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Frame.io : Adobe rachète le Workfront de l’édition vidéo

Adobe va racheter Frame.io 1,27 milliards $ afin de prendre pied dans les outils collaboratifs pour les réalisateurs de vidéo, les agences et leurs clients. L’outil pourrait bientôt cibler les marqueteurs. Un très bon rachat, mais au prix fort, selon les analystes.

Adobe a annoncé son intention de racheter Frame.io, un outil de collaboration autour de la conception de vidéos. Il déboursera 1,275 milliard de dollars en espèces. La transaction devrait être finalisée au cours du quatrième trimestre.

Frame.io sera une nouvelle brique dans la gamme d’outils vidéo d’Adobe, au côté de Premiere Pro et d’After Effects – elles-mêmes vendues au sein de Creative Cloud.

Frame.io est une entreprise qui a été fondée à New York en 2015. Elle compte 260 employés. Elle revendique un million d’utilisateurs – dont Adobe – parmi lesquels des monteurs vidéo, des producteurs, des agences et les clients de celles-ci.

« Avec Frame.io dans l’écurie d'Adobe, la réalisation d’une vidéo ressemblera davantage à un travail collaboratif sur un Google Doc. »
Nick BarberForrester

Si de nombreux workflows ont pu être assez facilement migrés vers le cloud pendant la pandémie, les équipes vidéo n’ont pas pu réaliser ce basculement aussi facilement, en raison de la grande taille des fichiers et de la bande passante nécessaire pour les uploader. Dans ce cadre, Adobe indique que Frame.io éliminera les inefficacités des « workflows vidéo qui recourent à de multiples outils et à plusieurs canaux de communication pour solliciter les commentaires et les remarques de toutes les personnes impliquées [dans le processus] ».

« Adobe est historiquement faible dans la gestion de la vidéo », remarque Theresa Regli, analyste indépendante spécialiste de gestion des actifs numériques (DAM). « Adobe Premiere cible la production vidéo, pas vraiment les dernières étapes avec tout l’écosystème qui ont besoin de workflows avec des périmètres plus larges, de collaboration et de fonctionnalité de distribution », liste-t-elle. « Frame.io donne à Adobe ces capacités de collaboration d’équipes qu’on ne trouvait pas dans sa stack ».

La vidéo au-delà du studio

Au-delà de la cible traditionnelle des purs créatifs, Adobe cite les marqueteurs parmi les utilisateurs potentiels de Frame.io. À long terme, l’éditeur promet des workflows collaboratifs plus poussés, et d’y infuser de l’Intelligence Artificielle.

Si Frame.io sera intégré à Creative Cloud (Premiere, Photoshop, Illustrator, etc.), son utilisation s’étendra probablement à Adobe Experience Cloud et à Workfront – qu’Adobe a acquis l’année dernière pour 1,5 milliard $ – entrevoit Predrag Jakovljevic, analyste chez Technology Evaluation Centers.

Avec la pandémie, « la vidéo a pris une place encore plus importante dans le marketing », constate-t-il, par exemple pour pallier l’absence d’interactions physiques avec les clients.

Predrag Jakovljevic ajoute que pour l’usage de la vidéo dans le cadre de l’expérience client (CX), l’acquisition de Frame.io place Adobe « loin devant » Oracle ou Salesforce – ce dernier prévoyant de faciliter la collaboration en matière de vidéo marketing entre les utilisateurs et les agences via de futures intégrations à Slack.

Sur le marché des ETIs et des PME, des plates-formes comme HubSpot s’associent à des applications tierces comme Vidyard et Wistia pour faciliter cette même collaboration.

UI de Frame.io
Frame.io apporte des fonctionnalités collaboratives dans la vidéo à Adobe

Un bon rachat, mais au prix fort

Pour Nick Barber de Forrester, le plus grand défi d’Adobe sera de pousser la vidéo et son outil collaboratif auprès de services marketing et publicité aux budgets serrés.

Reste que de nombreuses marques continuent de se tourner vers la vidéo. Le support est toujours aussi puissant et réussit à capter l’attention des clients sur des canaux de communication très concurrentiels. Dans ces stratégies, Frame.io aurait un intérêt du fait qu’il facilite la collaboration en post-production. « Avec Frame.io dans l’écurie d’Adobe, le montage vidéo ressemblera davantage à un travail collaboratif sur un Google Doc », résume Nick Barber.

La valeur ajoutée est donc réelle. Mais le prix de 1,275 milliard $ peut faire tiquer, surtout pour une entreprise qui n’a levé « que » 82 millions $.

Pour les analystes, le prix est certes élevé, mais il semble « logique » à défaut d’être rationnel d’un point de vue comptable.

« Adobe sait payer cher pour une technologie prometteuse en plein essor. »
Theresa RegliAnalyste spécialisée

Pour Theresa Regli, Frame.io se différencie en effet sur son marché. L’entreprise a connu une croissance rapide parce que – entre autres raisons – sa technologie serait meilleure, plus simple, et moins coûteuse que celles de ses concurrents.

« De nombreux outils de gestion des ressources multimédias sont lourds et difficiles à utiliser ; Frame.io a été un véritable disrupteur dans la collaboration et les flux de travail vidéo », tranche-t-elle. « Adobe sait payer cher pour une technologie prometteuse en plein essor », continue-t-elle. « C’est exactement ce qu’ils font ici ».

Plus largement, des sociétés comme Adobe et Salesforce sont bien positionnées pour faire de la croissance externe. Et elles préfèrent réaliser ces rachats – plus rapides – que de développer en interne des fonctionnalités qui existent déjà sur le marché, ajoute Predrag Jakovljevic. « Nous sommes à l’ère des folles acquisitions, surévaluées ; surtout si l’acheteur dispose d’une excellente trésorerie et d’un cours de bourse élevé ». En un mot, rien n’est vraiment surévalué quand on a de l’argent.

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