Les moteurs du recentrage de Tibco

Privilégier le cloud, simplifier, cibler les bons usages et l’open source sont les voies empruntées par le groupe de Palo Alto pour mener à bien son recentrage.

Tout connecter, accroître la visibilité des données, porter la data science auprès de tous, « humaniser » l’intégration inter-applicative… ce sont autant de missions que Tibco, éditeur historique de l’intégration de systèmes, s’est fixé pour mener à bien son recentrage.

Fondé en 1997, et propriété du fonds d’investissement américain Vista Equity Partners depuis 2014, le groupe pilote un vaste projet de repositionnement sur le marché depuis plusieurs années. Un ambitieux plan pour cet acteur qui a dû s’ajuster afin de bâtir la prochaine étape de son évolution. Une ramification de ce projet mène à l’analytique, via le rachat de Spotfire, mais aussi vers l’open source avec celui de Jaspersoft. Avec la complexité grandissante des environnements et des architectures, et par conséquent des SI, Tibco compte bien faire valoir son ADN très lié à l’intégration système et désormais à l’analyse de données pour trouver une place adéquate sur le marché. « Tout interconnecter et ouvrir l’accès aux données » est devenu aujourd’hui la ligne à suivre de Tibco.

A l’occasion de TibcoNOW 2018, LeMagIT a fait le point sur les leviers activés par le groupe pour piloter son recentrage.

Une démarche « Cloud-First »

Le cloud est devenu la priorité n°1 de Tibco qui a conçu le Tibco Connected Intelligence Cloud pour en faire une plateforme pour le numérique (une plateforme pour le « Digital Business », selon le vocabulaire de Tibco).
Cette plateforme a pour vocation d’accueillir tous les coeurs technologiques du groupe et d’y en associer d’autres, issus de rachats ou développés par Tibco. L’architecture de la plateforme repose sur les micro-services et a donc permis de décomposer chaque application en services qui pourront être interconnectés et intégrés pour répondre aux besoins des clients. Sa conception repose également sur un constat de base : elle doit être utile pour plusieurs typologies de profils d’utilisateurs - les métiers, les développeurs et l’IT.

Si Tibco mène une stratégie « Cloud-First », le groupe souhaite que ses outils puissent être déployés dans tous les environnements, pour toutes les configurations : sur site, dans le cloud public, privé ou en mode hybride. Le support des containers facilite cette approche - Tibco met en avant une édition Container de BusinessWorks. 

« Notre propriété intellectuelle est entièrement embarquée dans notre plateforme cloud mais nous proposons toujours des possibilités de déploiement dans plusieurs environnements. Nous sommes toutefois centrés sur le cloud », explique Murray Rode le CEO de Tibco.  Selon lui, les souscriptions aux services cloud pèsent de plus en plus dans les revenus du groupe qui a dû adapter son modèle de financement. « Mais passer au cloud prend du temps », ajoute encore le CEO.  

Tibco assure que le multi-cloud est bien au programme. « Nos technologies ont été développées pour être déployées sur toutes les plateformes. Nous supportons toutes les technologies de containers », explique Murray Rode. Toutefois, AWS reste le partenaire historique du groupe qui y adosse pour le moment l’essentiel de ses technologies.

La société a d’ailleurs présenté lors de TibcoNOW 2018, une édition de Spotfire Data Science exclusivement pour la marketplace d’AWS. Celle-ci exploite donc des services natifs de la plateforme (on ne connait pas lesquels).  Surtout, comme l’indique Matt Quinn, le directeur opérationnel du groupe, les clients de Tibco ont tous - ou presque - déjà un pied sur AWS, s’ils ont fait le choix du cloud. L’intégration entre AWS et Tibco est aussi très étroite dans Flogo. Un flow (flux d’événements) du framework peut en effet être directement transformé en une fonction serverless de Lambda – et ce directement à partir de Flogo.

« Nous avons actuellement plus de clients sur AWS. Mais cela peut changer dans le temps », rappelle Murray Rode qui évoque sa volonté d’étendre la présence du groupe au niveau régional, surtout en Europe. « Parfois cela passe par AWS, parfois par un fournisseur de cloud local. Notre ambition est de supporter autant de fournisseurs cloud que possible. »

Des travaux sont menés avec Google pour placer les outils de la marque sur la Google Cloud Platform, mais cela se fait « d’ingénieurs à ingénieurs », assure encore Matt Quinn. On sait également que la communauté Flogo a inscrit le support d’Azure Functions sur sa feuille de route. Le support de GCP devrait suivre, ont expliqué des responsables du projet.

Alors, avec cette stratégie de cloud-first, Tibco pousse-t-il ses clients vers le cloud lors d’un renouvellement de licence ? Murray Rode préfère là encore « donner le choix aux clients. On ne leur dit pas qu’ils doivent migrer vers le cloud. Cela dépend de ce qui est le plus pertinent pour eux ». Il ajoute : « Si un client envisage de migrer, nous essayons de structurer leur modèle de licence pour qu’ils aient la capacité de se transformer et de la flexibilité sur la façon de déployer nos technologies. Je ne pense pas qu’il y ait un modèle unique (one-size-fits-all) pour les clients. Nous proposons de la flexibilité, pour permettre de mieux personnaliser les étapes de transition de leur stratégie. »

Cet accompagnement est concrétisé dans le programme Cloud Path. A travers ce plan, Tibco évalue l’architecture la plus adaptée pour le projet de l’entreprise et confronte ses différentes technologies. « Les grandes entreprises veulent davantage un "mix" entre leur propre datacenter et le cloud. »

Si le cloud compte de plus en plus dans les revenus du groupe, les profils varient dans la base clients. On y trouve à la fois « des clients pure cloud ou legacy, ou sur un modèle hybride, qui  utilisent par exemple Connected Intelligence Cloud pour leurs nouvelles applications. ». Mais pour les nouveaux clients, « nous leur parlons d’abord de notre plateforme cloud. »

Une démarche centrée sur le profil d’utilisateurs

Pour mieux atteindre ses cibles, Tibco a adopté un concept de développement centré sur les profils d’utilisateurs de ses outils. Une approche qualifiée par le groupe de « persona-driven », qui est guidée par les cas d’usage et les besoins. La dernière interface de Spotfire X, AX Experience, en est un exemple.

