seront des licenciements », commente l’analyste Patrick Moorhead, du cabinet d’études Moor Insights & Strategy.

Joignant le geste à la parole, la directrice financière a conclu en annonçant qu’elle venait elle-même de demander son départ à la retraite. Selon elle, personne ne l’aurait incitée à le faire. La quinquagénaire aurait juste considéré que le temps était venu pour elle de sortir de la vie active, malgré une carrière d’un peu moins de trente ans.

La stratégie risquée des abonnements

Concernant les investissements en R&D, ils seront recentrés sur les gammes de produits dont les ventes se portent encore bien. Il s’agit en l’occurrence des solutions collaboratives en cloud, des packages SD-WAN qui intègrent la cybersécurité et de deux types de logiciels : ceux qui contribuent à améliorer les performances des applications et ceux qui servent à automatiser le réseau.

Sur le fait de pousser les ventes par abonnement, Chuck Robbins déclare : « franchement, nous allons tester toutes les options, y compris dans la manière dont nous commercialisons nos équipements réseau traditionnels. Nous allons maximiser les offres d’abonnement d’ici à la fin de l’année. »

« Il y a certes une appétence générale pour les solutions vendues à l’usage, mais Cisco doit s’attendre à ce que ses clients prennent leur calculatrice pour vérifier que cette manière d’acheter les produits est réellement avantageuse », commente Andrew Lerner, analyste chez Gartner. « On se souvient combien les entreprises avaient manifesté leurs mécontentement suite aux licences par abonnement que Cisco proposait avec ses commutateurs Catalyst 9000 en 2017. Nous avons nous-mêmes reçu des plaintes de clients qui témoignaient d’une augmentation des coûts de possession à cause des formules d’abonnement de Cisco. »

« Si Cisco propose des abonnements comme une tarification simplement alternative, ça passera. Mais les clients seront très mécontents s’ils aperçoivent que Cisco s’en sert juste pour augmenter ses revenus sans fournir de fonctionnalités en plus », ajoute-t-il.

-16% de ventes pour les produits d’infrastructure

La plus forte baisse des revenus au cours du dernier trimestre a été enregistrée par les plates-formes d'infrastructure, parmi lesquelles les équipements réseau pour entreprises. Le chiffre d'affaires de cette catégorie de produits a chuté de 16 % en un an, pour tomber à 6,63 milliards de dollars.

Le CA des applications, y compris le portefeuille d’outils collaboratifs en cloud, a perdu 9 %, atteignant aujourd’hui 1,36 milliard de dollars. Seule la catégorie des solutions de cybersécurité a connu une hausse des ventes, de l’ordre de 10%. Mais c’est une maigre consolation : avec un CA de 814 millions de dollars, cette catégorie reste minoritaire au catalogue.

Et tout porte à croire que la situation n’est pas près de s’améliorer. « Lorsque je regarde les indicateurs du marché, j’ai l’impression que nous en sommes exactement au même point qu’il y a trois mois », a lancé Chuck Robbins lors du rendez-vous téléphonique.

Sur la scène internationale, seuls trois pays ont connu une hausse de leurs ventes au cours du trimestre précédent : le Japon, la Corée du sud et l'Allemagne. « Ce sont aussi les pays qui ont été les plus performants pour contrôler la propagation du virus », tente d’expliquer le PDG. Selon lui, les différentes antennes européennes de Cisco ne sont que moyennement optimistes quant à la relance de leurs activités, mais cela n’a rien à voir avec la situation aux USA où les ventes de l’équipementier sont parties pour s’écrouler dans des proportions dramatiques.

Seule étincelle d’optimisme, de nombreuses entreprises technologiques ont vu leur valeur chuter au cours de la pandémie et Cisco n’exclut pas d’en racheter quelques-unes à des prix intéressants pour dynamiser son catalogue.

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