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Les mémoires 3D XPoint perceront-elles dans les serveurs ?

La technologie inventée par Intel et Micron incarne un stockage à mi-chemin entre la vitesse des barrettes de DRAM et la densité des SSD NAND. Les ventes peinent à décoller, mais les analystes se veulent optimistes.

Les mémoires de classe stockage, ou SCM (Storage Class Memory) vont-elles remplacer les NAND qui équipent à l’heure actuelle l’essentiel des SSD ? La question mérite d’être posée, car alors qu’elles existent sur le marché depuis 2017, les solutions Optane d’Intel étaient toujours classées dans la catégorie des technologies émergentes lors du dernier salon Flash Memory Summit.

« Les SCM sont censées incarner un juste milieu en termes de performances, de capacité et de prix entre les NAND et les DRAM. Mais jusqu’à preuve du contraire, l’avenir de la NAND sera encore de la NAND et l’avenir de la DRAM toujours de la DRAM. La vraie question est donc : à quoi cela sert-il d’avoir un juste milieu entre les deux », interroge Dave Eggleston, consultant au cabinet Intuitive Cognition Consulting.

Une carrière commerciale qui peine à décoller

 Qu’il s’agisse des SSD connectés en PCIe DC P4800X lancés en 2017, ou des barrettes mémoires DCPMM arrivées sur le marché au premier semestre 2019, les ventes d’Optane peinent à décoller. Pourtant, Dell EMC, HPE, Pure Storage ou encore la startup VAST Data proposent cette option dans leurs baies de stockage primaire, respectivement les PowerMax, 3PAR, FlashArray//X et Universal Storage.

De fait, Optane n’a pas encore permis à la branche Mémoires d’Intel de renouer avec les bénéfices : cette division a perdu de l’argent durant les trois quarts des 16 derniers trimestres et essuyé encore une perte de 284 millions de dollars au second trimestre de cette année. Micron, le partenaire d’Intel dans le développement de la technologie 3D Xpoint, celle sur laquelle reposent les produits Optane, s’est de son côté montré frileux. Alors qu’il devait lui aussi lancer une gamme de produits dès 2017, il aura fallu attendre fin 2019 pour qu’arrive enfin son SSD X100.

« Le problème d’Intel est qu’il doit maintenir le prix de ses solutions Optane en dessous de celui des barrettes de DRAM afin qu’elles soient compétitives. »
Jim HandyObjective Analysis

« Le problème d’Intel est qu’il doit maintenir le prix de ses solutions Optane en dessous de celui des barrettes de DRAM afin qu’elles soient compétitives. Mais à ce tarif, il vend à perte tant que les entreprises n’achètent pas en masse. Et tout cela pendant que tous ses concurrents gagnent de l’argent en vendant des NAND et des DRAM », observe Jim Handy, du cabinet de conseil Objective Analysis.

Il se veut néanmoins optimiste à l’égard du fondeur : « Intel va réussir à tenir bon jusqu’à la rentabilité. Et, ce, parce qu’il rattrape sur les processeurs l’argent qu’il perd avec les Optane. Pour utiliser des Optane dans les conditions optimales, ce ne sont plus 10 000 $ qu’une entreprise doit débourser en processeurs, mais 15 000. »

Des unités de stockage qui durent plus longtemps et sont 5 à 8 fois plus rapides

Lorsque Micron et Intel annoncent la technologie 3D XPoint en 2015, celle-ci doit permettre de construire des modules Flash mille fois plus rapides et mille fois plus endurants que les composants NAND, mais aussi des mémoires dix fois plus capacitives que les DRAM conventionnelles.

Si ces objectifs sont bien atteints par les premiers prototypes, hélas, ceux-ci ne seront jamais déclinés en produits de série ; ils étaient bien trop compliqués à produire. Le SSD P4800X d’Intel atteint en définitive 550 000 IOPS et un débit d’environ 2,5 Go/s, soit entre 5 et 8 fois les performances des meilleurs SSD à base de NAND.

L’architecture des modules 3D XPoint diffère de celle des composants Flash conventionnels.

C’est une mémoire de type PCM (Phase Change Memory) où les cellules sont disposées à l’intersection de fils microscopiques perpendiculaires. Cette construction permet d’accéder aux cellules – dont on ignore toujours de quel matériau elles sont faites – de manière individuelle, en envoyant du courant sur ses deux fils. De plus, pour gagner en densité, Intel et Micron empilent plusieurs couches de cellules les unes au-dessus des autres.

Dans une mémoire PCM, un 0 ou un 1 correspond au niveau de résistance électrique haut ou bas d’une cellule. Le matériau étant persistant, la valeur représentée par une cellule dure indéfiniment, même sans la présence de courant. Chaque cellule est accompagnée d’un sélecteur qui sert à choisir entre la lecture ou l’écriture d’une valeur dans une cellule.

En l’occurrence, il s’agit de faire varier le voltage soit pour envoyer du courant dans la cellule (écriture), soit pour déterminer son niveau de résistance. Ce fonctionnement n’a rien à voir avec celui des composants NAND, où les 0 et les 1 sont des électrons capturés par des transistors.

