IA générative : SAP place la BTP au cœur de sa stratégie

Lors de SAP TechEd à Bangalore en Inde, SAP a effectué plusieurs annonces autour de l’IA générative en direction des développeurs. Le groupe entend convaincre qu’il peut aider ses clients à adopter cette technologie à large échelle depuis sa PaaS.

En septembre, l’éditeur allemand avait dévoilé son assistant Joule qui sera intégré dans SucessFactors d’ici la fin de l’année, S/4HANA Cloud, SAP Customer Experience et Ariba.

Sans grande surprise, SAP pousse ses fonctions d’IA générative au sein de ses offres de cloud public. À commencer par sa plateforme BTP (Business Technology Platform).

« Nous avons conçu plus de 130 applications d’IA, nos partenaires en ont également déployé plus de 360 et nous avons plus de 24 000 clients qui exploitent déjà les fonctions d’IA de SAP », avance Juergen Muller, CTO de SAP, lors d’une conférence de presse.

TechEd oblige, les annonces effectuées visent avant tout les développeurs qui côtoient ou évoluent dans les environnements SAP.

SAP Build Code, dont la disponibilité générale est prévue au premier trimestre 2024, est présenté comme une solution de développement d’applications augmentée à l’IA générative.

Build Code : SAP s’inspire de GitHub Copilot

Plus précisément, SAP Build Code est un environnement de développement qui permet de créer et de gérer des applications écrites en Java, JavaScript, TypeScript ou à l’aide du framework CAP (Cloud Application Programming Model).

L’outil doit inclure des guides, des tutoriels et des templates pour intégrer ces applications avec les environnements SAP, dont S/4HANA Cloud ou SAPUI5, et « non SAP ».

Selon l’éditeur, SAP Build Code vise en premier lieu les programmeurs et doit servir également à la gestion du cycle de vie des applications (ALM).

Cerise sur le gâteau, SAP y incorpore son copilote Joule pour générer ou suggérer des modèles de données, des logiques applicatives, des annotations de code, des données synthétiques et des scripts de tests.

L’éditeur entend couvrir les besoins des « fusion teams », un terme employé par Gartner pour évoquer les équipes de développement qui inclut des rôles métiers et des professionnels de l’IT.

Ainsi, en tant que brique supplémentaire de la gamme SAP Build, Build Code est adjacent à Build Apps, un environnement de programmation low-code/no-code. SAP fournit dans un même environnement l’ensemble des éléments pour permettre aux développeurs de rendre interopérable les applications bâties à l’aide SAP Build Code avec les composants Build Apps, dont les bots RPA (SAP Build Process Automation), et le code ABAP qui motorise le cœur de l’ERP.

SAP s’inspire là du modèle de GitHub qui a déjà prouvé l’intérêt des développeurs pour des copilotes de ce type.

L’éditeur prévoit également de proposer, au cours de l’année 2024, un moyen d’assister l’élaboration de code ABAP « passe-partout ». Officiellement, SAP ne présente pas un nouveau modèle, mais une fonction d’IA générative.

« Une bibliothèque de prompts aidera les développeurs à créer des applications avec le modèle de développement ABAP Cloud, qui comprendront les tests unitaires et les données correspondantes », lit-on dans un communiqué de presse. « Les développeurs pourront exploiter les résultats de ces prompts pour expliquer, réviser et dépanner le code ABAP existant ainsi que refondre et optimiser du code ABAP classique existant pour ABAP Cloud ».

La démonstration effectuée lors du TechEd suggère – pour l’heure – l’utilisation d’embeddings qui contextualise le savoir du code ABAP en complément d’un modèle d’IA générative tiers.

SAP HANA Cloud aura son propre moteur vectoriel

Autre source d’inspiration pour SAP, les éditeurs de bases de données, dont Oracle. Ainsi, l’éditeur allemand ajoute, dès le premier trimestre 2024, un moteur de gestion de vecteurs dans sa DBaaS multimodèle SAP HANA Cloud.

« Le moteur vectoriel est très important pour compléter les grands modèles de langage, parce que leur entraînement a été figé dans le temps », affirme Juergen Mueller. « Ils ne disposent pas des faits les plus récents. Ils ne savent rien des données spécifiques à l’entreprise ».

« Et c’est là que les bases de données vectorielles prodiguent davantage de contexte, par exemple sur les données financières, celles de la chaîne d’approvisionnement, de la logistique, de l’expérience client », poursuit-il.

« De nombreuses entreprises ont déjà leurs données les plus critiques dans SAP HANA. ».
Juergen MuellerCTO, SAP

Ici, SAP entend permettre la conception d’applications RAG (Retrieval Augmented Generation), un modèle d’architecture applicative populaire déjà mis en œuvre par Salesforce pour motoriser Salesforce Einstein Copilot Studio.

Pour l’instant, dans la plupart des démonstrations, SAP exploite le moteur de Redis pour traiter ces embeddings, selon la réponse d’un développeur SAP à une question d’un internaute sur le site de TechEd. Pour rappel, Redis est accessible depuis la BTP sur Microsoft Azure et AWS, tout comme PostgreSQL, dont l’extension pgvector prend également en charge ces vecteurs. Pgvector est d’ailleurs conseillé dans un scénario d’architecture présenté depuis la BTP en attendant la disponibilité du moteur spécifique à SAP HANA Cloud.

« Nous voulons mettre en place un guichet unique, de sorte [que les entreprises] n’aient plus besoin de déployer des bases de données vectorielles distinctes pour leurs usages d’IA générative. »
Juergen MuellerCTO, SAP

« De nombreuses entreprises ont déjà leurs données les plus critiques dans SAP HANA. Nous voulons mettre en place un guichet unique, de sorte qu’elles n’aient plus besoin de déployer des bases de données vectorielles distinctes pour leurs usages d’IA générative », défend le CTO en réponse à une question du MagIT.

