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Pénurie géante de semi-conducteurs : l’industrie automobile première touchée

Les constructeurs automobiles tirent le signal d’alarme : ils n’ont plus de composants embarqués à mettre dans leurs véhicules. La pénurie s’étendrait à tout le secteur informatique.

Plusieurs géants de l’industrie automobile sont actuellement frappés par une pénurie de composants électroniques et celle-ci menace de s’étendre à tous les équipements informatiques. Du fait de l’embouteillage des commandes auprès des usines de semi-conducteurs asiatiques, Volkswagen, Daimler, Nissan, Ford, Toyota, Fiat Chrysler et Honda viennent d’annoncer qu’ils allaient momentanément stopper plusieurs chaînes de production de véhicules.

À date, seuls Peugeot et General Motors ont déclaré avoir suffisamment de stocks pour équiper leurs voitures de ces puces qui conditionnent autant les fonctions d’un tableau de bord que l’assistance à la conduite à partir de divers capteurs.

Selon Reuters, la cause est triple. D’abord, les usines de composants électroniques ont peu produit depuis le début de la crise pandémique, que ce soit parce que leur personnel était confiné, ou parce que leurs clients gelaient d’eux-mêmes les commandes dans un contexte commercial incertain. La demande reprenant assez rapidement pour diverses raisons inédites – besoin de plus de PC portables avec Wifi pour le télétravail, de plus de voitures pour se déplacer sans les restrictions des transports en commun – elle se heurte fatalement aux retards de production des pièces élémentaires.

« Bien que les usines de semi-conducteurs aient déjà réagi en procédant à des augmentations de leurs capacités, les volumes requis ne seront pas disponibles avant six, voire neuf mois. »
Communiqué de Continental

« Bien que les usines de semi-conducteurs aient déjà réagi en procédant à des augmentations de leurs capacités, les volumes requis ne seront pas disponibles avant six, voire neuf mois. En clair, la pénurie va durer tout au long de 2021 », témoigne Continental, un autre acteur du secteur automobile, lui aussi impacté par la chute de l’offre, dans un communiqué.

Les commandes se bousculent sur les chaînes de production

Ensuite, outre les quantités qui ne peuvent plus être satisfaites, ce sont surtout les types de puces qui se bousculent sur les chaînes de production. Or, manifestement, les industriels automobiles ont été bien moins réactifs que les fournisseurs d’équipements numériques pour passer leurs nouvelles commandes. Dès l’été 2020, les chaînes de production ont été noyées sous les demandes de production pour les composants de nouveaux smartphones 5G, consoles de jeux, PC portables pour télétravailleurs et autres serveurs pour services bureautiques utilisables en cloud.

Même les géants du numérique sont à la peine pour obtenir les quantités qu’ils réclament. Parmi eux, Nvidia tire la sonnette d’alarme : la production n’a pas réussi à atteindre le niveau des commandes qu’il a passées et la disponibilité des produits à son catalogue sera momentanément réduite de manière drastique. D’autres alertent qu’il n’y aurait plus de place pour produire des contrôleurs Wifi et Bluetooth avant au moins dix semaines.

Fait aggravant, l’usine japonaise d’AKM – qui concentre la fabrication des puces audio et des capteurs vidéo – ne serait toujours pas pleinement opérationnelle depuis l’incendie d’octobre dernier, qui a ravagé ses chaînes de production trois jours durant.

Selon les informations que LeMagIT.fr a pu glaner, la variété des produits chez les distributeurs d’équipements numériques fondrait en ce moment comme neige au soleil, ne laissant plus aux acheteurs retardataires que des configurations de second choix.

Côté composants embarqués, le constat est pire encore : « nos fournisseurs ont démultiplié leurs tarifs de production. De fait, nous nous voyons dans l’obligation d’augmenter le prix de nos composants », aurait écrit à ses clients le concepteur de puces NXP, l’un des principaux fournisseurs de l’industrie automobile, selon une information de nos confrères d’IndiaTimes. Selon certaines sources, il s’agirait plus exactement d’écouler au compte-gouttes les maigres stocks qui restent en pratiquant des prix délirants : des composants qui coûtent normalement 5 $ seraient proposés aux constructeurs automobiles au tarif de 110 $.

Des déconvenues en cascade à cause de choix peu stratégiques

La troisième raison de cette pénurie serait la décision du gouvernement américain de mettre son veto sur les échanges commerciaux avec plusieurs grandes entreprises chinoises. Elle priverait de fait les fournisseurs de puces des chaînes de semi-conducteurs que Pékin vient de sortir de terre, avec l’ambition de devenir d’ici peu le numéro un mondial de l’électronique.

Ce veto est aussi indirectement responsable de la grève qui vient de paralyser, en France, les usines de STMicroelectronics : empêchée par le gouvernement américain de produire des puces pour son principal client, Huawei, la direction de l’industriel a manifestement cherché à compenser ses pertes avec une nouvelle politique salariale qui a suscité la colère des syndicats. Et qui, de fait, a retardé toutes ses productions de puces, amplifiant encore la pénurie.

Dans un billet paru chez nos confrères d’ExtremTech, l’expert Joel Hruska avance l’hypothèse d’une quatrième raison, plus subtile, à la soudaine pénurie de composants électroniques : la généralisation des wafers en 300 mm de diamètre. Selon lui, les designers de composants électroniques auraient eu tort de s’empresser de commander la fabrication de leurs puces sur ces galettes de silicium plus grandes, car, si elles permettent mécaniquement de réduire le nombre d’impressions – donc d’avoir plus rapidement la quantité voulue de puces – il est aussi bien plus compliqué d’étendre leurs chaînes de production.

« Les anciennes chaînes de production de wafers en 200 mm sont bien plus éprouvées, moins chères et seraient plus rapides à déployer pour étendre la production (…) D’autant que nombre d’entre elles sont toujours en service dans la plupart des usines de semi-conducteurs. Mais les fabricants ne les utilisent pas, car il leur coûterait trop cher de réadapter aux galettes de 200 mm les processus qu’ils ont développés pour les galettes de 300 mm », écrit-il.  

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