La mémoire 3D XPoint présente deux avantages techniques par rapport à la mémoire NAND. Le premier est de ne pas avoir de transistors, ce qui signifie que les accès sont plus rapides, car il n’est pas nécessaire d’effacer une cellule avant d’écrire une nouvelle valeur dessus. Outre un problème de performances, les transistors posent aussi un problème de pérennité : les effacer les use, ce qui réduit la durée de vie d’un SSD NAND là où un Optane peut théoriquement fonctionner indéfiniment.

Le second avantage de la 3D XPoint est d’avoir une granularité au bit près, alors qu’on accède à un bloc entier de bits dans une mémoire NAND. En clair, plus la taille du bloc est importante dans une NAND (SLC, MLC, TLC, QLC...), moins le disque SSD sera performant et moins il durera. Notons toutefois qu’agrandir la taille de ces blocs apporte un avantage indéniable aux SSD NAND : cela réduit leur prix au Go.

La technologie 3D XPoint gagnera de l’intérêt au fil du temps

Plusieurs facteurs font que les SSD Optane n’atteignent pas encore des performances mille fois supérieures à celles des SSD à base de NAND. Le premier est qu’ils utilisent tous en NVMe les mêmes bus PCIe. À ce titre, Micron, dans son SSD X100 qui implémente 3D XPoint, multiplie par 4 les performances de l’Optane DC P4800X en utilisant 16 canaux PCIe au lieu des 4 traditionnels. Revers de la médaille, les canaux PCIe étant limités par processeur, cela signifie que l’on installe quatre fois moins de X100 dans un serveur que d’Optane DC P4800X.

Qui plus est, Intel comme Micron connectent pour l’heure leurs SSD en PCIe Gen3 ; les performances seront théoriquement deux fois meilleures lorsqu’ils basculeront au nouveau PCIe Gen4. En fait, plus les performances des bus PCIe augmenteront, plus les SSD 3D XPoint démontreront leur puissance. Alors que les SSD à base de NAND risquent à un moment donné de ne plus pouvoir tirer parti de la nouvelle bande passante.

Un autre facteur est que la technologie 3D XPoint reste perfectible. Selon les spécialistes, elle gagnerait à être équipée de dispositifs particuliers pour, par exemple, différencier plus rapidement les zones mémoire qui doivent demeurer persistantes de celles qui ont vocation à être effacées. Elle pourrait aussi s’accompagner de compilateurs encore plus adaptés pour que les applications en tirent automatiquement parti.

« À date, trop peu d’applications ont été optimisées. »
Dave EgglestonConsultant cabinet Intuitive Cognition Consulting

« C’est un autre problème d’Optane : pour tirer profit de ses avantages, les applications doivent être réécrites. Intel s’est beaucoup investi pour aller à la rencontre des développeurs et leur proposer de nouveaux modèles pour que les logiciels prennent en compte une mémoire persistante. Mais, à date, trop peu d’applications ont été optimisées », ajoute Dave Eggleston. Selon lui, dans la proposition de valeur initiale, 3D XPoint n’était pas censé révolutionner les SSD mais plutôt les mémoires. Si Intel et Micron ont commencé par produire des SSD plutôt que des barrettes DIMMs, ce serait parce qu’ils pensaient pouvoir ainsi plus rapidement rentabiliser leurs développements.

MRAM, l’alternative à 3D XPoint choisie par IBM

3D XPoint n’est pas la seule technologie disponible à mi-chemin entre la DRAM et la NAND. La dernière édition du Flash Memory Summit faisait la part belle à un autre type de SCM, la MRAM (Magnetoresistive RAM). IBM, en particulier embarque désormais ce type de composants, fabriqués ici par EverSpin, dans les SSD spéciaux de ses baies de stockage FlashSystem 9100 et Storwise V7000. La MRAM ne sert pas à remplacer les composants NAND de ces SSD, mais ceux de RAM qu’ils utilisent d’ordinaire comme un cache pour accélérer leurs écritures. L’essentiel de la capacité de stockage de ces SSD, appelés FlashCore, est quant à lui constitué de NAND 3DTLC classique.

Comparativement à DRAM, la MRAM présente les mêmes avantages de la 3D XPoint : elle est plus compacte et, surtout, elle est persistante. Par conséquent, les baies de disques d’IBM ne perdent jamais les données en cours d’écriture lors d’une coupure brutale du courant. Mais la MRAM apporte un bénéfice supplémentaire qui fait actuellement défaut sur la 3D XPoint : elle est aussi rapide que la DRAM, soit des accès avec une latence de seulement 35 nanosecondes. 

« Il y a des choses très intéressantes qui se passent autour de la MRAM. Après IBM qui s’en sert pour accélérer ses SSD, on devrait bientôt en voir arriver sur les cartes réseau. Là aussi, au titre de cache persistant », dit Ken Clipperton, un analyste de DCIG.

EverSpin n’est pas le seul à fabriquer des MRAM. Citons également Spin Memory, Crocus Technology, Applied Materials et Avalanche Technologies. Doit-on considérer que ces acteurs perceront là où Intel et Micron n’ont pas encore réussi ? Rien n’est moins sûr. Car, en l’état, la MRAM a un énorme défaut : elle est encore plus chère que la 3D Xpoint.

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