À Barcelone, Broadcom se félicite d’avoir conservé les clients de VMware

L’édition européenne de VMware Explore 2024 était aussi fréquentée que celle des années précédentes. La clientèle, venue se faire expliquer les détails de la prochaine version 9 de VCF, semble s’être résignée aux augmentations radicales imposées par Broadcom.

À Barcelone, cette semaine, Hock Tan, le patron de Broadcom (en photo), est arrivé sur scène en levant le point de la victoire. Il ne s’agissait pas de célébrer la fin du développement de VMware Cloud Foundation 9 – dont la sortie est toujours programmée pour le début de l’année prochaine, alors que ses fonctions inédites d’automatisme et de console d’administration unique sont promues depuis au moins six mois.

Non, après neuf mois de nouvelles conditions tarifaires qui ont mis à rude épreuve les nerfs de la clientèle historique de VMware, Hock Tan se félicitait que celle-ci (en pratique) lui renouvelle sa fidélité.

Non seulement VMware n’aurait pas perdu de clients, mais il continuerait à signer de nouveaux contrats.

« 57 % des entreprises voulaient migrer leur datacenter dans le cloud public en 2021. Aujourd’hui, seuls 17 % d’entre elles veulent encore le faire. Elles restent fidèles à VMware, car nos produits sont plus faciles à utiliser, parce que nos tarifs sont sérieux, parce que nous apportons de la vraie conformité », a-t-il dit sur scène, en ouverture de l’événement européen annuel VMware Explore.

« On nous a dit que les hyperscalers AWS et Azure essayent à présent d’attirer les entreprises sur leur cloud en leur promettant plus de services d’IA et de cybersécurité. Hé bien des services similaires vont désormais fonctionner sur VCF. C’est le résultat de notre fort investissement dans l’innovation et dans notre écosystème de partenaires », a-t-il ajouté.

Lorsque Broadcom a racheté VMware en décembre dernier, il a imposé à ses clients une politique commerciale pour le moins radicale. Il n’était subitement plus possible d’acheter les produits de l’éditeur à la carte, tout le monde devait s’abonner à l’ensemble du catalogue, quitte à payer tous les mois pour des logiciels non utilisés. Pour un grand nombre d’entreprises, cela s’est traduit par une forte augmentation des dépenses allouées à VMware. En échange, Broadcom promettait à ses clients d’investir fortement dans la R&D.  

VCF 9 offrira des services applicatifs autour des VM, comme les hyperscalers

Ces investissements conduisent à la nouvelle console d’administration de VCF 9 (VMware Cloud Foundation). Elle disposera d’onglets sur son écran unique. À côté des intitulés consensuels pour piloter la puissance de calcul (vSphere), le stockage (vSAN) et le routage réseau (NSX), un autre permettra de gérer des équivalents virtuels des boîtiers de cybersécurité (firewalls vDefend, WAF, NDR, détection et prévention d’intrusion, anti-malware) et un autre servira à activer des serveurs applicatifs prêts à l’emploi.

Parmi ces derniers, on trouve des versions clés en main des Data Services précédemment conçus pour développer des applications de Business Intelligence avec Tanzu 10 : PostgreSQL, MySQL, Gemfire, Valkey, Greenplum et RabbitMQ. Il y a aussi des services de sauvegarde et de reprise d’activité, avec notamment la possibilité de déployer des copies de secours sur les clusters IaaS VMware Cloud on AWS, gérés par Broadcom, ou, bientôt, Google Cloud VMware Engine, gérés par GCP. Cette fonctionnalité s’appelle VMware Live Recovery.

Et puis, il y a tout un ensemble VMware Private AI Foundation, avec des LLM, des IA génératives ou encore des modules RAG pour puiser dans les documents locaux. Ils sont tous prêts à être installés sur un cluster VCF, moyennant une extension de l’abonnement à VCF. Ces modules rappellent furieusement les microservices prêts à l’emploi que Nvidia propose dans son catalogue AI Enterprise. Et pour cause : cette offre a été développée conjointement avec Nvidia.