Cette démarche, au cœur de la plateforme cloud de Tibco, consiste à exposer les outils Tibco à travers différentes interfaces, répondant à une expérience utilisateur propre à une population type (IT et intégrateur, métier ou encore développeur). Matt Quinn, le COO du groupe, souligne que cela agit aussi au niveau de la conception d’un logiciel. Cela  influe également sur le cœur technologique développé, « dans l’intégration des différents composants, par exemple ».

« Cette approche par profil a dû également être répercutée sur la façon dont nous vendons nos produits », assure Murray Rode. Actuellement, Tibco attaque le marché avec 3 types de profils de commerciaux : ceux qui ciblent les grands comptes (cibles historiques de Tibco), les commerciaux centrés sur le cloud et les nouveaux clients ; ceux centrés sur le canal digital (et non sur des relations commerciales en face à face). « Certains produits ne peuvent évidemment pas être vendus par ce dernier canal, mais c’est possible pour SpotFire, Live Apps, TCIC ou encore Mashery ».

Tibco a également mené des travaux marketing pour repositionner la marque et l’associer à des cas d’usage diversifiés pour cibler ces différentes populations. A travers cette approche par profil, l’un des objectifs clés est d’exposer la marque à un public plus large, soutient Thomas Been, le directeur marketing du groupe. Par extension, cela nécessite de parler le langage des métiers. Cette cible était déjà présente via Spotfire. Mais le groupe y a ancré son empreinte récemment via le rachat de la société Scribe Software, une société spécialisée dans l’intégration de services cloud (notamment CRM) centrés sur les métiers.

« Nous avons également investi dans la clarification du message », résume-t-il encore, et mis l’accent sur l’innovation en centrant le discours sur l’open source, et donc les développeurs.

« Simplifier la complexité de Tibco »

Face un portefeuille d’outils et de technologies très étendu, Tibco a souhaité « simplifier la complexité » du groupe pour reprendre l’expression de son CEO, Murray Rode. Le Tibco Connected Intelligence Cloud permet notamment d’y parvenir, en centralisant et en exposant les technologies sous la forme de services. Selon le CEO, le go-to-market de Tibco est aujourd’hui « plus ciblé » et « les produits sont plus alignés sur la notion de Business Platform ».

Open Source

En matière d’Open Source, Tibco connait un vrai « changement de mentalité », ont confirmé plusieurs responsables de la société. Peu enclin historiquement à intégrer ce modèle à son portefeuille, ou à le supporter, Tibco en a aujourd'hui fait une ligne de conduite et une partie centrale de sa stratégie de recentrage.

Tibco est d’abord arrivé à l’open source via le rachat de JasperSoft, un cadre de la BI ouverte. Aujourd’hui, Jaspersoft est positionné pour l’intégration de rapports au sein d’application (on parle de BI embarquée). L’infusion de la culture open source de Tibco a débuté là, explique en effet Thomas Been, le directeur marketing du groupe.

Depuis, l’open source est ancrée dans les processus de Tibco en trois points :  

  • L’utilisation de logiciels open source dans le développement. Tibco consomme de l’open source pour apporter de la valeur à ses produits et à ses clients, note Leon Stigter, Senior product manager de Tibco. 
  • Parce que l’open source est devenue la norme en matière de nouvelles technologies middleware et de données, Tibco se doit d’y être associé et créer des passerelles vers ses logiciels. Le support de standard est une démarche affirmée, raconte ce même responsable. Récemment, le groupe a annoncé le support de Kafka et de Mosquitto par sa plateforme de messaging, Tibco Messaging, au côté de ses technologies maison (Enterprise Messaging Service et FTL, par exemple).Tibco contribue également auprès des communautés en upstream.
  • Le groupe est également créateur et revendeur de logiciels open source. Cela est certainement le plus important changement de mentalité en interne. Le groupe a développé par exemple son framework de micro services centrés sur les événements Flogo et l’a livré à une communauté. Aujourd’hui, ce projet compte 800 utilisateurs et 400 contributeurs. Tibco a également créé le projet de micro gateway d’API micro-service Mashling, également en open source. L’autre pan est le support et la commercialisation de distribution open source - selon le modèle classique d’éditeur open source donc. C’est le cas pour Kafka et pour Mosquitto. 

Pourquoi ce changement d’approche vis-à-vis de l’open source ?
L’open source, et son modèle de développement, sont certes devenus omniprésents dans les nouvelles technologies, et sont généralement associés à l’innovation. Mais pour Tibco, elle représente également un canal ouvert pour parler aux développeurs et aux jeunes ingénieurs qui ont très tôt intégré ce modèle dans leur mentalité. Les développeurs font aussi partie des profils (personas) ciblés par Tibco dans sa stratégie de recentrage.

 

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