Dell EMC arrête la commercialisation de ses baies DSSD D5

Le système de stockage Flash à très hautes performances DSSD D5 est la première victime officielle de la fusion Dell EMC. Le constructeur a décidé d'en stopper la commercialisation pour se concentrer sur ses autres gammes Flash.

Lors de la fusion Dell EMC, les deux constructeurs avaient promis des roadmap claires pour les clients de leurs différentes lignes de produits. Dans le cas au moins d’un de ces produits, la feuille de route est limpide : depuis hier, la baie DSSD D5 de Dell EMC n’est plus. La firme a ainsi confirmé aujorud’hui au MagIT via un de ses portes-paroles qu’elle cessait la production de sa baie 100 % Flash de nouvelle génération après tout juste une année de commercialisation.

 Le DDSD D5 : une baie de stockage hors normes

Fruit de l’acquisition par EMC de la start-up DSSD en 2014, le DSSD D5 était un système unique en son genre. Capable de délivrer près de 10 millions d’IOPS avec une latence inférieure à 100 microsecondes, la baie avait été développée par une équipe d’ingénieurs venus de Sun Microsystems — dont Bill Moore et Jeff BonWick deux des créateurs du système de fichiers ZFS. La société avait été financée par Andy Bechtholsheim, le cofondateur de Sun (il avait le badge d’employé n° 1 et a conçu la première « Sparc station ») et d’Arista Networks.

La baie D5 s’appuyait sur une architecture optimisée pour délivrer des performances maximales. Elle pouvait accueillir 18 ou 36 modules flash propriétaires de 2 ou 4 To, connectés à la baie via le bus PCIe et supportant le protocole NVMe (pour une capacité totale brute allant de 36 To à 144 To). En face arrière, la baie disposait de 96 ports PCI-express Gen3 à 4 lignes connectés à la « fabric » PCIe interne de la baie (en fait un commutateur PCIe massif). C’est via des cartes PCI propriétaires que les serveurs pouvaient se connecter avec une latence minimale à la baie.

Selon le constructeur, il était possible de relier un maximum de 48 serveurs au D5 (chacun disposant de deux liens redondants vers les contrôleurs de la baie). Le système se comportait de ce fait plus comme un stockage en attachement direct que comme une baie SAN.

L’extrême performance de la baie DSSD avait toutefois un prix : plus d’un million de dollars par unité. Un prix qui a sans doute découragé plus d’un prospect et qui limitait le marché potentiel du système. D’autant que face à DSSD, plusieurs start-ups ont récemment émergé. Elles proposent des performances proches du système d’EMC, mais à des prix plus raisonnables, en s’appuyant sur une approche standard combinant disques NVMe et mise en œuvre de versions préliminaires du protocole NVMe over Fabrics (sur des réseaux 25, 40 et 100 Gigabit Ethernet) ou sur des approches logicielles innovantes. Parmi ces nouveaux entrants, on peut par exemple citer E8 Storage, Apeiron Data Systems ou Mangstor et l’Israélien Iguazio.

EMC devrait réutiliser les briques techniques de DSSD dans de futurs produits

DSSD est la première victime de la fusion Dell EMC dont nous avions prognostiqué qu’elle pourrait donner lieu à une rationalisation du portefeuille de baies de stockage Flash du constructeur. La technologie ne devrait toutefois pas disparaître. Dell EMC a indiqué que certaines technologies développées par l’équipe DSSD devraient être réutilisées dans de futurs produits. On peut ainsi imaginer que le savoir-faire en matière d’interconnexions PCIe et RDMA de la firme pourrait être appliqué à de futures baies haut de gamme. Une fabric PCIe commutée pourrait par exemple s’avérer utile pour démultiplier les performances de futures générations de contrôleurs VMAX en remplacement de la fabric interne Virtual Matrix actuelle, à base de liens Infiniband. De même, le savoir-faire NVMe de DSSD pourrait être très utile au développement de futures baies EMC faisant usage en interne de SSD ou de modules NVMe (voire de NVMe over Fabrics). Enfin l’expertise objet de DSSD pourrait venir enrichir celui de la division emerging technologies de Dell EMC.

DSSD : un produit de niche sacrifié au profit des VMAX 100% Flash et de XtremIO ?

Si l’arrêt de la commercialisation de la baie D5 s’explique sans doute largement par ses faibles ventes, il intervient aussi à quelques mois du lancement d’une version remaniée des baies XtremIO du constructeur et alors que les versions 100 % Flash des baies VMAX connaissent un vrai succès chez les clients existants du constructeur (malgré l’absence de la déduplication inline).

C’est un secret de polichinelle que les baies XtremIO actuelles ont des limitations, dont la plus gênante est l’obligation d’utiliser des configurations identiques pour l’ensemble des nœuds d’un cluster. Cela veut dire qu’un client qui a acheté deux Xbrick avec des disques de 400 Go il y a trois ans, doit acquérir aujourd’hui des Xbrick avec les mêmes disques (alors que, depuis, EMC a ajouté des SSD de 1,6 To à son catalogue). XtremIO ne dispose pas de mécanisme de réplication synchrone (il faut en passer par VPLEX), et son mécanisme de déduplication à base de taille de blocs fixe (8K) s’avère de façon générale moins efficace en termes de réduction de données que celui de concurrents comme Pure Storage (mais l’usage d’un mécanisme à base de taille de bloc variable à un impact sur la performance). Le support des VVOLs n’est également toujours pas présent dans la baie, etc.

Avec la prochaine version de XtremIO, EMC entend mettre un terme à certaines de ces limitations, notamment en permettant l’usage de nœuds différents, ce qui devrait permettre une plus grande flexibilité de configuration à ses clients. Les nouvelles baies devraient aussi utiliser des supports de stockage plus véloces avec sans doute le support de disques NVMe et s’appuyer également sur des interconnexions plus rapides, ce qui devrait encore doper leur performance.

Côté VMAX, le "Baby-VMAX" annoncé récemment (le VMAX 250F) a ouvert la porte à l’usage de contrôleurs Intel bien plus récents que ceux des modèles haut de gamme. Il est vraisemblable qu’EMC mette à jour prochainement ses configurations haut de gamme. Le VMAX originel a été lancé en 2009, puis EMC a mis à jour son architecture en 2012 et en 2014 (avec l'arrivée des VMAX 3). Les récents VMAX AF lancé en 2016 n’étant que des versions 100 % Flash des VMAX 3 de 2014, cette année pourrait être l’occasion pour le constructeur de moderniser son offre historique afin de doper encore un peu plus ses capacités Flash. Dans ce contexte, il est vraisemblable que la fenêtre d’opportunité pour DSSD ne faisait que se réduire un peu plus chaque jour…

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