Cet article fait partie de notre guide: Plateformes IoT Industriel : comment choisir ?

IoT : le marché français est en retard selon Software AG

Malgré un élan évident sur le marché de l’IoT, Software AG se heurte aux doutes et aux retards des clients, particulièrement en France.

Depuis le rachat de la plateforme IoT Cumulocity en 2017, l’éditeur allemand Software AG se positionne comme un acteur de l’internet des objets industriel (IIoT). Cette solution, imaginée en 2010 par Bernd Gross – l’actuel CTO de Software AG – et son équipe, était vendue comme une PaaS capable de supporter des cas d’usage liés à la ville intelligente et à l’énergie. Ceux-ci représentent maintenant « 20-25 % des appels d’offres ». « Les autres projets concernent des problématiques industrielles », assure Fabrice Hugues, directeur technique et innovation chez Software AG France.

Techniquement, ce tournant repose sur la complémentarité entre la plateforme IoT et les solutions développées par Software AG. Le spécialiste du middleware ajoute aux capacités de connectivité et de device management de Cumulocity IoT avec son iPaaS WebMethods.io.

Cet élément du Software AG Cloud basé sur une approche Low code permet d’intégrer des données, des applications des terminaux, et des plateformes cloud. « Nous voyons que les clients ont besoin d’intégration. Dans un cadre industriel, ils ont besoin d’une interface de type tableau de bord, de l’analytique en temps réel et corréler les données avec l’historique des utilisations. Cumulocity s’appuie donc sur WebMethods. Sur certains projets, la moitié du travail consiste à de l’intégration de données », affirme le responsable français.

Multiplier les briques pour répondre aux besoins industriels

Dans un contexte industriel, la PaaS se connecte au Manufacturing Execution System (MES), un logiciel de pilotage de la production, à l’ERP, un data warehouse ou aux outils de la gestion de la supply chain. « Nous avons de plus en plus d’APIs à notre disposition. Nous avons la capacité de nous interfacer avec beaucoup d’applications tout comme nous proposons l’IoT sous forme d’APIs grâce à WebMethods », précise-t-il. Pour ce qui est du BtoC, Cumulocity IoT se connecte au CRM comme Salesforce et aux logiciels de facturation. Le site de l’éditeur mentionne plus de 170 connecteurs applicatifs préintégrés.

Par ailleurs, l’éditeur allemand veut disposer d’une compatibilité avec la plupart des protocoles de communications IoT et industriels. Modbus, OPC UA, CanBus, REST, SMARTREST ou encore MQTT sont quelques-uns des standards supportés par la plateforme. Software AG se veut agnostique concernant la connectivité réseau : LoRaWAN (via le cœur de réseau Actility), Sigfox, M2M ou encore LTE peuvent servir à connecter les différents capteurs et machines.

IoT oblige, Software AG fournit un outil de streaming analytics et de visualisation de données : Apama. Il doit permettre d’analyser les données en temps réel, puis de les filtrer avec un moteur de corrélations. « Dans certains contextes, nous nous sommes rendu compte que cela ne suffisait pas. Nous avons ajouté des briques de machine learning dans la solution pour faciliter les analyses prédictives », déclare Fabrice Hugues.

Pour cela, l’éditeur a racheté Zementis en 2016. L’outil qui en découle permettrait aux data scientists d’intégrer des modèles algorithmiques en utilisant le langage PMML (Predictive Model Markup Langage, un dérivé du XML). La solution se connecte aux bases de données relationnelles et peut être déployée sur Hadoop en utilisant Hive, Spark et Storm. Elle doit également fonctionner sur les applications mainframe comme COBOL, Adabas, CICS et Natural. Ce traitement massivement parallèle est censé réduire le temps d’obtention d’indicateurs de plusieurs semaines à quelques jours.

L’acquisition de TrendMiner l’année dernière vise à ajouter des fonctionnalités de « self-service analytics » à la plateforme IoT. L’application « permet à des experts métiers de pouvoir analyser les données et corréler les informations historiques sans connaissance particulière en data science par l’exploitation de séries temporelles », avance Fabrice Hugues. « C’est une pratique très utile dans la pétrochimie et dans l’industrie pharmaceutique », ajoute-t-il.

Cumulocity IoT peut être déployé dans le cloud et sur site, « en mode Edge computing ». « Nous avons des partenaires comme Dell qui embarquent Cumulocity IoT dans des appliances [serveurs ou passerelles IoT, N.D.L.R.] à installer sur site. Il s’agit d’éviter les problématiques réseau, d’obtenir une réactivité accrue et d’y embarquer des algorithmes grâce à Zementis », considère Fabrice Hugues.

L’IoT représente encore une part minime des revenus de Software AG

Afin de compléter cette offre pensée de bout en bout, Software AG met à disposition sur son site Web une place de marché pour acheter les équipements certifiés. Depuis son lancement, près de 350 marques jouent le jeu. Là encore, cela vient répondre à un défi technique.

« Nous avons atteint une taille critique. Aujourd’hui, les fabricants viennent faire certifier leurs capteurs sur Cumulocity. Nous pouvons ensuite provoquer un mécanisme proche du plug and play. Avec un tout petit peu de paramétrages, le capteur est capable de signaler sa présence au système. Il vient décrire lui-même les informations qu’il va envoyer. Sans cette étape, le déploiement s’en retrouve ralenti », déclare le responsable français.

