ERP : vers l’essor des clouds verticaux

Les éditeurs de SaaS passent aux « Industry Clouds ». Ces « clouds verticaux » ajoutent des logiques métiers aux clouds « généralistes » pour en simplifier les déploiements et optimiser la valeur ajoutée. Mais ces offres sont encore perfectibles.

Historiquement, pour faire évoluer leurs processus métier, les entreprises déploient des ERP. Ces systèmes impliquent souvent d’adapter ces processus (« moderniser avec les meilleures pratiques » disent les éditeurs) à la suite logicielle. Ils obligent aussi à intégrer les applications à l’existant, complexe. Voire à développer des spécifiques pour combler les trous fonctionnels.

Bref, l’ERP n’a jamais été « clef en main » et « plug & play ».

Le SaaS d’entreprise, moteur de l’adoption du cloud

La promesse du SaaS et de l’essor du cloud en entreprise – tiré historiquement par Salesforce dans le CRM – a été de simplifier les choses. De fait, les nouvelles architectures applicatives et les microservices permettent de composer des systèmes performants, en prenant des « briques » de fonctionnalités chez plusieurs éditeurs.

Mais cette alternative à l’ERP de bout en bout – aussi appelée « best of breed » – reste complexe et délicate. L’IT doit toujours intégrer des applications (même si elles sont cloud), entre elles et aux systèmes de l’entreprise.

D’après une enquête de Fujitsu auprès de 300 DSI, le cloud apparaît même comme un facteur supplémentaire de complexité pour 73 % des répondants. Et 60 % des responsables techniques seniors estiment qu’ils n’ont pas les compétences voulues pour contrôler de tels systèmes.

Bref, tout comme l’historique ERP sur site, l’ERP cloud n’est ni « clef en main », ni « plug & play ».

Les entreprises ne tirent pas tous les bénéfices du cloud

Dans un rapport de 2020 (Making the cloud pay: How industrial companies can accelerate impact from the cloud), McKinsey constatait d’ailleurs que la voie vers le cloud n’est pas un long fleuve tranquille.

« De nombreuses migration vers le cloud ont échoué faute de simplification des écosystèmes IT et d'une définition d’une gouvernance des données en amont. »
McKinsey

L’infrastructure IT des entreprises industrielles s’est constituée au fil des années, au gré des acquisitions de sociétés et des achats de technologies. Résultat : les systèmes sont d’une grande complexité.

« De nombreuses tentatives de migration vers le cloud ont échoué faute de simplification de ces écosystèmes IT et de définition d’une gouvernance des données au préalable », souligne McKinsey. « Des surcoûts ont souvent menacé l’équilibre financier [des projets] ».

Pour le cabinet international de conseil en stratégie, ce constat est d’autant plus regrettable que la véritable valeur du cloud va bien au-delà d’une rationalisation de l’IT et de la flexibilité. « Le cloud, les nouveaux canaux numériques, l’utilisation des données et l’analytique servent tous les objectifs de l’entreprise, de la gestion pure au développement, à la production, à la commercialisation et à la maintenance de produits », écrit McKinsey, qui estime que les bénéfices du cloud se voient aussi – chez ses clients qui l’utilisent – dans l’augmentation des revenus et dans l’amélioration des marges.

Le rôle des clouds verticaux

Oui, mais voilà, le cloud reste complexe. Pour le simplifier, les fournisseurs ont depuis peu imaginé le concept de « Industry Cloud » (clouds verticaux).

Le cloud vertical est un écosystème d’applications préintégrées (d’un seul acteur ou de plusieurs), développées et préparamétrées pour un secteur très spécifique.

Dans leur rapport The rise of industry cloud solutions, Forrester prévoit que, d’ici 5 ans, les clouds verticaux seront les offres privilégiées pour se fournir en applications d’entreprise du fait qu’ils font le lien entre les processus et les données du front et du back-office.

Outre des composants spécifiques, ils proposent des modules additionnels pour ce que Forrester nomme les « fonctions du dernier kilomètre », ainsi que des modèles d’intelligence artificielle adaptés, des jeux de données et des connecteurs développés par le fournisseur IT et ses partenaires.

« Les clouds verticaux sont une étape vers des produits cloud complets qui aident les clients à atteindre leurs objectifs. »
Gregor PetriGartner

Salesforce, Oracle, SAP Microsoft, Infor. Nombreux sont les éditeurs de logiciels B2B à avoir positionné leurs produits en mode SaaS avec cette optique de cloud vertical. Il s’agit en général d’une plateforme qui réunit un ensemble de fonctionnalités essentielles et qui fait appel à des partenaires pour livrer des fonctionnalités manquantes très spécialisées.

« Les clouds verticaux sont une étape vers des produits complets et vers un cloud apte à fournir tout ce qui aide les clients ciblés à satisfaire leur principale motivation d’achat ou à atteindre les résultats qu’ils se sont fixés », résume Gregor Petri, Vice President et Industry Analyst chez Gartner.

Un exemple parmi d’autres : Volkswagen développe un cloud vertical en collaboration avec des partenaires industriels. Pour réussir, ce cloud doit mettre en relation équipementiers, éditeurs de logiciels sectoriels et intégrateurs de systèmes afin de former ce que le constructeur considère comme une plateforme industrielle ouverte permettant à tous les partenaires de sa chaîne de valeur de collaborer.

Une maturité encore à venir

Mais Forrester souligne que ces clouds sont « complexes par essence », car ils tirent leurs fonctionnalités d’une grande diversité de logiciels horizontaux qui ne sont pas forcément développés à l’origine pour un secteur donné.

« Les clouds verticaux sont assez récents pour la plupart. Ils ont des fonctionnalités encore limitées, voire incomplètes. »
Forrester

Microsoft Cloud for Healthcare – par exemple – réunit des fonctionnalités de Teams, de Power Platform (informatique décisionnelle, applications, automatisation), de Dynamics (marketing, services, données clients, planification de ressources) et d’Azure (bots, API et IA). Oracle Digital Experience for Communications s’appuie sur les fonctionnalités de sa solution CX pour les ventes, la facturation et le commerce omnicanal.

Et quid de la maturité de ces clouds verticaux ? Toujours selon Forrester, « les clouds verticaux sont assez récents pour la plupart. Ils ont des fonctionnalités encore limitées, voire incomplètes », prévient Forrester. Selon son rapport, « ils fournissent également des workflows génériques avec moins d’options pour ce qui est de la personnalisation, de l’automatisation et de la prise en charge des champs personnalisés, ce qui ne correspond pas forcément aux besoins de toutes les entreprises d’un secteur ».

Côté prix, « ils peuvent aussi revenir plus chers et nécessitent souvent des ressources spécialisées pour l’installation, la gestion, la mise à niveau et l’exploitation. »

Enfin, Forrester souligne que les programmes de partenaires tiers pour prendre en charge les clouds verticaux émergent à peine et que les connecteurs et les communautés sont encore en développement.

Bref, les Industry Cloud sont riches de promesses pour l’avenir, mais des promesses en devenir.

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