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CCaaS : après le cloud, Genesys fait « all-in » sur l’IA

Genesys dit vouloir apporter à sa plateforme de centre de contact des outils d’IA agentique de plus en plus autonomes non pas (forcément) pour réduire les effectifs des centres de contact, mais pour gagner en satisfaction client.

Genesys organisait la semaine dernière son événement français à Paris.

L’un des leaders sur le marché des plateformes CCaS revendique plus de 7 000 clients et environ 2,2 milliards de revenus récurrents annuels.

Depuis l’arrivée de Tony Bates, actuel PDG de Genesys en 2019, l’éditeur a « fait all-in sur le cloud », selon Guillaume Lardeux, directeur de la transformation et membre du bureau des CEO, chez Genesys.

Un pari a priori gagnant. « Nous avons observé une accélération des migrations des centres de contact on premise vers le cloud », note-t-il. L’éditeur évoque 2 millions d’utilisateurs de Genesys Cloud.

Le passage au cloud a d’abord gagné en popularité aux États-Unis et en Amérique latine. Puis, en Europe, les grands groupes ont suivi, dont les institutions financières.

Parmi les clients présents lors du salon, Bouygues Telecom, BNP Paribas et Pluxee (Sodexo) témoignaient de leur adoption de Genesys Cloud.

BNP Paribas Personal Finance aurait ainsi économisé 5 millions d’euros et supprimé 15 outils au profit de la plateforme CCaaS/CX.

Un fin équilibre à trouver entre économie et satisfaction client

Évidemment, le secteur de l’expérience client se prend de plein fouet la vague de l’IA générative et sa petite sœur l’IA agentique. « Les clients qui sont sur le cloud sont bien positionnés pour adopter ce que nous offrons en matière d’IA », affirme Guillaume Lardeux. « Nous avions commencé à investir dans l’IA en 2018 avec l’acquisition d’Altocloud », rappelle-t-il.

« Nous sommes passés de la perception à la prédiction, puis au conversationnel avec les premières versions de bots. Ensuite, l’IA générative est arrivée. Cela nous a permis de proposer des solutions de copilote et les premières versions d’agents virtuels ».

BNP Paribas a commencé par l’adoption de voicebots, de chatbots, d’Agent Copilot, ce qui lui a permis de dévier 24 % des appels vers des canaux textuels.

Selon Guillaume Lardeux, l’IA agentique est « en train de changer le jeu ». « Elle offre la possibilité d’orchestrer des expériences, ce que nous ne pouvions pas faire jusqu’à présent ».

Il ne s’agirait pas (seulement) de réduire les coûts des centres de contact. Les clients auraient déjà optimisé/automatisé une partie des processus.

« Aujourd’hui, ce que l’IA nous permet de faire et ce que nos clients nous demandent dans des transformations plus stratégiques, c’est non seulement de faire de l’automatisation là où c’est possible, mais également trouver des solutions qui permettent de fidéliser les clients et même d’accélérer la croissance dans certains domaines », avance Guillaume Lardeux.

Un fin équilibre à trouver, donc, entre optimisation des coûts et satisfaction client.

La combinaison des humains et des solutions IA promet de « couvrir davantage de besoins ». Les agents humains s’occuperaient des tâches à plus forte valeur ajoutée, dont la vente croisée, l’augmentation du panier moyen et la résolution des situations les plus difficiles.

Une vision qui transparaîtrait dans le carnet de commandes de Genesys. « Nous observons une demande croissante de la part de nos clients », renchérit le dirigeant.

L’IA générative et agentique peut être mise au service des métiers, mais aussi en face des clients.

Pourtant, les études tendent à prouver une forme d’allergie des clients au contact des chatbots, textuels ou vocaux.

« Nous sommes quelque part victimes des premières versions de chatbots qui restaient très scénarisées. Dès que l’on sortait du script, le bot ne trouvait pas de solution », considère Guillaume Lardeux.

L’IA agentique permettrait de diriger les conversations en fonction de l’intention du client, de manière dynamique.

« Ce qu’apporte l’IA agentique aujourd’hui, c’est la capacité de créer ces conversations en temps réel, de les ajuster en fonction du ton émotionnel du client, en fonction du contexte qui peut évoluer, d’ailleurs, pendant la conversation ».

Un discours répété maintes fois par les éditeurs ces deux dernières années. Ad nauseam.

Une plateforme extensible

Alors, comment se distingue Genesys ?

« Nous nous différencions par notre approche plateforme avec Genesys Cloud. C’est une plateforme cloud native intégrée, qui n’est pas un patchwork de solutions », assure Guillaume Lardeux.

Cela le destine davantage à prendre en charge les besoins des ETI et des grands groupes aux processus plus complexes.

En cela, Genesys porte la même philosophie que ServiceNow ou Datadog. L’éditeur rachète des startups pour infuser leurs fonctionnalités dans sa plateforme, quitte à en réécrire une partie.

« Nous avons, de longue date, travaillé sur l’extensibilité de cette plateforme qui permet à nos clients et partenaires de bâtir des solutions. Nous l’avons fait avec nos API, et désormais au travers des protocoles comme MCP et Agent2Agent », poursuit-il.