Pour autant, cette débauche d’attributs techniques ne garantit pas une réussite immédiate de Software AG sur ce marché. Pour rappel, il affirmait en début d’année 2018 avoir investi 1,2 milliard d’euros dans l’IoT. La division Cloud et IoT a réalisé 30,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, soit 3,56 % de ses revenus globaux l’année dernière (865,4 millions d’euros). Au troisième trimestre 2019, la même unité d’affaires a généré 8,6 millions d’euros de CA, contre 9,1 millions à la même période en 2018. En revanche, les prévisions financières sont particulièrement optimistes. L’éditeur envisage une croissance de 75 % à 125 % du chiffre d’affaires accumulé par la division sur l’année 2019.

« Pour beaucoup de cas d’usage, nous facturons à la souscription [suivant le nombre d’objets, l’espace de stockage et la bande passante consommés N.D.L.R.]. Les clients semblent satisfaits. Du même coup, la part des revenus récurrents augmente. Sur le troisième 2019, nous avons de gros projets qui ont pris du retard et nous avons beaucoup d’espoir que ces contrats décalés se signent et se matérialisent d’ici la fin de l’année », selon Fabrice Hugues.

Les particularités du marché français selon Software AG

L’éditeur s’occupe davantage de déploiements en Allemagne et en Europe du Nord qu’en France. « Concernant l’IoT, la France a démarré un petit peu tard. Il y a beaucoup de pilotes, de maquettes, démonstrateurs, de calcul de ROI, etc. Mais en France, les gros appels d’offres nous les recevons en ce moment. Dans certains pays, ils sont déjà dans des phases de production. Les projets de grandes entreprises arrivent à maturité aujourd’hui », déclare le responsable.

« Concernant l’IoT, la France a démarré un petit peu tard. [...] En France, les gros appels d’offres nous les recevons en ce moment. »
Fabrice HuguesDirecteur technique et innovation, Software AG France

Selon lui, travailler avec de grands comptes implique des déploiements lourds. Il prend l’exemple de la robotisation d’une usine ou d’un parc d’usine pour un grand groupe international. De plus, la multiplication des protocoles réseau, et particulièrement l’émergence de la 5G, provoque une forme d’incertitude.

« J’ai l’impression que tous les six mois – un an, il apparaît un nouveau protocole réseau. C’est assez excitant, et même temps, nous nous rendons compte que c’est un marché qui se cherche encore un peu. Sur certains des gros contrats, nos clients semblent un peu perdus de leur côté parce que la réalité en France en termes de réseau est très différente de ce qui est accessible en Australie sur les projets smart city », constate le dirigeant.

Un autre problème freine la perception du marché hexagonal : « les clients français ne veulent pas communiquer ». Aujourd’hui, les projets sont souvent confidentiels pour des raisons concurrentielles.

Fabrice Hugues perçoit deux tendances qui expliquent ce phénomène. « Il y a deux types de projets. Il y a d’abord celui qui joue le rôle de pilote qui a davantage vocation à convaincre de la pertinence de l’IoT en interne. Nous un avons un très gros client industriel avec qui nous déployons une solution pour du smart building. Il s’agit de savoir si les salles de réunion sont libres ou non, la température dans les pièces, etc. C’est avant tout un démonstrateur domotique et non de l’IIoT. Le deuxième type concerne des solutions clairement concurrentielles. Je pense à un sous-traitant aéronautique. Il ne veut absolument pas évoquer la manière dont il se sert de l’IoT pour gagner quelques pourcentages de marge, ce qui lui permet de baisser ses prix », affirme-t-il.

Une concurrence très active

La société dispose d’un autre relais de croissance : le fait de proposer Cumulocity en marque blanche. « Vodafone vend la plateforme sous son nom et Siemens embarque une partie de notre solution dans son offre IoT Mindsphere. Adamos, issu de notre joint-venture avec DMG Mori, Dür, Zeiss et ASM, propose Cumulocity IoT selon des conditions similaires », détaille Fabrice Hugues.

Cependant, le marché de l’IoT, et plus particulièrement des PaaS IoT, est soumis à une pression concurrentielle forte. Des acteurs du PLM comme PTC se sont lancés, tandis que les fournisseurs cloud AWS et Microsoft ont chacun une offre dédiée.

« Historiquement, la plateforme Cumulocity a été fondée par des spécialistes du réseau, des anciens de Nokia. Au contraire, beaucoup de nos compétiteurs viennent plutôt du monde du logiciel. Ces concurrents sont peut-être très bons dans la conception d’interfaces graphiques et dans la gestion de la donnée, mais pas forcément dans la gestion des capteurs. PTC fait de la device connectivity, mais pas de device management. Amazon et Microsoft sont arrivés très tard dans la partie Edge parce que le hardware ce n’est pas leur domaine », défend le directeur technique et innovation. « En tant qu’éditeur nous ajoutons des couches fonctionnelles avec WebMethods alors que certains sont partis du métier pour redescendre vers les couches réseau. Avec cette plateforme, nous sommes ancrés dans le monde industriel », conclut-il.

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