Rester chez VMware de peur de ne pas trouver d’équivalent ailleurs

Mais le plus surprenant est ailleurs. Malgré l’assourdissante campagne de protestations contre les nouveaux tarifs, généralisée à l’échelle de la planète, qui invisibilise les efforts en R&D de Broadcom depuis le début de l’année, toutes ces nouvelles fonctions parviennent manifestement bel et bien à redonner confiance en VMware.

« Honnêtement, nous n’avons pas réussi à retrouver la richesse fonctionnelle de VMware ailleurs », lance l’expert d’une ESN de premier plan, qui accompagne les grandes entreprises dans leurs déploiements IT, mais qui a tenu à témoigner de manière anonyme.

Le sujet de rester fidèle à VMware semble encore trop polémique pour s’engager publiquement. Malgré les intempéries qui ont bouleversé les vols vers Barcelone cette semaine-là, le salon VMware Explore était aussi fréquenté que l’année dernière. Pourtant, LeMagIT n’y a trouvé que des spécialistes qui préféraient que leur nom ne soit pas publié.

« L’un des points les plus importants est la microsegmentation [le fait de mettre des firewalls entre les VM, NDR]. NSX n’a d’équivalent dans aucune autre solution de virtualisation. Les fournisseurs de réseau s’efforcent de proposer pour elles des alternatives. C’est notamment ce que fait Arista qui est assez en avance sur les vLAN dynamiques et qui peut fonctionner avec Hyper-V, KVM… », explique l’interlocuteur du MagIT.

« Mais cela reste bien plus compliqué à gérer, car il faut systématiquement faire remonter tout le trafic vers le cœur de réseau, ce qui réduit en plus énormément l’intérêt de la virtualisation. Cela n’est pas nécessaire avec NSX, qui fonctionne, lui, en quelques clics. Autre problème, de nombreuses applications se basent sur l’adresse MAC d’un serveur pour valider les licences. Cela peut paraître dérisoire, mais NSX s’impose dans de nombreux cas, car il est le seul qui permette de régler finement l’adresse MAC des VM », ajoute-t-il pour illustrer l’écart qui existe entre VMware et ses concurrents concernant les possibilités du réseau.

Des augmentations de prix finalement relativisées

De manière étonnamment unanime, les utilisateurs et intégrateurs présents à VMware Explore 2024 ont douché les espoirs concernant Proxmox : « Nous l’avons testé. Proxmox va très bien fonctionner pour les cas d’usage avec deux ou trois serveurs. Mais au-delà de 15 serveurs, ça ne fonctionne plus. Or, nous avons des cas d’usage qui peuvent grimper à 500 serveurs ESX », dit l’un d’eux. Proxmox est une alternative récente et Open source à VMware, qui bénéficie d’une promotion enthousiaste de la part des fournisseurs.

« C’est un prix que les entreprises peuvent accepter de payer pour ne pas perdre des années de savoir-faire et de développements internes sur les API de VMware. »
Un expert anonyme d'une ESN

Pour finir, les entreprises présentes lors de cet événement sont déjà clientes des trois principaux logiciels de VMware (ESXi, vSAN et NSX) ainsi que de leurs outils d’administration. L’augmentation qu’elles subissent à cause du nouveau modèle d’abonnement serait de l’ordre de 60 à 80 %.

« La situation est donc la suivante : les directions disent à leurs DSI qu’elles doivent migrer vers une autre solution de virtualisation, parce que c’est ce que Gartner leur a dit. En pratique, 60 % d’augmentation, c’est très embêtant, mais c’est un prix que les entreprises peuvent accepter de payer pour ne pas perdre des années de savoir-faire et de développements internes sur les API de VMware », conclut l’expert cité plus haut.

Selon lui, les entreprises ne travaillent pas plus à migrer à terme vers un concurrent de VMware qu’elles ne l’ont fait pour convertir leurs machines virtuelles en containers..

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