Et de rappeler les liens de Genesys avec ServiceNow qui ont codéveloppé « Unified Experience ». Depuis septembre, la solution a été étendue afin de faire interagir les agents IA de Genesys avec les agents IA CSM de ServiceNow. L’agent IA ou le copilote de Genesys est chargé de détecter l’intention du client, tandis que celui de ServiceNow doit résoudre le problème évoqué ou répondre au besoin de l’usager.

Cette extension du partenariat technologique fait suite à l’annonce d’un investissement de 1,5 milliard de dollars de la part de ServiceNow et Salesforce dans Genesys.

« Avec Salesforce, nous proposons la solution CX Cloud », rappelle Guillaume Lardeux.

Outre ces solutions packagées, Genesys offre plutôt une boîte à outils.

Exemple, l’éditeur permettra en janvier à ses clients d’intégrer les modèles Text to Speech (TTS) de leur choix qui animeront les voicebots ou les serveurs vocaux nouvelle génération de ses clients. Genesys s’appuyait déjà sur Amazon Bedrock et permet de propulser les agents IA et les copilotes avec différents modèles de langage.

« La plateforme n’est pas verticalisée. En revanche, nous avons des équipes avant-ventes qui ont une expertise de domaines spécifiques afin de mettre en place des solutions adaptées », précise Guillaume Lardeux.

Ce sont justement les partenaires, éditeurs et intégrateurs qui développent des services par secteur. Eux peuvent proposer des applications dédiées depuis l’AppFoundry, la place de marché de l’éditeur.

Vers des agents IA autonomes de « niveau 5 »

La suite, pour Genesys, est bien évidemment centrée sur l’adoption de l’IA agentique par ses clients. « Nous faisons désormais “all-in” sur l’IA pour aider nos clients à s’équiper de ces solutions hybrides », affirme Guillaume Lardeux.

Comme Naveen Rao, CEO d’Unconventional AI et ancien directeur de l’IA chez Databricks-pilotes de course à ses heures perdues –, Genesys compare l’état de l’art de l’IA agentique au niveau d’autonomie des voitures.

« Les premiers copilotes représentaient le niveau 3 d’autonomie. Le niveau 4 c’est le passage à l’ère agentique avec l’abandon progressif des scripts au profit de système conversationnel dynamique », décrit le directeur de la transformation. « Nous nous dirigeons vers le niveau 5, qui est l’orchestration complètement autonome d’agents IA capables d’agir sans la validation d’un humain ».

Les protocoles comme MCP et A2A en seraient les premières briques.

Plus tard, Genesys imagine que des agents IA permettent d’interconnecter des divisions d’entreprise qui ne se parlaient pas jusqu’à présent. De couvrir l’ensemble du parcours client.

Les défis qui attendent Genesys

Genesys se garde bien de fixer une date pour le lancement de telles capacités. D’autant que, comme le reste du secteur IT, il doit résoudre plusieurs défis pour y arriver.

D’abord, pour que les agents IA performent dans un parcours client, ils doivent déléguer une partie des tâches à des systèmes déterministes.

« La plupart des LLM s’en sortent bien dans les tâches conversationnelles, mais lorsque l’on passe dans le monde déterministe – le transfert d’une somme d’argent, par exemple –, il n’y a pas de place pour les hallucinations », indique Guillaume Lardeux. « Nous commençons à voir l’émergence de “Large Action Models (LAM)” qui permettent de réduire le risque ».  

En ce sens, en octobre, Genesys s’est rapproché de Scaled Cognition, une startup fondée par des anciens de Microsoft qui a entraîné ce qu’elle appelle un « Agentic Pretained Transformer » (APT), un modèle de langage entraîné « pour les systèmes d’expérience client ».

Scaled Cognition s’est servi de données synthétiques pour que son « LAM » puisse répondre aux questions des utilisateurs et accomplir des actions. Elle applique des techniques similaires pour évaluer les agents IA en place. Pour l’instant, APT-1 n’est pas en disponibilité générale.

De même, Genesys recommande ses clients sur la réduction de la latence des modèles text to speech ou speech to speech.

Si Gartner atteste qu’une bonne part de la feuille de route est consacrée à l’IA générative, son évaluation dans le Magic Quadrant publié en septembre 2025 ne prend pas toutes les fonctionnalités en compte. Genesys Cloud AI Studio, AI Guides, les coachs IA, les assistants d’administration, la génération augmentée par la recherche (RAG), certains agents « virtuels » n’étaient pas encore en disponibilité générale.

Aussi, « les clients de Gartner expriment de plus en plus leur frustration face aux délais de déploiement de Genesys pour les projets d’IA, qui dépassent souvent les attentes initiales », écrivent les analystes dans le carré magique publié il y a un mois. « Les clients qui envisagent de déployer les capacités d’IA de Genesys doivent travailler en étroite collaboration avec leur équipe de compte pour valider la fonctionnalité proposée, la disponibilité des ressources de déploiement et l’état de préparation de leur propre environnement de données pour respecter les engagements de déploiement ».

Le revers de la médaille d’une plateforme hautement personnalisable. Justement, les utilisateurs, eux, reprochent à l’éditeur de ne pas pouvoir personnaliser certains flux de travail en glisser-déposer. D’autres préféreraient des fonctions analytiques et de reporting plus simple d’accès, selon les avis récoltés par Gartner et G2.

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