AI Foundation : une pile technologique prête à l’emploi

Afin de guider le développement de ce type d’applications, l’éditeur prévoit la disponibilité d’une suite nommée AI Foundation déployée sur la BTP, dont la première brique se nomme Generative AI Hub.

« Il s’agit de rassembler des services d’IA prêts à l’emploi, tels que des modèles préentraînés et réentraînés, par exemple pour le traitement des documents, les recommandations, en particulier dans le domaine de la traduction », affirme Juergen Mueller. Generative AI Hub « inclus également l’accès à des LLM de premier plan depuis la BTP, dans un contexte SAP », ajoute-t-il.

Outre des partenariats avec Microsoft, OpenAI, IBM et Google Cloud, SAP a investi dans Aleph Alpha, Cohere et Anthropic.  

La suite comprendra le moteur vectoriel de SAP HANA Cloud afin de cadrer les réponses des modèles d’IA générative, mais aussi les briques existantes AI Core et AI Launchpad, dédiées au déploiement d’application et à l’inférence de modèles d’IA.

Generative AI Hub sera disponible dès le mois de décembre. Le service inclura des outils de prompt engineering dans le but de tester des modèles et l’orchestration de différents LLM exploités dans le cadre d’un processus.

Pour l’heure, une nouvelle intégration avec la plateforme de data science de DataRobot implique l'hébergement de modèles prédictifs (et plus tard d’IA générative) sur la BTP, à l’aide de SAP AI Core.

En outre, la fonction de NLP « Just Ask » entre en préversion dans SAP Analytics Cloud (SAC). Elle permet d’effectuer des requêtes analytiques en langage naturel, à l’instar de ce que propose Tableau et Amazon QuickSight.

Joule, lui, intégrera SAP Regulatory change Manager, un outil incorporé dans la plupart des services cloud SAP pour notifier des changements de régulations qui pourraient affecter l’utilisation d’un produit de l’éditeur allemand.

Enfin, SAP a annoncé un partenariat avec le programme « Human-Centered Artificial Intelligence » de l’Université de Stanford pour l’aider à développer des modèles LLM responsables.

Car, oui, SAP l’a officialisé : « nous sommes en train d’entraîner notre propre modèle de fondation spécifique aux cas d’usage et à l’univers SAP », avance Juergen Mueller.

SAP veut innover, mais les clients le suivront-ils ?

Reste à savoir si la stratégie de SAP en matière d’IA générative convainc les entreprises. L’éditeur allemand entend le prouver. Lors d’une conférence de presse, Michael Nilles, CDIO chez Henkel, s’est exprimé sur la stratégie d’IA de l’industriel allemand. Le célèbre producteur de lessives (entre autres) a « co-innové » avec SAP pour développer en douze semaines une solution MVP de TPM (Trade Promotion Management) et de TPO (Trade Promotion Optimization) qui s’appuient à la fois sur une pile d’IA maison et sur l’assistant Just Ask dans SAC. Cette application est déployée sur la BTP. « À l’avenir, nous pourrions utiliser la BTP pour concevoir notre propre pile de déploiement d’IA générative et exploiter les capacités de l'assistant Joule », envisage Michael Nilles.

« À l’avenir, nous pourrions utiliser la BTP pour concevoir notre propre pile de déploiement d’IA générative et exploiter les capacités de l'assistant Joule ».
Mickael NillesCDIO, Henkel

Le projet d’Henkel semble être actuellement l’une des exceptions à la règle. D’après les retours des clients français et européens présents lors de la convention de l’USF et Sapphire de Barcelone, l’heure est davantage à la préparation de la migration vers S/4HANA et sa variante Cloud plutôt qu’à l’adoption de l’IA générative dans un contexte SAP.

Puis, il y a la question du prix. Selon une étude menée par Enterprise Strategy Group, une filiale de Techtarget (également propriétaire du MagIT), seulement 10 % des entreprises sont prêtes à payer un surcoût pour des fonctions d’IA générative embarquées dans une application. D’après les dires de Julia White, Chief Marketing & Solutions Officer, et membre du comité de direction chez SAP auprès de Computerweekly.com, une publication sœur du MagIT, l’assistant Joule sera, dans la plupart des cas, inclus dans l’abonnement des services associés.

Ce n'est pas le cas actuellement. Joule est pour l'instant disponible dans S/4HANA Cloud à travers Premium et Premium Plus, des offres associées à Rise With SAP présentées au mois d'octobre. Les offres Premium et Premium Plus font l'objet d'une licence distincte. « Pour ces offres, nous introduisons un modèle basé sur la consommation appelé "AI Unit"», précise SAP auprès du MagIT. Ce modèle à la consommation devrait s'appliquer à l'ensemble des solutions d'IA générative au sein de l'univers SAP.

« Nous envisageons d’adopter une unité spécifique à l’IA pour les cas d’usage où nous pouvons [prouver] la valeur que nous avons créée tout en nous assurant que cela couvre nos coûts », affirme Julia White.

« Les clients Cloud peuvent simplement acheter le nombre d'unités dont ils ont besoin sans avoir à se préoccuper de l'octroi de licences pour chaque cas d'usage individuel », complète un porte-parole de SAP. « Nous inclurons un nombre important d'unités d'IA dans notre nouvelle offre RISE premium plus ».

Article mis à jour avec des précisions de SAP concernant le modèle économique associé aux solutions d'IA générative.

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